B&S Encyclopédie

Index de l'article Index de l'article
1. La mise en place de la politique exterminationniste
1.1. Introduction
1.2. L’environnement de l’opération Barbarossa
1.3. De la « transplantation » à l’extermination

2. Histoire des Einsatzgruppen
2.1. Origines
2.2. La composition des Einsatzgruppen
2.3. L’Einsatzgruppe A
2.4. L’Einsatzgruppe B
2.5. L’Einsatzgruppe C
2.6. L’Einsatzgruppe D

3. Les méthodes des Einsatzgruppen
3.1. Les fusillades
3.2. Les camions à gaz
3.3. Les camps d’extermination

4. Les rapports

5. Les grands massacres
5.1. Le massacre des Juifs de Lettonie
5.2. Babi Yar
5.3. La forêt de Krepiec
5.4. Le massacre des juifs de Przemysl dans la forêt de Grochowce

6. Les victimes

7. L’« Aktion 1005 »
7.1. Origine et objectifs
7.2. Le travail du kommando
7.3. Les procès du « Sonderkommando 1005 »

8. Témoignages
8.1. Les rapports des EG
8.2. Babi Yar, par un officier allemand
8.3. Himmler : Extraits des discours de Poznan
8.4. Massacres à Minsk
8.5. L’Accord OKW-RSHA du 26 mars 1941
8.6. Un chef des EG témoigne
8.7. Le rapport Graebe
8.8. « Les camions de la mort »
8.9. Note pour l’entretien des camions à gaz

9. Le procès des Einsatzgruppen
9.1. Les procès
9.2. Les verdicts du procès de Nuremberg
9.3. Verdicts des autres procès
9.4. Procès en Allemagne de l’Est
9.5. Autres destins

10. Les bourreaux. Biographies
10.1. Achamer- Pifrader Humbert
10.2. Alvensleben Ludolf-Hermann Emmanuel Georg Kurt Werner von
10.3. Baatz Bernhard
10.4. Bach Zelewski Erich von dem
10.5. Barth Horst
10.6. Bassewitz-Behr Georg-Henning, comte de
10.7. Becker August
10.8. Behrends Hermann Johann Heinrich
10.9. Biberstein Ernst
10.10. Bierkamp Walther
10.11. Blobel Paul
10.12. Bluhm Wilhelm
10.13. Blume Walter
10.14. Bock Wilhelm
10.15. Böhme Klaus
10.16. Bradfisch Otto
10.17. Braune Fritz
10.18. Braune Werner
10.19. Buchardt Friedrich
10.20. Christensen Theodor
10.21. Christmann Kurt
10.22. Ehlers Ernst
10.23. Ehrlinger Erich
10.24. Fegelein Herrmann
10.25. Fendler Lothar
10.26. Filbert Albert
10.27. Findeisen Wilhelm
10.28. Fuchs Wilhelm
10.29. Gottberg Curt von
10.30. Haensch Walter
10.31. Hafner August
10.32. Hans Kurt
10.33. Hausmann Emil
10.34. Herrmann Günther
10.35. Hubig Hermann
10.36. Isselhorst Erich
10.37. Jäger Karl
10.38. Janssen Adolf
10.39. Jeckeln Friedrich
10.40. Jost Heinz
10.41. Klingelhöfer Waldemar
10.42. Kutschera Franz
10.43. Landau Felix
10.44. Lange Herbert
10.45. Lange Rudolf
10.46. Meier August
10.47. Meyszner August Edler von
10.48. Naumann Erich
10.49. Nebe Arthur
10.50. Nosske Gustav Adolf
10.51. Ohlendorf Otto
10.52. Ott Adolf
10.53. Pechau Manfred
10.54. Prützmann Hans-Adolf
10.55. Rapp Albert
10.56. Rasch Emil Otto
10.57. Rauca Helmut
10.58. Rauff Walter
10.59. Roch Heinz
10.60. Sandberger Martin
10.61. Schäfer Oswald Theodor August Wilhelm
10.62. Schimana Walter
10.63. Schöngarth Karl
10.64. Schulz Erwin
10.65. Seetzen Heinrich Otto
10.66. Seibert Willi
10.67. Six Franz
10.68. Stahlecker Franz Walter
10.69. Steimle Eugen
10.70. Strauch Eduard
10.71. Suhr Friedrich
10.72. Weinmann Erwin
10.73. Woyrsch Udo Gustav Wilhelm Egon von
Bas de boite

Diffusé par CashTrafic

Nazisme : les Einsatzgruppen (2ième guerre mondiale)

Partager:  partager Partager bsencyclopedie sur Twitter

0. Nazisme : les Einsatzgruppen (2ième guerre mondiale)

La mise en place de la politique exterminationniste
Histoire des Einsatzgruppen
Les méthodes des Einsatzgruppen
Les rapports
Les grands massacres
Les victimes
L’« Aktion 1005 »
Témoignages
Le procès des Einsatzgruppen
Les bourreaux. Biographies

5. Les grands massacres

Einsatzgruppen : massacres entre le 17 juillet et le 31 août 1941
Einsatzgruppen : massacres entre le 17 juillet et le 31 août 1941
Einsatzgruppen : massacres entre le 22 juin et le 6 juillet 1941
Einsatzgruppen : massacres entre le 22 juin et le 6 juillet 1941
Einsatzgruppen : massacres à l’est entre juin 1941 et novembre 1942
Einsatzgruppen : massacres à l'est entre juin 1941 et novembre 1942
Einsatzgruppen : massacres entre septembre et octobre 1941
Einsatzgruppen : massacres entre septembre et octobre 1941

