Les petits ghettos polonais (Nazisme - 2ième guerre mondiale)
183. Tuchin
Tuczyn, Tuchin en polonais, est une petite ville d’Ukraine, dans le district de Rovno, appartenant à la Pologne entre les deux guerres, puis occupée par l’Union Soviétique d’octobre 1939 à juin 1941. Environ 3.000 Juifs vivent à Tuchin lorsqu’arrive l’armée allemande, le 6 juin 1941.
Immediatement les Ukrainiens, avec le soutien des Allemands, lancent un pogrom: 70 Juifs sont tués, de nombreux autre blessés et des rues entières pillées. Le jour suivant arrive une unité du Sonderkommando 4a: pour «se faire la main», elle exécute 30 Juifs sur une liste préparée par les Ukrainiens. Le même mois, les Juifs sont obligés de porter l'insigne Juif (un brassard blanc avec une étoile jaune de David), de payer un rançon en or et de travailler au service des Allemands dans l'agriculture, les tanneries, et diverses entreprises. Un Judenrat est créé, dirigé par Gecel Schwarzman, un des hommes d'affaires de la ville et chef de la communauté juive. En subornant les Allemands, les Juifs parviennent à retarder jusqu’en 1942 la création d’un ghetto.
Après la liquidation des Juifs de Rovno mi - juillet 1942, quelques rescapés atrrivent à Tuchin et rapportent ce qui est arrivé dans leur ville. Les chefs de la communauté décident de résister. Gecel Schwarzman et son adjoint Meir Himmelfarb prennent la tête du mouvement et préparent un programme d'action qui tienne compte de la structure du ghetto, environ 70 maisons, disposées le long d'une seule rue. Le plan est de mettre le feu aux maisons, de tirer des coups de feu afin de semer la panique parmi les Allemands, et de filer le plus vite possible dans les forêts voisines. Avec des fonds du Judenrat, on achète du kérosène. Quatre «groupes de combat» sont organisés, disposant de cinq fusils, de vingt - cinq revolvers et de grenades à main. Un groupe de Juifs dont le travail forcé consiste à l’abattage d’arbres dans les forêts, tente, mais sans succès, de contacter l'unité de pertisans du colonel Dimitri Medvedev.
Lorsque la communauté juive se rassemble pour la prière du Yom Kippur (21 septembre 1942), les organisateurs de la résistance leur présentent le projet de révolte. Le 23 septembre, les Allemands cernent le ghetto. Les chefs de l'insurrection décrètent l’état d’alerte et les groupes de combat prennent leurs positions: deux près des deux portes du ghetto, un à la sortie de la rue principale, et le quatrième en réserve dans le bâtiment du Judenrat. Le 24 septembre à l'aube, les Allemands et la police auxiliaire ukrainienne se postent aux abords du ghetto. Au signal prévu, signal, le feu est mis à l’ensemble des maisons du ghetto et des entrepôts allemands voisins. Les groupes de combat commencent à tirer et des brêches sont ouvertes dans la clôture du ghetto, par lesquelles les Juifs commencent à s’échapper. 2.000 des 3.000 «résidants» du ghetto arrivent ainsi à fuir dans les forêts le jour même et la journée suivante. Les unités de combat juives tiennent durant deux jours, tuant plusieurs Allemands et policiers auxiliaires ukrainiens. L'insurrection s’achève samedi le 26 septembre avec la réddition des chefs de la révolte. Schwarzman et Himmelfarb sont immédiatement exécutés dans le cimetière Juif. Les 1.000 Juifs qui n’ont pas pu s’échapper sont massacrés.
La situation des 2.000 qui ont réussi à s’échapper reste tragique. Dans les trois jours, la moitié d'eux sont repris et tués. Environ 300 femmes avec des bébés, ne pouvant pas vivre dans la forêt, reviennent dans la ville. Toutes sont exécutées. Beaucoup d’autres meurent de faim ou de maladie dans la forêt, ou sont pris par les paysans et remis aux Allemands. D’autres, surtout des jeunes, rejoignent les unités de partisans soviétiques et tomberont en combattant. Quand Tuchin est libérée le 16 janvier 1944, environ 15 Juifs de la ville sont encore vivants.
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