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Strasbourg : la ville au Moyen Age (Alsace)
4.3. L’époque gothique : XIII-XVè Le rôle croissant des corporations et des bourgeois L’architecture Sculpture Peinture Vitrail Les lettres
4.3.3. Sculpture4.3.3.1. Le chantier de la cathédraleC’est naturellement le chantier de la cathédrale qui mobilise l’essentiel de l’activité artistique des sculpteurs, pour la plupart anonymes, des XIIIè et XIVè siècles. 4.3.3.1.1. L’atelier chartrain du transept sudAu début du XIII° siècle, des artistes venus de Chartres y introduisent le style gothique et renouvellent la sculpture monumentale. Chose remarquable, la sculpture y précède l'architecture en leur plein épanouissement. En effet, le transept sud, reconstruit entre 1200 et 1225 reste encore d'esprit roman dans son architecture, comme en témoignent les portails sud en plein cintre. Mais, dans la décoration du « Pilier du Jugement », des tympans et des ébrasements des portails, les artistes de Chartres sont nettement novateurs. Ils puisent leur inspiration et leurs thèmes dans la fonction judiciaire de cette partie de l'église, qui donne sur le palais épiscopal, dont l'officialité tenait souvent ses assises sur les marches du portail sud, ou même dans le transept : aussi le pilier appelé communément « des Anges » est en réalité celui du « Jugement dernier », le Christ trônant en haut, entouré d'anges porteurs des instruments de la Passion, au-dessus des anges annonciateurs du Jugement, tandis qu'en bas se tiennent les quatre Evangélistes. A l'extérieur, c'est le juge terrestre, le roi Salomon (aujourd’hui disparu), qui trône au trumeau entre les deux portails, entouré des douze apôtres (disparus) et des célèbres statues de l'Eglise et de la Synagogue aux yeux bandés, alors que les deux tympans décrivent la mort et le triomphe de la vierge.
| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : le pilier des Anges ou du Jugement |
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| Strasbourg, cathédrale : portail sud du transept, tympan de la mort de la Vierge |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : le portail sud et ses deux tympans |
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Bien que son séjour à Strasbourg fut de courte durée, cet atelier introduit dans les régions de l'Est le style formé à Chartres et à Sens, où il rencontre les modèles courants du roman tardif surtout présents dans l'orfèvrerie, dans l'illustration de manuscrits (Hortus Deliciarum) et dans le vitrail. Ainsi la célèbre « Synagogue » représente le sommet de la sculpture strasbourgeoise du XIIIè siècle et est l’un des grands chefs d’œuvre de la sculpture gothique. Elle marque, avec son pendant, l’« Eglise », le point suprême d'équilibre où le langage « classique » de Chartres est frappé d'un accent pathétique qui là -bas lui fait défaut. Ces œuvres sont les premières manifestations d'un art proprement strasbourgeois qui sait dépasser, grâce à sa personnalité, les modèles étrangers. Cette fusion devient un phénomène proprement strasbourgeois, raffiné dans la souplesse des draperies fines et comme mouillées, et empreint d'une grande noblesse spirituelle.
| Strasbourg, cathédrale : un des chefs d’œuvre de la sculpture strasbourgeoise : la synagogue. Musée de l’Œuvre Notre Dame |
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| Strasbourg, cathédrale : portail sud : la Synagogue |
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| Strasbourg, cathédrale : portail sud : l’Eglise |
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4.3.3.1.2. L’atelier du jubéLa réalisation du jubé de la cathédrale, aujourd’hui disparu, marque une autre étape de l’histoire de la sculpture, car elle est inspirée d’une autre école inspirée à la fois par la Sainte Chapelle de Paris, la cathédrale de Reims, et l'église rémoise Saint Nicaise. En dehors de son style propre, élégant, expressif, aux draperies en poches et en tuyaux, le jubé témoigne avec et parmi d'autres initiatives en Alsace à partir du milieu du XIIIè siècle d'un processus de durcissement des formes et d'un développement significatif du sens du volume.
| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : saint Jean l’évangéliste placé sur le petit coté sud du jubé de la cathédrale. 3è quart du XIIIè. Atelier du jubé |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : le sacrifice d’Abraham ; revers du jubé de la cathédrale. 3è quart du XIIIè. Atelier du jubé |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : apôtre ; petit coté sud du jubé de la cathédrale. 3è quart du XIIIè. Atelier du jubé |
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4.3.3.1.3. L’atelier de la façade occidentaleLa décoration des trois portails de la façade occidentale, à partir de la fin du XIIIè siècle, marque l’autre moment fort de la sculpture gothique strasbourgeoise. À l'ambition du maître d'œuvre s'ajoute celle des sculpteurs. Ils illustrent pour les portails un grand programme théologique imaginé sans doute par Albert le Grand. Là encore, au milieu des grandes statues des Prophètes, se révèle un sens du « pathos » qui définit bien l'art strasbourgeois du Moyen Age. Après l'austérité des travées de la nef, c'est, au bas de la grande falaise occidentale, un grand déploiement de sculptures, de thèmes, de styles empruntés à d'autres chantiers, à ceux de Notre Dame de Paris, dont les statues du portail sud du transept de la cathédrale de Meaux, la Vierge de Ligny en Barrois à l'angle d'une maison, semblent fixer des étapes vers nos vierges strasbourgeoises, de Troyes en Champagne peut-être, rencontrant à Strasbourg la tradition d'un sentiment plus germanique tourmenté, et excessif, dans la sculpture des prophètes et des Vertus.
| Strasbourg, cathédrale : la façade occidentale |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : le portail central de la façade occidentale |
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| Façade occidentale, portail nord : tympan de la naissance et de l’enfance du Christ |
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| Façade occidentale, portail sud : tympan du jugement |
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Au portail central, le tympan de la Passion du Christ annoncée par les prophètes alignés aux piédroits, que surmonte le grand gable échafaudant le trône de Salomon et celui de la Vierge, sur les marches desquels jouent les lions de Juda. Tympan où se mêlent deux factures, deux styles, l'un à la rudesse expressive des prophètes, l'autre à la plénitude souriante et presque asiatique des vierges sages et des vierges folles du portail droit.
| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : schéma des sculptures du portail central |
A gauche, côté Nord, cantonnant un tympan de l'Enfance du Christ (refait au XIXè siècle), les Vertus maniérées, aux traits étirés, combattant les vices écrasés sous leurs pieds. Côté Sud, le Jugement dernier, restauré, demeurerait assez secondaire si les figures paraboliques des vierges sages et des vierges folles, les unes accueillies par le Christ, les autres séduites par le Tentateur, ne venaient pas le signifier de façon spectaculaire, debout aux piédroits qu'ornent en relief les signes du zodiaque et les occupations des mois.
| Strasbourg, cathédrale : détail du portail de droite de la façade occidentale, dit « portail des Vierges sages et des vierges folles » : le tentateur et une vierge folle |
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| Strasbourg, cathédrale : détail du portail de droite de la façade occidentale, dit portail des Vierges sages et des vierges folles : l’Epoux divin |
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| Strasbourg : la cathédrale, portail central de la façade occidentale : les Prophètes |
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| Façade occidentale, portail sud: les vierges sages |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : massif occidental, portail nord : vertu terrassant un vice |
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Que ce soit à Reims ou à Amiens, à Bamberg ou à Magdebourg, nulle part ailleurs qu'à Strasbourg, les draperies qui enveloppent tout à fait le corps n'ont une telle valeur déclamatoire.
| Strasbourg, cathédrale : portail de la façade occidentale : les prophètes |
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| Strasbourg, cathédrale : Façade occidentale, portail nord : ébrasement droit : les Vertus terrassant les vices |
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| Strasbourg, cathédrale : façade occidentale, portail nord : ébrasement droit : les Vertus terrassant les vices. Détail |
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4.3.3.1.4. Les autres œuvresAprès la réalisation de la façade occidentale, on assiste au XIVè à un certain appauvrissement de la sculpture strasbourgeoise, qui semble se complaire dans une certaine complication : arabesque des recoupements, des courbes et des ombres, ou d'ordre expressif : visages extatiques, « asiatiques » ou d'une ingrate rudesse, draperies contraignantes…
Les programmes iconographiques sont essentiellement représentés par la décoration de l'étage entre les tours de la façade de la cathédrale de Strasbourg (entre 1360 et 1380 environ) et les sculptures de la chapelle Sainte-Catherine, fidèles au pathétique de leurs ancêtres les Prophètes du portail ouest, mais manifestant un certain affaiblissement de la force d'invention du chantier.
| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : la façade entre les deux tours |
4.3.3.2. L’art funéraireLe XIVè siècle privilégie et développe des types de monuments tels que les saints sépulcres, les plates et hautes tombes à gisants, ainsi que les figures de piété isolées : Vierges à l'Enfant, saints et piétas. Il est surtout remarquable par l’art funéraire qui produit quelques œuvres de grande valeur :
- Maître Woelfflin de Rouffach se révèle comme le grand « tombier » alsacien du XIVè siècle : le double monument funéraire élevé à Saint Guillaume aux frères de Werd montre une description minutieuse, un « inventaire » détaillé de l'armement d'un chevalier. Au moment où le patriciat marchand et les corporations prennent en charge les destinées de la cité, Woelfflin rend ainsi un froid hommage à la chevalerie finissante. La première tombe est celle de Philippe de Werd (1332) ; la seconde, plus imposante, est celle de son frère Ulrich de Werd ( 1344), Landgrave d’Alsace. Woelfflin réalisera d’autres œuvres hors de Strasbourg : gisant de l'abbesse Irmengarde de Bade au couvent de Heilingenthal en Forêt Noire, gisant du chevalier Ulrich de Hus d'Issenheim (musée Unterlinden), gisant de Conrad Werner de Hattstatt…
| Strasbourg saint Guillaume : tombeaux de Philippe (en bas) et Ulrich de Werde par Woelfflin de Rouffach. Crypte |
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- Le tombeau de l'évêque Conrad de Lichtenberg ( 1299) dans la chapelle Saint Jean Baptiste à la cathédrale de Strasbourg : baldaquin à trois gables en façade et un gable de côté, le gisant massif, polychrome, en grand ornement, reposant sur une dalle surélevée.
| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : le tombeau de Conrad de Lichtenberg |
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| Strasbourg, cathédrale Notre Dame : chapelle saint Jean Baptiste : le gisant de Conrad de Lichtenberg |
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- Le tombeau de Conrad de Lichtenberg a transmis à toute une série de saints sépulcres son principe architecturel : le premier exemple en est donné à la cathédrale de Strasbourg, vers 1340, dans la chapelle Sainte-Catherine ; ses nombreux fragments d'architecture et de sculptures (gisant du Christ et gardiens en armure) sont conservés à l'Œuvre Notre Dame, dépôt et musée. Ses saintes femmes ont disparu, elles devaient être voisines des figures dressées aux piliers de la chapelle donnant sur le collatéral sud : sainte Catherine, sainte Elisabeth et saint Jean-Baptiste, car celles-ci sont, à leur tour, parentes des saintes femmes et des anges du saint sépulcre de la cathédrale de Fribourg en Brisgau.
- Le sépulcre de l’église Saint-Etienne, vers 1350-1360 est connu par un dessin de Jean Jacques Arhardt (1670) ; il se peut que ce soit celui de l’église Saint Nicolas de Haguenau, transféré là au XVIIIè siècle ;
- Strasbourg, La chapelle funéraire des Müllenheim de l’ancienne église de la Toussaint (1370-1380).
- D’autres œuvres sont connues par des fragments ou de dessins : fragments trouvés près de l'église Saint Jean, vers 1400 ; mention écrite de 1311 d’un sépulcre dans l’église Saint Pierre le Jeune ; mention écrite de 1361 d’un sépulcre dans l’église Saint-Thomas ; sépulcre dans l’ancienne église Saint Jean à l'Ile Verte selon une relation écrite après 1371 ; fragments conservés de l’ancienne chapelle du Saint Sépulcre du couvent des Augustins, (1360-1365)…
4.3.3.3. Autres œuvresHormis ces grands sépulcres, l’art funéraire à produit d’autres œuvres plus simples, parmi lesquelles l'épitaphe à l'effigie de Jean Thaller, chevalier autrichien (  1356) en bonnet, aumusse et cotte de l’église Saint Thomas et la pierre tombale de Jean Tauler, le dominicain mystique (  1361), provenant du cimetière du couvent de Saint-Nicolas in Undis et conservée dans l'église du Temple Neuf à Strasbourg.
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