5.1. Le massacre des Juifs de Lettonie

En mars 1941, en préparant l'attaque contre l'URSS, Hitler confie à Heinrich Himmler, Reichsführer SS et à son adjoint Reinhard Heydrich, chef du Sicherheitsdienst « SD » l’organisation de l'annihilation immédiate et complète des Juifs qui résident dans le territoire du futur « Reichskommissariat Ostland », les territoires des états baltes, Estonie, Lituanie et Lettonie, ainsi que la Biélorussie. À cette fin est créée l'« Einsatzgruppe A der Sicherheitspolizei und des SD ». Les nazis décident d’associer à leur action les antisémites locaux, particulièrement virulents dans les pays baltes. En juin 1941 Reinhardt Heydrich donne l’instruction secrète d’agir en sorte que les actions antisémites apparaissent comme une expression spontanée de haine anti-Juive de la part des Lituaniens, Estoniens ou Biélorusses… L'instruction précise notamment :

« Aucun obstacle ne sera mis à la manière par laquelle les anticommunistes et les antisémites souhaitent mener leurs actions de purification dans les territoires nouvellement conquis. Au contraire, ces actions devront être intensifiées… et, au besoin, elles devront être canalisées de manière à ne donner à ces groupes d’autodéfense aucune possibilité de se référer plus tard à des ordres ou des promesses politiques venant de l’extérieur… »

En termes clairs, il faut faire « porter le chapeau » aux antisémites locaux… Il est projeté de filmer et de photographier les actions criminelles des antisémites locaux et d'autres partisans des nazis afin de faire une ample collection de preuves, avec l’intention très claire de falsifier l’histoire et de compromettre les nations conquises.

C’est la Lettonie qui la première voit arriver l’Einsatzgruppe A, commandé par le SS Brigadenführer et docteur en droit Walter Stahleker. Le groupe est formé de 990 membres de la police allemande, de la Gestapo et des Waffen SS. Il est réparti en unités spéciales de massacre, Einsatz- et Sonderkommandos, avec environ chacun 150 hommes. L’Einsatzgruppe est accompagné de Lettons qui avaient fui leur pays en 1939 lorsqu’il était tombé aux mains des Soviétiques, et qui s’étaient réfugiés en Allemagne où ils étaient bien connus pour leur anticommunisme et leur antisémitisme virulent. Très rapidement, ils jouent le rôle de relais, prenant contact avec les réseaux de résistants anti-Soviétiques et de nombreux membres de l'organisation « P?rkonkrusts » (« Croix du tonnerre »), avec comme objectif de les impliquer dans l’extermination des Juifs et des communistes.

P?rkonkrusts est une organisation nationaliste fasciste créée en 1930, violemment antisémite, anti soviétique, mais aussi anti germanique… Cette organisation est interdite par les Soviétiques en 1939 et ses membres poursuivis. Beaucoup se réfugient en Allemagne nazie. Lorsque la Wehrmacht s’empare de la Lettonie, P?rkonkrusts tente de revivre, mais les nazis se méfient de ce mouvement, à leur goût beaucoup trop nationaliste, et ne permettent pas sa renaissance. Quelques anciens dirigeants du mouvement restent en effet fidèles à leur anti-germanisme viscéral et vont bientôt rejoindre les rangs de la résistance. Mais de nombreux autres se lancent dans la collaboration : en lien avec la police lettone et l’armée, ils forment des milices secrètes au service des nazis pour, sur leurs ordres, terroriser la population et exterminer les Juifs et les sympathisants communistes.

Le 8 juillet 1941, tout le territoire letton est sous occupation nazie. Seuls environ 15 000 juifs lettons sont parvenus à s'échapper à l'est. Plus de 75 000 d'entre eux sont aux mains des nazis. Mais les massacres ont commencé dès la nuit du 23 au 24 juin 1941, lorsque les membres du SD exécutent 6 Juifs de Grobi?a dans le cimetière. Les jours suivants 35 juifs sont exterminés à Durbe, Priekule et As?te. Le 29 juin les nazis forment la première unité auxiliaire lettone à Jelgava. Elle est commandée par M?rti?š Vagul?ns, membre du « P?rkonkrusts ». Durant l’été 1941, les 200 à 300 hommes de l'unité participent à l'extermination d'environ 2 000 juifs à Jelgava et dans la province de Zemgale (centre sud de la Lettonie). Le massacre est dirigé par les SS allemand Rudolf Batz et Alfred Becu et les hommes de l’Einsatzgruppe. La synagogue principale de Jelgava est détruite.

Février 1940 : surveillés par un garde SS, des Juifs polonais creusent leur tombe dans le sol gelé..
Février 1940 : surveillés par un garde SS, des Juifs polonais creusent leur tombe dans le sol gelé..
Creuser les tombes avant de tomber
Creuser les tombes avant de tomber

Après la prise de Riga W. Stahlecker, secondé par les membres de « P?rkonkrusts » et d'autres collaborateurs locaux, organise le pogrom des Juifs dans la capitale de la Lettonie. Viktors Ar?js, 31 ans, ancien membre de « P?rkonkrusts » est nommé chef de l’opération. Cet « éternel étudiant » est fanatisé par son épouse, une riche propriétaire de magasins, de dix ans son aînée. Ar?js avait travaillé un certain temps dans la police, mais s'en était vu chassé à cause de son extrémisme. C’est un homme bien repu, très coquet, portant fièrement son chapeau d’étudiant…. Le 2 juillet Ar?js commence à former son unité armée chargée de vider la Lettonie de ses « juifs et communistes. » Au début, l’unité comprend essentiellement de nombreux étudiant, membres de diverses organisations, mais rapidement elle s’adjoint de nombreux individus louches et de membres de la pègre locale… En 1941 elle est forte d’environ 300 hommes. Les principaux adjoints de Victors Ar?js sont Konstant?ns Ka?is, Alfr?ds Dikmanis, Boris Kinsler et Herbert Cukurs. La nuit du 3 juillet, le commando d'Ar?js commence à arrêter, maltraiter et voler les juifs de Riga. Le 4 juillet, la synagogue de la rue Gogo?a est incendiée, puis c’est le tour des synagogues des Maskavas et Stabu. Rapidement, le pogrom tourne au massacre, et de nombreux Juifs sont tués, y compris des Juifs réfugiés de Lituanie. Ces massacres sont censés servir « d'exemple » pour d'autres antisémites pronazis… Au 16 juillet, il y a déjà 2 700 morts et 2 000 prisonniers qui seront exterminés avant la fin du mois…

