Auschwitz, camp de concentration nazi
5.3. Les conditions de vie
Conditions d’habitation, hygiène et santé
La situation sanitaire
Le musulman
Les Kommandos
5.3.3. Le musulman
« Musulman » désigne dans le jargon du camp le détenu qui a abandonné toute espérance, victime de la destruction psychique, physique et mentale que la vie dans le camp instille progressivement et insidieusement. Le détenu qui ne survit que grâce à la nourriture dans les conditions de vie du seul camp, sans pouvoir « organiser » ou bénéficier de la solidarité de ceux qui « organisent » s’éteint en quelques semaines.
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Auschwitz-Birkenau : vue sur les baraques en bois de type « Pferdestall » |
Le manque chronique de nourriture mène à la faiblesse physique : la masse musculaire fond, les fonctions vitales se réduisent au minimum, le pouls faiblit, la tension et la température baissent, le corps tremble de froid. La respiration ralentit, la voix faiblit et chaque mouvement devient difficile. Surgit la dysenterie, et le processus s’accélère : les mouvements deviennent agités et incontrôlés. La station assise devient difficile, le contrôle du tronc devenant impossible ; la marche devient saccadée et incontrôlable. Le Musulman ne domine plus con corps. Apparaissent oedèmes et abcès, et le détenus se souille de ses propres excréments…
Le regard est mort dans les orbites sur creusées, le visage n’exprime plus rien. La peau, grise, a l’aspect de papier et part en lambeaux. Le mental régresse et ne suit plus. Le détenu perd toute faculté de concentration et sa conscience n’est fixée que sur un objet : la nourriture. Apparaissent des délires mentaux liés à la nourriture. Bientôt, le « Musulman » reste prostré, et ne réagit plus qu’aux cris et aux ordres aboyés…
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« Ce sont eux, les « Musulmänner », les damnés, le nerf du camp ; eux, la masse continuellement renouvelée et toujours identique, des non-hommes en qui l'étincelle divine s'est éteinte, et qui marchent et peinent en silence, trop vides déjà pour souffrir vraiment… » (Primo Lévi. Si c’est un homme) |
Au dernier stade, il ne ressent plus ni faim ni douleur. Il s’éteint doucement parce qu’il ne peut plus continuer à vivre.
Le « Musulman » est le symbole de cette extermination par mort lente due à la famine, à l’abandon psychique absolu, à la solitude totale, à la négation de l’humanité.
