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Le camp de concentration de Poniatowa

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3.5. Walter Caspar Többens : l’anti-Schindler

« Un commerçant inoffensif de Vegesack »
L’itinéraire de Többens à Varsovie et Poniatowa

3.5.1. « Un commerçant inoffensif de Vegesack »

Savez-vous où se où trouve Vegesack ? C’est là que je suis né. Cela fait 62 ans. Vegesack était alors un petit port sur la Weser. Aujourd'hui, ce n'est rien qu'un faubourg de Brême…Imaginez vous une petite place, comme c’était il y a 50 ans… [...] Le centre n'était en réalité rien qu'un croisement de deux routes avec des magasins : la rue Gerhard Rohlfs croisait la rue principale. Le plus important pour nous était la boutique du glacier Chiamulera, un Italien immigré qui avait la meilleure glace. Au coin, deux commerces de textile se faisaient face : Leffers et Toebbens. Leffers existe encore aujourd'hui.

Mon père avait ordonné dans notre famille : « On n'achète pas chez les Toebbens ! » Par conséquent, je ne peux pas me rappeler comment le magasin était à l’intérieur. On n’achetait pas chez Toebbens, car c’était un escroc. Il s’est accaparé d’un commerce juif : c’est ainsi que mon père justifiait l’interdit. Des gens honnêtes n’achètent pas là. [...]

Une année et demi plus tard je devins soldat, puis arriva le 8 mai 1945. Le plus beau jour de ma vie. C’en était fini de mourir et les nazis n’étaient plus. Je suis revenu à Vegesack. Rien n'était détruit, et pour de nombreuses personnes la guerre était comme un mauvais épisode à oublier. L'entreprise Toebbens existait naturellement toujours, mais cela avait pour moi autant d’importance ou de peu d’importance que n’existaient encore d'autres nazis... Ce que ce Monsieur Walter Caspar Toebbens avait fait au cours de la guerre, personne ne le savait. Et pourquoi devrait-on s'y intéresser ? On ne pouvait pas demander à chacun : « Où étais-tu ? » J'ai quitté Vegesack en 1946. Je suis devenu journaliste à Brême, Düsseldorf, à Berlin et Hambourg. [... ]

Treize ans plus tard, en 1958, le nom de Toebbens se retrouva encore là. J'ai trouvé une lettre dans des archives polonaises :

« Poniatowa, le 4 mai 1943.
Demande de la couturière Aspis Leonora,
ouvrière de l'entreprise W.C. Toebbens,
Usine de Varsovie III, Gerichtsstrasse 80.

« Au chef W. Toebbens

« Il s’agit d’une mère malheureuse qui vous prie avec ardeur d’accorder votre attention aux quelques lignes qui suivent. Mon fils Aspis Marian a été employé depuis juillet 1942 en tant que jardinier dans l’usine III de l'entreprise W. C. Toebbens. Il était connu comme un travailleurs appliqué et attentif à sa tâche. Le 30 novembre 1942 il a été arrêté sur le trajet de son travail et envoyé à Lublin, où il se trouve jusqu’à aujourd’hui.

Je vous adresse une requĂŞte insistante, pour ramener mon fils de Lublin Ă  Poniatowa.

Aspis Leonora »

Mais qui était cette couturière inconsciente ? Pouvait elle savoir que son fils « se trouvait » encore quelque part ou même qu’il pouvait être ramené, après qu'on l'eut un jour « emmené » à Lublin ? Car Lublin s'appelait Majdanek, et Majdanek s’appelait la mort. Et qu’était cette « usine III » de l'entreprise Toebbens dans la Gerichtsstrasse de Varsovie ? [... ] Etait-ce le Toebbens de Vegesack ? Ou était-ce un hasard ? Je cherchais. Mes amis polonais étaient étonnés : Je ne connaissais pas l’un des plus grands criminels du Getto de Varsovie ? Le propriétaire des grandes usines de textile, le plus haï des exploiteurs du ghetto de Varsovie ?

Des usines ? Mais le petit commerçant en textiles Toebbens de Vegesack n’a jamais été fabricant. Et surtout il n'est pas quand même concevable qu'il soit un meurtrier de masse, et dans son petit village allemand personne n’en sache rien. A Vegesack il est un entrepreneur reconnu du miracle économique, dont l’entreprise devient chaque jour plus grande et dont le magasin avec sa façade en aluminium de plus en plus laide... Mais j'avais entre-temps appris que dans cette Allemagne, tout est concevable. Et ainsi, à partir de documents toujours renouvelés je reconstituais la vie d'un commerçant en textile de Vegesack qui avait construit sa fortune de la vie des juifs.

Il n'avait fait d'abord qu’un saut d'un côté à l’autre de la rue. Il avait été vendeur chez Leffers à Vegesack. Il n'avait pas d'argent, mais le sens de sa valeur. Déjà quatre ans avant la « nuit de cristal » il avait monté sa propre affaire en s’appropriant des entreprises juives. D’abord une, puis quatorze entreprises juives que lui, l’« aryen » Toebbens « aryanise » en sept ans. Quatorze familles juives qu’il a réussi à déposséder. Sans, comme le disent les capitalistes, investir aucun capital…

Schwarberg Günther : “Das Getto. Geburtstagsspaziergang in der Hölle.“ Göttingen 1989.
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