Kaunas, 25 et 26 juin 1941 : les auxiliaires au secours des Einsatzgruppen, avec des méthodes « barbares »
Kaunas, 25 et 26 juin 1941 : les auxiliaires au secours des Einsatzgruppen, avec des méthodes « barbares »
Après le martyre, la crémation. Bûcher quelque part dans l’est
Après le martyre, la crémation. Bûcher quelque part dans l’est

Diverses unités lettones auxiliaires sont été également impliquées dans l'extermination des Juifs. Dans la zone d'Il?kste, des juifs ont été tués par « l’escadron de la mort » du commandant Oskars Baltmanis, composé de 20 meurtriers. Tous les massacres sont supervisés par les SS allemands. En juillet 1941, après l’action du « Commandio Arajs », les 4 000 Juifs de Riga survivants et des environs sont tués dans la forêt voisine de Bi?ernieku. Les exécutions sont dirigées par les SS Sturmbannführers H. Barth'>Barth, R. Batz, et Rudolf Lange de Riga. A Liep?ja (Libau), le premier massacre de masse des juifs a lieu les 3 et 4 juillet, lorsqu’environ 400 personnes sont tuées, et le 8 juillet lorsque 300 juifs sont exterminés : ce sont les SS qui se chargent de l’exécution, sous le commandement d'Erhard Grauel, alors que les Lettons convoient le cortège des victimes sur le lieu du massacre. Le 13 juillet est détruite la grande synagogue de Liep?ja. Les rouleaux de la Torah sont jetés sur la place Ugunsdz?s?ju et les Juifs sont forcés de « danser dessus » sous les rires et les quolibets des assassins… A Ventspils, les massacres sont commis par le même commando qu’à Libau, avec la participation de la milice locale : entre le 16 et le 18 juillet, 300 personnes sont tuées dans la forêt de Kazi?u. Les 700 juifs restant seront assassinés en automne…

Groupes d’enfants avant leur exécution par les Einsatzgruppen
Groupes d’enfants avant leur exécution par les Einsatzgruppen

A Daugavpils l'extermination des juifs est d’abord commandée par Erich Ehrlinger, chef de l’Ensatzkommando 1B. Au 11 juillet il a fait massacrer environ 1 150 personnes. Le travail d'Ehrlinger est poursuivi par Joachim Hamann, responsable du massacre de 9 012 Juifs dans la ville et dans la province du Latgale méridional. Le chef de la police auxiliaire locale Roberts Bl?zmanis collabore en assurant le déplacement des Juifs au ghetto de Gr?va et leur convoyage sur les sites d’exécution. A R?zekne les massacres sont commis par un groupe de SS assisté par des hommes du « commando Ar?js ». Environ 2 500 personnes sont exterminées. Pour tout le mois d’octobre 1941, environ 35 000 Juifs lettons sont tués.

5.2. Babi Yar

Babi Yar : carte de Kiev, des sites de rassemblement et du ravin de la mort
Babi Yar : carte de Kiev, des sites de rassemblement et du ravin de la mort

5.2.1. La prise de la ville par les Allemands

Les 19 et 20 septembre 1941 Kiev est occupée par la 6è armée allemande. A ce moment 875 000 personnes habitent la ville, dont 175 000 Juifs, représentant 20% de la population. Quelques unes des plus importantes industries de guerre avaient été évacuées par les Soviétiques avec tout leur personnel. Parmi celui-ci, 20 à 30 000 Juifs ukrainiens. Entre 130 et 140 000 Juifs tombent donc entre les mains des nazis. La population, se souvenant de l’occupation de la ville par les Allemands en 1918, est convaincue que les nazis vont se comporter comme leurs aînés, de façon amicale et civilisée. On est convaincu que les occupants vont rendre leurs droits et leurs propriétés aux gens spoliés par le régime stalinien. Pour les Ukrainiens, la Wehrmacht ressemble à une armée de libération. Les Juifs sont à cent lieues de s’imaginer le sort qui les attend. Mais dès la première journée d’occupation, des Juifs sont poursuivis et quelques-uns assassinés. Les Allemands n’envisagent cependant pas l’établissement d’un ghetto.

Babi-Yar, près de Kiev : le ravin de la mort… Vue aérienne
Babi-Yar, près de Kiev : le ravin de la mort… Vue aérienne

5.2.2. Les attentats

Le 24 septembre et dans les jours qui suivent, plusieurs bombes explosent dans la ville (rue Kreshtchatik et Prorizna), provoquant d’énormes dégâts. Des dizaines de maisons occupées par des Allemands au centre ville sont détruites, dont le quartier général de l’armée, l’hôtel Continental. Une centaine de soldats et d’officiers allemands sont tués et un incendie consécutif aux explosions ravage encore d’autres bâtiments. Ces bombes ont été posées par des éléments du NKVD restés dans la ville après la retraite soviétique.

