On ne peur parler de l’impressionnisme sans évoquer la figure centrale de Manet. Avant Pissarro et Monet, le chef du mouvement pictural qui se distancie de l’académisme est Edouard Manet.
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Edouard Manet : Le Déjeuner dans l'atelier. 1868. Huile sur toile, 118 cm x 153 cm. Munich, Neue Pinacothek |
Manet n’est pas un impressionniste. Il vient d'autres horizons esthétiques et sociaux, il est républicain de cœur tout en appartenant à la haute bourgeoisie parisienne et en s'étonnant du mépris où le tient le monde de l'art officiel. Mais il est le créateur d’une nouvelle manière de peindre : il travaille sur cette idée toute simple, qui ouvre l’histoire de l'art moderne : à savoir que la peinture n'est pas autre chose que la peinture, qu'elle n'exprime rien d'autre qu'elle-même, mais qui exige des dons de peintre absolument extraordinaires, un œil et une main d'une exceptionnelle puissance. C'est la première raison qui a fait que les jeunes peintres explorant des voies nouvelles se groupent autour de lui…
| Edouard Manet : Le Port de Bordeaux. 1871. Huile sur toile, 66 cm x 100 cm. Collection privée |
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| Edouard Manet : Sur la plage. 1873. Huile sur toile, 57 cm x 73 cm. Paris, musée d'Orsay |
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| Edouard Manet : Monet peignant dans son bateau-atelier. 1874. Huile sur toile, 80 cm x 98 cm. Munich, Neue Pinacothek |
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Surtout, Manet est un rejeté. En 1863, le jury du Salon officiel refuse son « Déjeuner sur l'herbe » sous le prétexte qu'il représente une femme nue dans un contexte contemporain. Comme par ailleurs le jury refuse de nombreuses œuvre de jeunes peintres, et devant de nombreuses protestations, l'empereur Napoléon III décrète la tenue d'un « Salon des Refusés » regroupant les œuvres n'ayant pu être présentées au salon de Paris. Ce salon a un immense succès, dépassant même celui du « véritable » salon. Mais les critiques sont très violentes, et Manet devient le peintre que la presse, les pouvoirs académiques et le public vouent à l'exécration. Il devient donc presque naturellement le chef de file de ces peintres rejetés et est, pour les futurs impressionnistes, après Corot et Courbet, un exemple d'une nouvelle manière de peindre et un nouveau guide autour duquel ils vont naturellement se rassembler et, à travers lequel ils vont aussi, pour certains, faire connaissance. Manet est donc beaucoup plus le chef des novateurs que le chef des impressionnistes, le chef de tous les refusés, de tous les exclus de la société, le « tribun » du café Guerbois, vaste cercle hétérogène et mélangé, où se confrontent, aux Batignolles, toutes sortes de tendances.
| Edouard Manet : Le déjeuner sur l'herbe. 1863. Paris, Musée d'Orsay |
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| Edouard Manet : Olympia. 1863. Huile sur toile, 130,5 x 190 cm. Paris, Musée d'Orsay |
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| Edouard Manet : Roses et tulipe dans un vase. 1883. Huile sur toile. Paris, Musée d’Orsay |
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| Edouard Manet : la famille Monet dans leur jardin à Argenteuil. 1874. Huile sur toile. New York, Metropolitan Museum |
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Manet a cependant de profondes attaches picturales avec l’impressionnisme, qu’il découvre par ses propres moyens, d'abord un peu à Boulogne, au bord de la mer du Nord, puis surtout en Espagne, en regardant les courses de taureaux avec leurs vibrations de lumière et leurs couleurs éclatantes, enfin sur la côte de l'Atlantique, à Arcachon et à Bordeaux. Il ne se convertit pas à l’impressionnisme, mais ses recherches l’en rapprochent incontestablement : « Je peins ce que je vois, et non ce qu'il plaît aux autres de voir », cette phrase résume à elle seule cette revendication de l'artiste à donner sa vision personnelle, celle de sa propre subjectivité. Sa volonté première est de faire de la peinture qui ne soit que peinture et, pour cela, de capter la vérité des objets et des êtres. La compagnie des impressionnistes l'incline à assouplir toute cette gravité, à éclaircir une palette où il y avait souvent du sombre et du noir. Cette expérience, il la pousse très loin avec ses amis, jusqu'à à aller s'installer en 1874 à Argenteuil et peindre des canotiers et des bateaux. Sa rencontre avec Berthe Morisot (1841-1895), élève de Corot, accentue encore le renouvellement de son art : il réalise de nombreux portraits de son modèle (« le Balcon ») qui en 1874 épousera son frère Eugène Manet.
| Edouard Manet : Berthe Morisot au bouquet de violettes. 1872. Paris, Musée d'Orsay, Paris |
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| Edouard Manet : le Balcon. 1868-1869. Huile sur toile, 170 x 124 cm. Paris, Musée d’Orsay |
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| Edouard Manet : Argenteuil. 1874. Huile sur toile, 149 x 115 cm. Tournai, Musée des Beaux-Arts |
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| Edouard Manet : Chez le père Lathuille. 1879. Huile sur toile, 92 cm x 112 cm. Tournai (Belgique), musée des Beaux-Arts |
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Mais cette « période d’Argenteuil » est la seule concession que Manet fait à l’impressionnisme. Il pousse l’aventure au bout, mais rapidement reprend son indépendance, refusant de se soumettre aux seules sensations et refusant la « dictature de la lumière » et le « despotisme de la couleur ». Ainsi, il refuse, et refusera toujours d’exposer avec les impressionnistes, boude l'exposition chez Nadar en 1874, et expose en 1875 au Salon officiel. Ainsi, il tracera sa propre voie entre le rejet (« Portrait d'Albert Wolf », le pire ennemi de l'impressionnisme, 1877) ou l’utilisation (« Nana ») de la nouvelle technique, cherchant le compromis entre l'impression fugitive et le tableau achevé, dont le « Bar des Folies Bergère » est sans doute le témoignage le plus accomplit de la manière de l’artiste.
| Edouard Manet : Nana. 1877. Huile sur toile, 154 cm x 115 cm. Hambourg, Kunsthalle |
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| Edouard Manet : "La Serveuse de bocks. 1879. Huile sur toile, 77,5 cm x 65 cm. Paris, musée d'Orsay |
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| Edouard Manet : Un bar aux Folies Bergères. vers 1881-1882. Londres, Courtauld Institute Galleries |
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