En 1867 et 1872, l’empereur refuse d’organiser des autres Salons des Refusés. Après la guerre de 1870, et la Commune qui suivit en 1871, les impressionnistes, désormais sûrs de leur façon de voir, libérés du joug de la politique culturelle du Second Empire, pensent que leur heure est venue. Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Cézanne, Guillaumin, Berthe Morisot et Degas décident de se former en société et d’organiser une exposition. Ils se constituent en « Société anonyme des peintres, sculpteurs graveurs » avec l’appui de Durant Ruel et, le 15 avril 1874 s’ouvre leur première exposition dans la galerie du photographe et très étonnant personnage Nadar, au 35 boulevard des Capucines. Ils sont 31 exposants, dont Boudin, Cals, Cézanne, Degas, Guillaumin, Monet, Berthe Morisot, Pissarro, Renoir, Rouart, Sisley. Monet y expose douze tableaux. L'un d'eux représente un lever de soleil sur la mer, avec le disque solaire jaillissant, ses rayons rouges s'infiltrant au milieu des brumes et se reflétant dans les eaux, « Du soleil dans la buée et, au premier plan, quelques mâts de navire pointant » d’après Monet lui-même qui appelle cette toile « une chose », faite au Havre, de sa fenêtre, et qui est bien embarrassé quand on lui demanda un titre pour le catalogue : « Ça ne pouvait vraiment pas passer pour « Le Havre », raconte Monet ; Je répondis : « Mettez Impression ». On en fit « Impression, soleil levant ».
 | Claude Monet : impression, soleil levant. Le port du Havre. 1874. Huile sur toile, 48 x 63 cm. Paris, Musée Marmottan |
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Dès l’ouverture de l’exposition, la déception est terrible. Le scandale est retentissant : les critiques d'art ne voient dans ces toiles que des « croûtes » qui ont « déclaré la guerre à la beauté » ; les railleries pleuvent. Le journaliste Louis Leroy de la revue « le Charivari » : va passer, bien malgré lui, à la postérité : devant le tableau de Monet, s'exclame « Impression... J'en étais sûr... puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là -dedans !... » Le terme est né, accepté d'emblée par les artistes eux-mêmes et leur petit cercle d'amateurs. Il va connaître une éblouissante fortune.
 | Adolphe Félix Cals : Honfleur. 1874. Huile sur toile, 25 cm x 31 cm. Paris, musée d'Orsay |
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 | Berthe Morisot : Le Berceau. 1872. Paris, Musée d'Orsay |
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 | Henri Rouart (1833-1912) : la terrasse au bord de la Seine à Melun. 1880. Huile sur toile, 46,5 cm x 65,5 cm. Paris, musée d'Orsay |
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 | Alfred Sisley : Le canal Saint-Martin. 1872. Huile sur toile, 47 cm x 38 cm. Paris, Musée d’Orsay |
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 | Edgar Degas : la classe de danse. 1873. Huile sur toile. Paris, musée du Louvre |
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 | Auguste Renoir : Le déjeuner des canotiers. 1881. Huile sur toile, 129,5 × 172,5 cm. Washington, The Phillips Collection |
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Cette première exposition s’achève donc le 15 mai, sur un retentissant échec dont le coté financier n’est pas le moins important. L’exposition avait accueilli en tout 3 500 visiteurs, contre 400 000 pour le Salon Officiel. Sur le plan financier c’est une catastrophe : les peintres sont obligés de vendre leurs toiles aux enchères à l'hôtel Drouot. Le résultat est pitoyable : 11 491 francs, dans lesquels il fallait compter les toiles rachetées par les artistes et par leur ami et marchand de la première heure, Durand-Ruel…
Ainsi les débuts de l'impressionnisme sont un des moments les plus aigus du conflit qui s'est produit à la fin du XIXè siècle entre le goût bourgeois, revigoré dans ses goûts traditionnels par l’écrasement de la Commune, et la création artistique. Il plonge dans la misère la plupart de ces jeunes créateurs, surtout Monet, Pissarro et Sisley. Ce dernier, dont le père négociant venait d'être ruiné sera particulièrement poursuivit par la malchance et mourra trop tôt pour assister aux premiers succès de la nouvelle école. Seule l’aide de quelque compagnons plus aisés ou amateurs éclairés, les Caillebotte, Chocquet, de Bellio, Faure le baryton, Murer le pâtissier, les sauveront de la déchéance absolue.
 | Auguste Renoir : la Promenade. 1870. Huile sur toile. Los Angeles, Jean Paul Getty Museu |
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 | Gustave Caillebotte : Bateaux à l'ancre sur la Seine. 1890. Huile sur toile, 65 cm x 55 cm. Collection privée |
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 | Paul Cézanne : L'Etang des Soeurs, Osny. 1875. Huile sur toile, 60 cm x 73,5 cm. Londres, Courtauld Institute Galleries |
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 | Paul Cézanne : Le Clos des Mathurins à Pontoise. 1875-1877. Huile sur toile, 58 cm x 71 cm. Moscou, musée Pouchkine |
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 | Armand Guillaumin : La Seine à Rouen. 1898. Huile sur toile, 60 cm x 73 cm. Douai, musée de la Chartreuse |
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 | Claude Monet : bateaux quittant le port, Le Havre. 1874. Huile sur toile, 101 x 60 cm. Collection privé |
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