Le Général de la Wehrmacht Alfred Jodl témoigne lors de son procès à Nuremberg :

« ...Nous avions à peine occupé la ville, qu’il y eut un suite d’énormes explosions. La plus grande partie du centre ville était en feu ; 50 000 personnes se trouvaient sans toit. Des soldats allemands furent mobilisés pour combattre l’incendie ; Ils subirent d’énormes pertes, car pendant qu’ils luttaient contre le feu, d’autres bombes explosèrent encore… Le commandant de la place de Kiev pensa d’abord que la responsabilité du désastre incombait à la population civile locale. Mais nous avons trouvé un plan de sabotage qui avait été préparé longtemps à l’avance et qui avait listé 50 à 60 objectifs, prévus pour être détruits. Les techniciens ont immédiatement prouvé que le plan était authentique. Au moins 40 autres objectifs étaient prêts à être détruits ; ils devaient sauter grâce à un déclanchement à distance par ondes radio. J’ai eu en mains le plan. »

5.2.3. Le prétexte

Dans la rue Kreshtchatik les Allemands arrêtent un Juif en train de sectionner un tuyau destiné à combattre l’incendie. Il est immédiatement abattu. Cet incident devient le prétexte pour rendre responsables des explosions les Juifs de la ville. Le commandant militaire de Kiev, le major général Eberhardt rencontre immédiatement le HSSP SS-Obergruppenführer Friedrich Jeckeln, commandant de l’Einsatzgruppe C, le SS-Brigadeführer Otto Rasch et le commandant du Sonderkommando 4a, le SS-Standartenführer Paul Blobel. Il décident que le seule « réponse appropriée » à cet acte de sabotage ne peut être que la destruction radicale des Juifs de Kiev, et qu’elle sera réalisée par le Sonderkommando 4a. Ce commando est formé d’hommes du SD et de la SiPo, des 3 compagnies des « Bataillons de Waffen-SS mises à disposition pour des actions spéciales », et d’une unité du 9è bataillon de Police. Les 45è et 305è régiments du « régiment de police sud » ainsi que quelques troupes d’auxiliaires ukrainiens sont mis à disposition pour le soutien de l’action. Le lieu d’exécution est rapidement choisi : c’est un ravin profond, à environ 10km des limites de la ville : Babi Yar (Babyn Jar en ukrainien). Aujourd’hui l’endroit et englobé dans les limites de la ville.

Le ravin de Babi Yar
Le ravin de Babi Yar

5.2.4. Le rassemblement

Babi Yar : affiche convoquant les Juifs à se rassembler lundi le 29 septembre pour 8 heures
Babi Yar : affiche convoquant les Juifs à se rassembler lundi le 29 septembre pour 8 heures

Le 28 septembre 1941, la 637è compagnie de Propagande affiche dans la ville un appel à la population, imprimé par les services de la 6è Armée :

« Tous les Juifs de la ville de Kiev et de ses environs doivent se rassembler lundi le 29 septembre 1941 à 8 heures du matin à l’angle des rues Melnikova et Dokhturova. Ils doivent apporter leurs papiers officiels, leur argent, leurs objets de valeur, des habits chauds, des sous-vêtements etc… Chaque Juif qui ne respecte pas cette ordonnance et qui sera trouvé ailleurs sera fusillé. Chaque citoyen trouvé dans les appartements des Juifs abandonnées ou en train d’y voler sera fusillé. »

En même temps, les Allemands font courir le bruit que ces Juifs seront transférés dans des camps de travail. Comme le lieu de rassemblement se trouve près de la gare de marchandise de Lukianivka, de nombreux Juifs font confiance en cette rumeur…

Babi Yar
Babi Yar
Babi Yar
Babi Yar
Babi Yar : en route vers l’holocauste
Babi Yar : en route vers l'holocauste

5.2.5. Le massacre

Le lundi 29, ils sont des milliers à obéir à l’ordre allemand. Gardés par les SS, les hommes du SD et les auxiliaires ukrainiens, ils se rendent par groupes de 100 par la rue Melnikova au cimetière juif qui se trouve à proximité du ravin de Babi Yar. L’ensemble du secteur est entouré d’une clôture de barbelée et gardé par plusieurs cordons d’hommes de troupe : la police ukrainienne forme le cordon extérieur, ukrainiens et allemands le cordon central, allemands uniquement le cordon intérieur. Au bord du ravin les Juifs doivent se déshabiller et déposer tous leurs objets et valeurs. Puis, par groupes de 10 ils descendent dans le ravin. Là, on les exécute au fusil ou à la mitrailleuse sous les yeux de leurs compagnons d’infortune pour qui toute fuite est désormais inutile et impossible.

Babi Yar : la route du supplice est jonchée de cadavre de récalcitrants
Babi Yar : la route du supplice est jonchée de cadavre de récalcitrants
Babi Yar : ramassage des effets des victimes
Babi Yar : ramassage des effets des victimes

Beaucoup plus de Juifs sont conduits à la mort que n’en espèrent les Allemands. D’après un rapport de l’Einsatzgruppe C, les SS s’attendent à ce qu’arrivent entre 5 et 6 000 Juifs. Ils sont plus que 30 000, croyant tous qu’ils allaient être transférés. En conséquence, tous les Juifs ne peuvent pas être massacrés le même jour. Mais pour aller plus vite, on invente des « techniques » :

« Les tueurs n’avaient pas assez de temps d’accomplir leur tâche. C’est pourquoi ils placent les gens tête contre tête, afin qu’une balle touche deux personnes. Ceux qui étaient seulement blessés sont achevés à coup de pelle. Des enfants sont jetés vivants dans le ravin et enterrés… »
Félix Levitas, historien.

