Simone Martini
7.1. Le retable de saint Louis de Toulouse
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Simone Martini : retable de Saint Louis de Toulouse. Vers 1317. Tempera sur bois, 200 x 138 cm (sans la prédelle). Naples, Museo Nazionale di Capodimonte |
Le retable fut peint pour l'Angevin, Robert le Sage, roi de Sicile. Il représente saint Louis de Toulouse assis avec son frère, Robert le Sage, agenouillé devant lui. L'œuvre est de dimensions importantes et se compose d'un grand panneau supérieur avec l'image du saint, et un prédelle avec cinq petites scènes illustrant des épisodes tirés de sa vie. C'est le premier retable à être parvenu intact avec une prédelle historiés. (Il n'était certainement pas le premier à exister).
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Simone Martini : retable de Saint Louis de Toulouse. Vers 1317. Tempera sur bois, 200 x 138 cm (sans la prédelle). Naples, Museo Nazionale di Capodimonte |
Le retable de Saint Louis, qui est une œuvre domestique, est aussi un bon exemple de l'art de cour. Les nouvelles exigences relatives à la caractérisation du visage, liée jusqu'alors essentiellement à la sculpture, sont ici prolongées dans la figure de Robert le Sage à genoux. Il ya une insistance considérable sur les costumes, y compris ceux de Robert vraisemblablement ses habits de couronnement, alors que ceux de Saint Louis sont largement ornés des armoiries de sa famille. Le décor s'étend à la structure, au cadre de l'ensemble du panneau décoré de « fleurs de lys ». Enfin, l'ensemble du panneau était à l’origine décoré de pièces d’orfèvrerie (sur le personnage de saint Louis), de pierres semi précieuses et de couronnes sur le cadre… ce décor est aujourd’hui perdu, mais de telles adjonctions étaient régulières sur les effigies des tombes royales dans le nord.
| Simone Martini : retable de Saint Louis de Toulouse : prédelle. Vers 1317. Tempera sur bois, 56 x 38 cm (sans la prédelle). Naples, Museo Nazionale di Capodimonte |
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La prédelle du retable illustre cinq épisodes de la vie du Saint, scènes beaucoup plus vivantes et réalistes que le panneau principal ; leur qualité narrative renvoie au cycle de Saint Martin.
De gauche à droite, dans le premier panneau, nous Louis d’Anjou (saint Louis de Toulouse 1274-1297) accepte sa nomination à l'évêché de Toulouse, à la condition qu'il soit autorisé à y faire venir l'Ordre des franciscains. Cet événement a eu lieu en secret à Rome en décembre 1296, en présence de Boniface VIII. En effet son père, Charles II d'Anjou, lui-même fils de Charles d'Anjou frère du roi de France Saint Louis, tenait à faire nommer son fils sur le siège de Toulouse pour des raisons politiques, à savoir le contrôle direct sur une région particulièrement importante pour le roi de France, Philippe le Bel. Mais Louis, profondément croyant et qui avait déjà renoncé à son trône de Naples pour suivre l'exemple de saint François, n'avait pas l'intention de devenir le pion d’une manœuvre politique qui allait contre ses aspirations spirituelles : en échange de l'acceptation de cette charge épiscopale (qui n’avait à l’époque rien de religieux), demande l’autorisation d’entrer dans l'Ordre des franciscains.
Dans le panneau suivant Louis prononce publiquement ses vœux et est consacré évêque : c'est la conclusion officielle, le 5 février 1297, de l’accord secret conclu entre le Pape et saint Louis.
La troisième scène se base sur la procédure de canonisation de Louis en 1308 : on y voit le Saint évêque servir et nourrir les affamés avec grande modestie. Cette scènes se rapporte parfaitement avec les autres à l'objet du retable, le couronnement du roi Robert, parce qu’elles exaltent l'humilité de Louis : il est humble, car il a renoncé à son trône ; il est humble en présence de Boniface VIII ; il est humble dans sa vie quotidienne. Mais la vérité est différente. encore plus importante que son humilité, c’est la pauvreté qui caractérise la vie de Louis : pauvre comme saint François, pauvre comme ceux qui se consacraient aux pauvres, de cette pauvreté qui ne sied ni aux fils de roi, ni aux évêques, ni au fils de roi et évêque qui venait d’être canonisé… Cette image ne « colle » pas, pour son entourage, aux commanditaires de la peinture, membres de la famille royale, peut-être Robert d'Anjou ou Marie de Hongrie : ils ont donc clairement demandé à Simone de cacher, ou du moins de ne pas souligner cette vertu première du saint, et d’en mettre une autre, plus neutre, en avant…L’humilité, tout aussi valable d'un point de vue spirituel, convenait à merveille, car politiquement totalement inoffensive : Louis est un disciple du Christ, dans son humilité, et non pas dans sa pauvreté.
Après la scène des funérailles de saint Louis, dépeinte comme une magnifique cérémonie digne d'un grand prélat (en fait, il semble qu'il s'agissait d'un service austère et simple), le dernier panneau représente le théâtre d'un miracle impliquant un petit enfant : un homme implore une statuette de saint Louis qu’il tient dans ses mains pour lui demander d’intervenir pour son enfant mort. L’enfant,miraculeusement revient à la vie. Ce récit très vif et d’une grande qualité iconographique est très proche de l'épisode représenté dans le retable d’Agostino Novello.
La construction spatiale de l'autel, à la fois dans le panneau principal et dans la prédelle scènes, montre une élaboration très consciente des méthodes de Giotto, que Simone avait déjà utilisées dans les fresques d'Assise. Les draperies, les pieds de lion sur la chaise à demi-cachés par l'estrade, les motifs géométriques sur la moquette, ainsi que les arcades, loggias et les zones d'ombres des épisodes de la prédelle, sont le produit de très subtiles observations perspectives qui révèlent comment Simone avait élaboré à ce stade une approche très mature de la construction spatiale et de la reproduction des volumes.
| Simone Martini : retable de Saint Louis de Toulouse, détail de la prédelle. Vers 1317. Tempera sur bois, 56 x 38 cm (sans la prédelle). Naples, Museo Nazionale di Capodimonte |
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| Simone Martini : Christ bénissant. 1317. Tempera sur bois, 76 x 46 cm. Naples, Museo Nazionale di Capodimonte. Ce panneau fait partie d’un polyptyque inconnu |
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