La décision d'utiliser des unités des SD (services de sécurité) pour accomplir des actions politiques spéciales est prise au début de la planification de l'invasion Barbarossa, décidée le 18 décembre 1940 par le Führer. Le 13 mars 1941, le général Keitel, commandant de l’OKW, dote le plan Barbarossa d'un supplément qui traite de « tâches spéciales », indépendantes des besoins militaires de l'invasion et qui seront supervisées par Himmler.
Keitel écrit :
« Dans le théâtre d'opérations de l'Armée, le Reichsführer-SS [Himmler] s'est vu confié des missions spéciales par le Führer pour la préparation de l'administration politique, missions spéciales qui découlent de la lutte décisive entre deux systèmes politiques opposés. Dans la conduite de ces missions, le Reichsführer-SS agit indépendamment et de sa propre autorité [...] Au début des opérations, la frontière germano-soviétique doit être fermée à la circulation du personnel non militaire, à l'exception des unités de police qui doivent être déployées sur ordre du Führer. »
(Hitlers Weisungen für die Kreigführung [Directives d'Hitler pour la conduite de la Guerre], éditées par Walther Hubatsch, Deutscher Taschenbuch Verlag, Frankfort sur-le Main, 1962, pp. 102-3, traduction vers l'anglais de Gord McFee. Voir également Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard 1988, p. 243)
Après des négociations avec l'armée allemande menées entre Eduard Wagner de la Wehrmacht et Heydrich, réunion à laquelle participe Otto Ohlendorf, il est convenu qu'au front, les Einsatzgruppen seraient sous le contrôle de l'armée, mais que dans les zones d'opérations et à l'arrière l'autorité de l'armée ne s'étendrait pas au-delà des questions de tactique. En fait, les Einsatzgruppen sont presque toujours opérationnellement indépendants, recevant leurs ordres directement de Heinrich Himmler et, jusqu'à sa mort, de Reinhard Heydrich. Il y aura des plans pour créer des unités semblables dans d'autres territoires contrôlés par les nazis (Ohlendorf, témoignage de Nuremberg), mais ces plans ne seront jamais mis à exécution.
| Une scène de tuerie. Einsatzgruppe D, quelque part en Ukraine |
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| Micasevichi en Polésie : le massacre des Juifs |
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| Slarow, Union Soviétique, le 4 juillet 1941. Les hommes à gauche sont des « Allemands ethniques » qui prêtent main forte au bataillon EG |
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Au départ, la ligne de conduite à tenir est communiquée oralement aux officiers des Einsatzgruppen. Elle est ensuite en partie formulée, notamment dans le « Kommisarbefehl ». Effectivement, l'invasion de l'URSS est précédée par une série d'« ordres criminels », ordres et décrets diffusés aux soldats au printemps 1941, encourageant et couvrant les crimes contre les civils. En ce qui concerne plus particulièrement les Einsatzgruppen, par ordre de Hitler, sous l'autorité exclusive de Himmler, ils peuvent commettre des exactions, s'appuyant sur des alibis politiques, dont les responsables n'ont pas à rendre compte à l'armée régulière.
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Organigramme de la chaîne de commandement des Einsatzgruppen |
Les chefs des Einsatzgruppen sont réunis au moins deux fois en juin 1941, et reçoivent alors des instructions concernant leurs tâches. Au cours d'une troisième réunion qui a lieu probablement le 22 juin 1941, Heydrich donne aux commandants des instructions relatives aux plans de leurs opérations. Otto Ohlendorf, commandant des Einsatzgruppen D et proche associé d'Himmler, confirme que ces ordres avaient été donnés, lors de son témoignage au Procès de Nuremberg : « … à la fin de l'été 1941 Himmler se trouvait à Nikolaïev. Il réunit les chefs et les hommes des Einsatzkommandos, leur répéta l'ordre de liquidation, et fit remarquer que les chefs et les hommes qui avaient pris part à la liquidation n'assumaient aucunement la responsabilité de l'exécution de cet ordre. La responsabilité lui appartenait, à lui seul et au Führer. »