« Ils fusillèrent les gens du matin au soir. La nuit tombée, les Allemands se couchèrent. Le reste des victimes fut enfermé dans des garages. Le massacre s’étendit sur 5 jours. Les nazis amenaient toujours plus de personnes, et seuls des camions chargés des vêtement des victimes sont partis… »
Sergey Ivanovich Lutsenko, ancien gardien du cimetière de Lukianivka

Babi Yar : ramassage des effets des victimes
Babi Yar : ramassage des effets des victimes
Babi Yar : ramassage des effets des victimes
Babi Yar : ramassage des effets des victimes

Le massacre des juifs de Kiev dure jusqu’au 3 octobre 1941. Dans les mois suivants, le ravin de Babi Yar continue à servir de lieu d’exécution pour des Juifs, des civils ukrainiens, des prisonniers de guerre soviétiques, des Tziganes sinti ou roma. D’après les sources soviétiques, entre 100 et 200 000 personnes ont été exécutées à Babi Yar jusqu’à la libération de la ville le 6 novembre 1943. D’après un rapport de l’Einsatzgruppe C du 7 octobre 1941, le nombre des victimes juives des massacres de septembre 1941 s’élève à 33 771 Juifs. Quelques habitants de Kiev ont dénoncé leurs voisins juifs. Mais d’autres leur ont proposé de les cacher. Après la guerre le chef du SiPo et du SD de Kiev a affirmé que son bureau avait reçu des corbeilles pleines de lettres de dénonciation au point de pas réussir à les traiter toutes. Mais depuis 1990 l’« Union des Juifs d’Ukraine » à décerné le titre de « Juste de Babi Yar » à 431 personnes qui ont caché et sauvé des Juifs. Lorsque les Allemands quittent la ville en 1943, ils décident de déporter tous les habitants de la ville pour l’Allemagne. Ils rassemblent les gens à l’aide de chiens policiers et massacrent les récalcitrants, les vieux et les malades. Ce sont à nouveau des scènes effrayantes. Kiev donne l’impression ville morte.

5.2.6. Le « Sonderkommando 1005 »

En juillet 1943, Paul Blobel est de retour à Kiev, cette fois avec son « Sonderkommando 1005 » pour effacer les traces des tueries. Il est secondé par le SS-Gruppenführer Max Thomas, chef du SD et de la SiPo d’Ukraine. L’unité qui œuvre à Babi Yar se compose de 10 hommes du SD et de 30 policiers allemands commandés par le SS-Obersturmbannführer Baumann. Ils encadrent 327 détenus du camp de Syrets (dont environ 100 Juifs) qui en 6 semaines effectuent ce macabre travail. Chaque homme est enchaîné avec une chaîne de 2 à 4 mètres de long. Celui qui est fatigué et ne travaille pas assez vite est aussitôt abattu.

Blobel témoigne le 18 juin 1947 :

« Durant mon inspection j’ai pu assister à une crémation dans une fosse commune près de Kiev. La fosse était longue d’environ 55 mètres sur 3 mètres de large et 2,5 mètres de profond. Après que la terre eut été mise de côté, les corps ont été arrosés avec un produit inflammable puis allumés. Cela dura deux jours jusqu’à ce que le tout soit consumé. Puis la fosse fut comblée et toutes les traces effacées. A cause de l’avancée du front, il ne me fut pas possible de détruire toutes les fosses communes au sud et à l’est, résultats des massacres perpétrés par les Einsatzgruppen. »

Babi Yar : Syrets, le camp du « Kommando 1005 » chargé de déterrer et d’incinérer les victimes de la tuerie
Babi Yar : Syrets, le camp du « Kommando 1005 » chargé de déterrer et d’incinérer les victimes de la tuerie
Babi Yar : Syrets, le camp du « Kommando 1005 » chargé de déterrer et d’incinérer les victimes de la tuerie
Babi Yar : Syrets, le camp du « Kommando 1005 » chargé de déterrer et d’incinérer les victimes de la tuerie

Les cadavres sont brûlés sur de bûchers érigés sur des rails de chemin de fer. Lorsqu’un bûcher est consumé, le Sonderkommando des détenus est chargé de rassembler tous les restes d’ossements non totalement réduits en cendre et de les réduire au pilon. Enfin les cendres sont fouillées afin de récupérer éventuellement de l’or ou de l’argent. Sur 327 détenus, 15 arrivent à s’échapper, mais tous les autres seront exécutés.

Babi Yar 1943 : prisonniers de guerre soviétiques obligés d’exhumer les cadavres des victimes du massacre et de les brûler
Babi Yar 1943 : prisonniers de guerre soviétiques obligés d’exhumer les cadavres des victimes du massacre et de les brûler

5.2.7. Après la guerre

Babi Yar : fouilles du ravin à la fin de la guerre
Babi Yar : fouilles du ravin à la fin de la guerre

Pour des motifs politiques, aucun monument de sera édifié à Babi Yar avant 1976. Le mémorial de 1976 ne fait aucune allusion aux Juifs massacrés. Il faut attendre 1991 pour que soit édifié une Menorah du souvenir, qui sert aujourd’hui de mémorial central des Juifs de Kiev. C’est sans doute le poète Evgeni Ievtutchenko qui exprime le mieux le drame des ces journées dans son œuvre « Babi Yar », publiée et 1961 et que Dimitri Chostachovitch évoquera en partie dans sa 13è symphonie, créée en 1962.

