Strasbourg : la ville au Moyen Age (Alsace)
4. Histoire artistique
Le Haut Moyen Age
Le XIIè : l’âge roman
L’époque gothique : XIII-XVè
4.1. Le Haut Moyen Age
4.1.1. Les Mérovingiens
Les invasions des peuples germains du Vè ouvrent une période obscure, pratiquement jusqu’au IXè siècle et la « renaissance carolingienne », ou les témoignages sont rares et partiels, livrant essentiellement grâce à l’archéologie des tombes mérovingiennes - sarcophages et tumuli -, des noms de lieux et de personnes et des dates, grâce à quelques archives. Sur les monuments, rien : aucune trace par exemple des villae royales de Kirchheim et de Marlenheim, de Königshoffen ou d'Isenbourg près Rouffach, lieux de résidence et de chasse des rois mérovingiens Childbert II (590) et Dagobert II (676), rois d'Austrasie.
Si, hors de Strasbourg les tombes ont livré quelques belles pièces (cimetière de Dachstein, « trésor » de la tombe féminine de Hochfelden, casque de Baldenheim, phalères d'Ittenheim…), les découvertes faites à Strasbourg n’ont livré que quelques pièces (fibules, parures…) d’un intérêt secondaire…
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4.1.2. La renaissance carolingienne et ottonienne
Il faut attendre la « renaissance carolingienne » pour trouver des renseignements et des œuvres plus intéressants : intégrée dans un vaste et puissant empire, délivrée de tout souci d'invasion étrangère ou de troubles intérieurs, l'Alsace put participer au renouveau intellectuel qui caractérise la renaissance carolingienne. L'impulsion fut donnée par Charlemagne et l'Anglo-Saxon Alcuin, soucieux avant tout de combattre l'ignorance du clergé. Ainsi se constituent dans tous les diocèses des écoles élémentaires et dans certains monastères des centres d'études où sont remis en honneur les sept arts libéraux ; ainsi est mis en route un énorme travail de copiage des manuscrits anciens en vue de constituer des bibliothèques et de permettre une étude approfondie des Pères de l'Eglise et même des lettres classiques.
4.1.2.1. Architecture
De l'architecture précarolingienne et carolingienne rien n'est pratiquement demeuré à Strasbourg, hormis quelques vestiges fournis par des édifices postérieurs : l’abbaye de Saint Etienne fondée en 717 par Attale, nièce de sainte Odile et la basilique cathédrale de Strasbourg, reconstruite par Pépin le Bref, achevée par Charlemagne en 771, que le poème dédié à la Vierge par le moine aquitain Ermoldus Nigellus décrit sommairement…
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Strasbourg : l'église abbatiale Saint Etienne et sa façade-clocher. D’après un dessin de Silbermann |
L’architecture ottonienne maintient la persistance de la tradition carolingienne et rappelle des dispositions des anciennes basiliques romaines : une triple nef limitée par deux imposants massifs qui intègrent, à l'ouest comme à l'est, des absides et des transepts débordants. C'est ainsi que devait se présenter la cathédrale de Strasbourg entreprise en 1015, après l'incendie du premier édifice par Herman de Souabe. Cet ouvrage auquel est attaché le nom de l'évêque Wernher avait une abside plate, flanquée de chapelles à deux étages, des espaces charpentés entre le cul de four à l'Est et la voûte d'arête dans le vestibule occidental, une crypte accessible par un pontile à la manière de San Zenon de Vérone ou de San Miniato al Monte de Florence, à la hauteur de l'arc triomphal. Le dispositif occidental offrait une tribune sans doute ouverte sur la nef, sorte de « Laube » comme à Corvey en Westphalie, à Marmoutier, à Saint Léger de Guebwiller et à Saint-Thomas de Strasbourg.
De cet édifice, détruit en 1176 par un terrible incendie, ne reste que la crypte dans sa partie orientale : elle est réalisée sans doute dans la troisième décennie du XIè, et achevée en 1037 dans ses parties orientales. Primitivement, elle avait un large déambulatoire (4m60) ; elle sera dédoublée au XIIè. Elle est composée de trois nefs séparées par des piliers cruciformes et des colonnes alternées dans les deux premières travées orientales. A l’ ‘est, la crypte se termine par un mur en hémicycle comportant le sanctuaire à quatre niches et deux ouvertures (murées). L’appareillage des murs de la partie orientale est couvert d’une taille en arête de poisson et losanges (typique du décor du XIè, comme par exemple à Altenstadt) sous une frise composée de feuilles de vignes et de grappes de raisins. La voûte est en berceau.
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4.1.2.2. Sculpture
Du XIè siècle datent les chapiteaux et consoles de l'ancienne chapelle de la rue de l'Ail (musée de l'Œuvre Notre Dame, Strasbourg), ornés de têtes d'homme, de bœuf et de bélier, les premiers chapiteaux de la crypte de la cathédrale de Strasbourg aux corbeilles ornées de monstres et de rinceaux noués (1050-1070 ?), quelques consoles et chapiteaux des alentours de 1070 à Saint Pierre-le-Jeune.
L'art funéraire, qui reste dans la continuité de la tradition mérovingienne, fournit le sarcophage à croix champlevée trouvé dans le sol, entre le portail Saint Laurent et l'ancien portail des rois mages, au croisillon nord du transept de la cathédrale (avant 1015).
4.1.2.3. Manuscrits et littérature
Alors que l’on connaît relativement bien le rôle de Murbach, principal centre de la « Renaissance carolingienne » en Alsace, les connaissances restent fragmentaires pour Strasbourg : Heddo (entre 750 et 760 ?) fait rédiger un « Sacramentaire de l'Eglise romaine » sur parchemin pourpré avec lettres d'argent et d'or en tête des chapitres. Bernold (entre 822 et 840 ?) fait traduire sous Louis le Pieux en langue vulgaire des passages de l'Ecriture, pour être mieux compris de ses ouailles.
La meilleure source de renseignements pour la ville -et l’Alsace- sont les écrits du moine Ermold le Noir (Ermoldus Nigellus, 790 ?-838 ?) : éxilé d'Aquitaine par Louis le Pieux, Ermold compose à Strasbourg, sans doute vers 826-827 un poème à la louange de l'empereur afin de rentrer en grâce. Il s’inspire pour son œuvre de son pays d'exil.
Imbu de culture classique, Ermold imagine que Thalie, la muse de l'idylle, accompagnée de Rhenus, dieu du fleuve, et de Wasacus, dieu des Vosges, vient célébrer l'Alsace devant l'empereur : « C'est une terre antique et riche, occupée par les Francs, qui lui ont donné le nom d'Alsace. La vigne couvre les coteaux, les champs portent les moissons, les Vosges sont couvertes de forêts, le Rhin fertilise le sol ». Puis chacun des intéressés vient vanter ses mérites. Wasacus reproche à Rhénus de drainer le blé hors du pays et d'affamer ses habitants, de faire vendre son « Falerne » aux gens de mer, si bien que le vigneron a soif dans sa propre vigne ! A quoi Rhenus réplique que les Alsaciens se noieraient dans la graisse et le vin, s'il n'emportait les produits de la région vers la mer. De plus, il rend possible ainsi l'acquisition, par nos marchands et ceux de l'étranger, de l'ambre transparent et l'achat aux Frisons d'étoffes chatoyantes, qui étaient inconnues auparavant ; enfin il vante ses paillettes d'or et l'abondance de ses poissons. Le poème s’achève par l'éloge de Strasbourg, carrefour de routes, « florissante d'une prospérité nouvelle ».
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