Babi Yar : ménora
Babi Yar : ménora

5.2.8. Témoignage : Journal d’Iryna Khoroshunova, 29 septembre et 2 octobre 1941

« Nous ne savons toujours pas ce qu’ils font avec les Juifs. Il arrive d’épouvantables rumeurs du cimetière de Lukianivka. Mais elles sont impossibles à croire. Elles disent que les Juifs sont fusillés… Quelques personnes prétendent que les Juifs sont massacrés à la mitrailleuse. Tous. D’autres, que 16 wagons de chemin de fer sont prêts et que les Juifs vont être envoyés ailleurs. Mais où ? Personne ne le sait. Une seule chose semble claire : tous leurs papiers, affaires et toute leur nourriture ont été confisqués. Ensuite ils sont poussés vers Babi Yar, et là… Je ne sais pas. Je sais seulement une chose : il se passe là bas quelque chose d’épouvantable, quelque chose d’inimaginable, que l’on ne peut pas comprendre… »
Journal d’Iryna Khoroshunova, 29/09/1941
« Chacun dit maintenant que les Juifs sont assassinés. Non ; ils ont déjà été tués. Tous. Sans exception. Vieilles personnes, femmes, enfants. Ceux qui le lundi (29 septembre) sont rentrés à la maison ont aussi été tués. Les gens en parlent d’une telle façon qu’aucun doute n’est permis. Pas un seul train n’a quitté la gare de Bahnhof Lukianivka. Des gens ont vu des camions avec des foulards et d’autres objets partant de la gare. « Minutie » allemande ! Ils ont déjà trié leurs rapines ! Une jeune fille russe a accompagné son amie au cimetière et s’est glissée de l’autre côté de la clôture : elle a vu comment des gens nus ont été poussés vers Babi Yar et a entendu les rafales d’une mitrailleuse. Il y a de plus en plus de rumeurs et de nouvelles. Trop monstrueuses pour y croire. Mais nous sommes obligés d’y donner foi, car le massacre des Juifs est une réalité. Une réalité qui nous rend fous. Il est impossible de vivre en sachant cela. Autour de nous, les femmes pleurent. Et nous ? Nous pleurions aussi le 29 septembre, lorsque nous pensions qu’ils seraient emmenées dans un camp de concentration. Mais maintenant ? Pouvons-nous pleurer réellement ? Je suis en train d’écrire. Mais mes cheveux se dressent sur ma tête. »
Journal d’Iryna Khoroshunova , 02/10/1941

5.3. La forêt de Krepiec

5.3.1. Les premières exécutions

La forêt de Krepiec est située 11 kilomètres de Lublin, près de la route principale reliant Lublin à Zamosc et à Chelm. Pendant l’occupation nazie, la forêt est l’un des plus grands emplacements de massacres collectifs dans la zone de Lublin. Le 3 mai 1940 a lieu la première exécution : un groupe d'otages polonais et juifs est éliminé à Krepiec pour venger l'assassinat d'un fonctionnaire SS de Lublin, le Hauptsturmführer Loska. Un autre groupe de prisonniers polonais et juifs, sorti de la prison de la Gestapo « le château » de Lublin, est probablement exécuté à Krepiec en 1941. Après la guerre, les témoins du village de Krepiec relatent aussi que des prêtres et des religieuses se trouvaient parmi les victimes des premières exécutions dans la forêt de Krepiec. Le nombre exact de victimes de ces premières exécutions n'est pas connu et les sources détaillées sur ces meurtres n’existent plus.

5.3.2. Les exécutions de 1942

On connaît par contre mieux le détail des exécutions et des crémations de 1942 concernant des prisonniers de KL Majdanek qui avaient été gazés ou tués d’une autre manière. La première, et sans doute la plus grande exécution de masse en 1942 a été organisée par les SS et le SD de Lublin les 21 au 22 avril 1942, après les déportations du ghetto de Lublin vers Belzec. Les Juifs ayant survécu aux déportations doivent abandonner le grand ghetto de Podzamcze pour le petit ghetto de la banlieue de Majdan Tatarski, près de Majdanek. Entre 7 000 et 8 000 Juifs de Lublin sont confinés dans le ghetto fermé de Majdan Tatarski. Parmi eux, un grand nombre de personnes « illégales », ne possédant aucun « J-Ausweis » leur permettant de demeurer à Majdan Tatarski. Le Judenrat établit une liste de tous les juifs « reclassés » dans le nouveau ghetto, présumant que tous les Juifs obtiendraient la permission de rester à Lublin, car les déportations avaient stoppé.

Le jour après l'enregistrement, le ghetto est cerné par des SS et des « Hiwis » de Trawniki, commandés par Hermann Worthoff, le responsable des déportations du ghetto de Lublin. Une a sélection à lieu sur la liste déjà préparée par le Judenrat : 2 500 à 3 000 Juifs qui ne possèdent pas un « J-Ausweis » sont transférés à Majdanek, emprisonné dans deux casernes et de là emmenés par convois de camions à Krepiec. Les SS affirment aux victimes qu'ils les transfèrent dans un grand domaine agricole au delà de la forêt, domaine dans lequel ils seraient employés. La plupart des Juifs accorde foi à ces dires, jusqu’au moment ou parviennent les premiers bruits de fusillades et les cris des premières victimes… A Majdanek restent 200 à 250 jeunes Juifs qui sont enregistrés et enfermés dans le camp, survivant ainsi au massacre. Au dernier moment un groupe de femmes et d’enfants est libéré par les SS et revient au ghetto : ce sont principalement des femmes et des enfants dont les maris travaillent au Judenrat au service de l’administration allemande, et dont le président du Judenrat, Dr. Marek Alten, a réussi à négocier la vie sauve. Parmi elles, Anna Bach, veuve d'un avocat célèbre de Lublin, Aron Bach, et sa fille Diana, qui réussiront à fuir le ghetto et à survivre.

Les Juifs de Lublin survivants du petit ghetto sont très rapidement au courant du destin de leurs parents et voisins, informés par les paysans polonais témoins des exécutions. Deux ou trois jours après l'exécution, des prisonniers de guerre soviétiques et quelques Juifs slovaques - membres du Sonderkommando de Majdanek – sont emmenés dans la forêt pour enterrer les corps des Juifs assassinés. Les affaires, les vêtements, l'argent et les objets de valeur des victimes sont transférés à Majdanek. Durant ce travail, plusieurs membres du Sonderkommando se révoltent. Quelques prisonniers de guerre soviétiques attaquent les gardes lithuaniens ivres et plusieurs prisonniers s’échappent. Leur destin n'est pas connu.

La vague suivante de massacres dans la forêt de Krepiec a lieu à la fin de l'été et à l'automne de 1942. Une épidémie de typhus éclate à ce moment à Majdanek. Les médecins SS organisent dans le camp une sélection générale des prisonniers qui ne peuvent travailler ou sont malades. Il est difficile de dire combien ont été choisis. Les plus nombreux sont les Juifs slovaques, polonais, tchèques et allemands. Les sélections durent fin août et tout au long du mois de septembre 1942. Comme les chambres à gaz de Majdanek sont encore en chantier, les prisonniers sélectionnés sont chargés sur des camions et conduits dans la forêt de Krepiec où les SS les exécutent. On ne sait pas combien de personnes ont été exécutées, mais il y en, a probablement plusieurs centaines.

5.3.3. La forêt, lieu de crémation

Les exécutions cessent à Krepiec en octobre 1942 après la mise en service des les chambres à gaz de Majdanek. Mais début 1943 la forêt connaît à nouveau de terribles évènements : comme les crématoires de Majdanek s’avèrent beaucoup trop petits, les Allemands décident d'utiliser la forêt comme lieu de crémation des corps des juifs gazés au camp de concentration. Des bûchers grossiers, construits avec des rails de chemin de fer, fonctionnent pratiquement chaque jour de janvier jusqu'à l'été de 1943. Très tôt chaque matin les camions chargés de cadavres viennent livrer leurs macabres chargements dans la forêt. Toute la zone de la forêt de Krepiec est emplie de la puanteur des corps se consumant et de la fumé flottant au-dessus des arbres, visible de très loin...

En même temps que les corps des personnes gazées, les corps des victimes exécutées dans les fosses en 1942 sont également incinérés. Les prisonniers du « Sonderkommando » de Majdanek exhument les corps les jettent dans les bûchers.

Un des témoins de ces crémations, Jozefa Lutynska, raconte :

« Je me rappelle également comment alors que je voyageais à Lublin en 1942 et 1943 j'ai vu peut-être 12 camions transporter les corps humains couverts de feuilles. Il y avait de la neige et du vent qui dispersait les feuilles au loin et nous avons vu les corps nus, les uns sur les autres. Il y avait beaucoup de sang, le sang frais et rouge, preuve que ces personnes étaient vivantes peu avant… Les corps transportés dans la forêt de Krepiec ont été brûlés par les Allemands sur des bûchers construits avec des rails de chemins de fer. Mon oncle Adam Nowak, qui est forestier, habite à Krepiec et travaille dans la forêt dans laquelle les Allemands ont brûlé les corps. Il m'a dit une fois « viens ! Ainsi toi aussi tu verras ce que les Allemands font et comment ils brûlent les corps. » Je suis allée par le passé avec mon oncle et j'ai vu des rails de voies ferrées, distant d’environ 50cm les un des autres, formant quelque chose comme une grille. Sous chaque grille les traces de crémations étaient visibles, avec beaucoup de cendres et des fragments de mains et de jambes qui n'étaient pas été totalement consumées. Je n’ai pas regardé avec trop de précision, car j’ai tellement été horrifiée que je n’ai pas voulu en voir plus… »

La crémation des corps des victimes de Majdanek dure jusqu'à l'automne 1943, date à laquelle un crématoire plus grand est mis en service dans le camp. A Krepiec, les emplacements des exécutions et des incinérations n'ont pas été totalement détruits pas les nazis. Même en 1946 ils étaient encore en évidence dans la forêt. En 1970 un mémorial a été construit dans la forêt de Krepiec. Sur le mémorial, est inscrit le chiffre de 30 000 personnes massacrées ou brûlées… En fait, personne ne sait exactement combien de victimes ont été assassinées ou incinérées à Krepiec....

5.3.4. Témoignages

Il y a des témoins de ces massacres des juifs de Lublin en avril 1942 parmi les Polonais des villages de Krepiec et de Kazimierzowka vivant à proximité de la forêt. Ils viennent témoigner en 1945 auprès de la commission soviéto-polonaise et en 1966-1967 lors d’une nouvelle enquête : Andrzej Wojcik a observé les exécutions durant une journée entière en avril 1942 :

« Le 22 avril 1942 j'étais à la maison et soudain j'ai noté que six ou sept camions, pleins d’enfants entre 2 et 14 ans sont arrivés dans la forêt. Les enfants ont été entraînés au bord des fosses et les Allemands les ont exécutés par balles. On a pu entendre les cris perçants des enfants provenant du lieu du massacre. Cela a duré de 2 heures à 6 heures du matin. Les Allemands étaient en uniformes bleus et casqués. Il m’est difficile de dire à quelle formation ils appartenaient. Il était difficile d’y voir au début à cause de l’obscurité. J'ai observé le massacre d'une distance d’environ de 50m. Je ne sais pas combien d'enfants ont été tués. Ils ont été transportés sur des camions complètement surchargés.

« Vers 8 heures du matin environ, 9 camions chargés de Juifs arrivent dans la forêt. Le secteur a été cerné par des soldats lituaniens. Je le sais parce que des gens me les ont décrits comme des lituaniens. Les juifs ont été obligés de descendre et ont été menés au même endroit où les enfants ont été assassinés. Certains Juifs portent leurs enfants dans leurs bras. J'ai observé le massacre d'une distance environ 150m mais d'une autre direction qu'avant. Les Allemands obligent les Juifs à descendre dans les fosses. Il y avait d’horribles cris perçants. Un groupe de six officiers SS et de Lituaniens tire alors sur les Juifs dans les fosses. Je suis sûr qu'ils sont SS parce que sur leurs casquettes et leurs uniformes il y avait les insignes de la mort… L'exécution a duré de 8 heures du matin jusqu'à 8 heures du soir, et j'ai observé ces massacres durant tout ce temps. J'ai appris par des personnes qu'un Juive à réussi à s’extraire vivante de la montagne de cadavres mais que plus tard, en tentant de s'échapper, elle a été tuée dans un champ.

« Le jour suivant je suis allé sur le lieu des exécutions et j'ai noté que les fosses avaient été recouvertes pour partie de terre, pour partie de buissons. Des jambes, des mains et des têtes dépassaient... La terre autour des fosses baignait dans le sang. Je suis resté là environ 20 minutes. » 

Au même moment, un autre habitant de village de Krepiec, Adam Czupryn, a vu comment les transports des juifs dans des camions se sont arrêtés à l’orée de la forêt :

« (...) Les transports sont composés de 3 à 5 camions. De chaque camion, peut-être 30, peut-être 50 personnes sont déchargées. Parmi les prisonniers il y a des hommes, des femmes et des enfants de tous âges, ainsi que des bébés. Je n'ai pas parlé avec ces personnes. J'ai seulement entendu des fragments de conversations en Yiddish. Le transport de ces personnes et leur déchargement ont duré plusieurs jours. Comme je l'ai mentionné, ces personnes ont été emmenées dans la forêt, mais elles n’en sont jamais revenues. La forêt résonnait du bruit des mitrailleuses et des explosions de grenades, ainsi que des que des cris perçants des gens. Environ 20 minutes se sont écoulées entre le départ du groupe depuis la route et le moment du début de l'exécution. Ceux qui attendaient à l'entrée de la forêt pouvaient entendre le bruit des armes et les hurlements des victimes. Ces personnes ont été cernées de tous les côtés par les soldats en uniformes noirs. Combien de personnes ont été tuées, je ne le sais pas. On a interdit l'accès à la forêt de Krepiec. Plusieurs personnes qui ont voulu voir le lieu du massacre ont été tuées. »

5.4. Le massacre des juifs de Przemysl dans la forêt de Grochowce

Tôt le matin de ce 27 juillet 1942, tous les Juifs du ghetto de Przemysl sont séparés en deux groupes. Le groupe le plus grand, se compose de ceux qui vont être déportés à à Belzec. Il est emmené sur la grande place « Smietnisko » (« la décharge ») ceinte d’une barrière de barbelés et située près de la rue d'Iwaszkiewicza. Les personnes âgées, les malades et des enfants accompagnés de leurs grands parents sont parqués dans un autre endroit près de rue de Mikolaja. Le groupe principal part pour la gare en soirée. Les personnes âgées sont transportées par camions, tout au long de la journée, à l'emplacement de leur exécution dans la forêt près du village de Grochowce. Ce processus se répète du 31 juillet au 3 août. Le nombre exact des victimes n'est pas connu. Quelques sources parlent de 4 000, mais la plupart de 2 500… Les témoins parlent de 3 fosses communes (deux grandes et une petite). Une de ces fosses a été découverte en 1958 : on a exhumé les restes de 532 victimes que l’on a enterrées dans le cimetière juif. Les travaux d'exhumation ont été interrompus. Le lieu d’exécution dans la forêt est tombé dans l’oubli jusqu'en 2002, lorsqu’un groupe de chercheurs a retrouvé l’endroit.

Le massacre de Grochowce et les événements dans le ghetto qui l'a précédé ont fait l’objet de nombreux témoignages de survivants :

Lettre de Klara Pfeffer à Wiktor Reisner, 1946 :

«  Nous nous sommes préoccupés des personnes âgées, à savoir votre mère, mes parents et tante. C'était une nuit terrible. Les malheureux étaient perdus, mais pourtant courageux. Ils étaient conscients qu’ils allaient devoir travailler durement, qu'ils allaient souffrir, mais qu’après tout ils allaient revenir… je me rappelle même que votre maman (Joanna Thürhaus-Reisner) disait, sarcastique, qu’ils se rendaient « auf eine Landpartie », « à une partie de campagne »… elle a sans doute compris que cette tragédie finirait dans la campagne... »

Témoignage de Bernard Ekert :

« ... Ce 28 juillet (en fait le 27 juillet) 1942, le jour de la première opération dans le ghetto de Przemysl, j'ai vu de ma fenêtre donnant sur la rue de Boguslawskiego comment les milliers d'infortunés se sont rendus en rangs sur la place connue sous le nom de « décharge » qui leur avait été indiquée comme lieu de rassemblement pour être transportés, comme cela s’est avéré plus tard, à Belzec. Les juifs plus âgés ont été poussés par la Gestapo avec des fouets dans des camions et amenés à Grochowce où ils ont été tués... »

Témoignage de Krystyna Krolik :

« ... Le 30 juin (en fait le 27 juillet) 1942, la place a été remplie de monde. Chaque personne avait cinq kilos de bagages. Les camions sont arrivés, et on y a chargé ces bagages. Les gens se sont assis, car on ne leur a pas permis de se tenir debout, de circuler ou de parler… On leur a ordonné de remettre leurs objets de valeur et dollars. Des gens ont déchiré leurs billets de banque et ont enterré leurs objets de valeur là où ils se trouvaient. Chaque fois qu’un groupe était parti de se place, ordre était donné de fouiller l’endroit et, naturellement, les objets de valeur ont été retrouvés. Les gens agissaient ainsi malgré le fait que d’enterrer les objets ou de se déplacer était puni d’une balle dans la nuque... »
 chapitre précédentchapitre suivant 
Chapitre précédentChapitre suivant


Diffusé par CashTraficLe jeu de stratégie par navigateur ! Combattez des milliers de joueurs et imposez votre loi ! Faites croître votre influence sur la scène internationale par le biais d'alliances ou de déclarations de guerre ! Formez une alliance et imposez vos vues à vos adversaires ! Commercez avec les autres joueurs ou espionnez-les pour découvrir leurs faiblesses !
Encyclopédie
©2007-2010 B&S Editions. Tous droits réservés.
Hébergement du site chez notre partenaire 1&1 (voir ses offres)