La Tunisie
2. Histoire
Préhistoire
Carthage : 814-146 avant J.C.
Rome : 146 avant J.C. - 429.
Les invasions : 439-698
Les dynasties arabo-berbères : 700-1574
La Tunisie ottomane : 1574-1881
La Tunisie Française : 1881-1956
La Tunisie indépendante : 1956-2006
2.2. Carthage : 814-146 avant J.C.
2.2.1. Origines
« C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar... »Selon la tradition, la ville de « Kart Hadasht », la « Ville Neuve » aurait été fondée vers 814 par Elissa, soeur du roi de Tyr, Pygmalion, accompagnée de notables tyriens et de Chypriotes. Aux VIIIè et VIIè, la cité se tourne ver la mer et se développe grâce au cabotage. Le dieu tutélaire de la cité est Baal Hammon, le El phénicien auquel on voue des sacrifices d'enfants en son sanctuaire de Salammbô. La ville antique est située au fond du golfe de Tunis, sur une presqu'île. Des collines disposées en arc de cercle la dominent à l'ouest. La plus haute porte la citadelle de Byrsa, sur les autres s'étend la nécropole. Au delà , vers Sidi bou Said et La Marsa, s'étend la banlieue de Mégara. Vers 660 avant J.C., les Carthaginois s'installent à Ibiza, dans les Baléares. Carthage, gouvernée par des rois de la famille des Magonides, s'allie aux Etrusques, domine la Sicile du sud ouest, prend pied en Sardaigne, repousse les Grecs Phocéens en Corse, s'installe à Gadir (Cadix) après avoir aidé la cité à chasser les Ibères. Enfin, elle élimine les colons spartiates de Tripolitaine. Vers -470, le marin carthaginois Hannon effectue un voyage d'exploration le long des côtes de l'Afrique Occidentale jusqu'au golfe de Guinée. Une seconde expédition mène les Carthaginois vers le nord, probablement jusqu'aux côtes d'Angleterre. Carthage étend ainsi son empire colonial et maritime sur tout l'ouest de la Méditerranée.
2.2.2. Didon et la légende
Elissa, sœur de Pygmalion, roi de Tyr, avait épousé son oncle Sicharbas. Le tyran Pygmalion fait assassiner Sicharbas. Se sentant menacée, Elissa s'enfuit de Tyr avec plusieurs citoyens phéniciens, emmenant ses richesses.
Après un séjour à Chypre, l'exilée s'en vient sur les côtes d'Afrique près du site de la future Carthage. Elle demande à Iarbas, roi des indigènes Gétules une concession de terrain ne couvrant que la peau d'un bœuf, ce qui est royalement accordé. Elle fait alors découper la peau en très fines lanières qu’elle fait mettre bout à bout, délimitant ainsi un territoire assez vaste pour y établir une cité sur une colline, Byrsa (« Peau de bœuf » en grec). Plus tard, refusant sa main au roi Iarbas par fidélité à la mémoire de son époux, Elissa se suicide en se jetant dans un bûcher. Telle est la légende grecque.
Virgile associa à cette Elissa le personnage de Didon dans l'Enéide. Reine de Carthage, elle accueille Enée en sa cité et en tombe follement amoureuse. Ne pouvant retenir le prince troyen partant vers l'Italie y fonder Rome, elle se poignarde sur un bûcher.
2.2.3. Religion
La religion des Carthaginois est directement apparentée à celle des Phéniciens. Les dieux principaux sont Baal-Hammon et Tanit-Astarté, déesse de la fécondité. Liée à la terre elle emprunte aux religions du Moyen Orient la plupart de ses mythes : opposition des deux saisons, fécondation de la terre, résurrection de la végétation...
Ce qui caractérise la religion punique, c'est le rôle important que jouent les sacrifices, et plus particulièrement les sacrifices humains d'enfants : régulièrement, et très fréquemment en temps de troubles, a lieu le « Molk », sacrifice des nouveaux nés : ce molk (d'ou sera dérivé faussement le nom du dieu Moloch) est un holocauste, c'est-à -dire un sacrifice d'enfants par le feu. Leurs cendres sont ensuite mises dans des urnes et livrées à la terre. Les fouilles ont permis d'en exhumer des milliers dans le « Tophet », sanctuaire sacrificiel.
2.2.4. Les guerres contre les grecs : 480-268 avant J.C.
En -480, les marins phéniciens forment en grande partie la marine Perse. Ils sont écrasés par les Grecs à Salamine. De son côté, le Grec Gélon, tyran de Syracuse, bat les Carthaginois à Himère, en Sicile. Les Magonides évacuent la Sicile, se replient en Afrique du Nord et mettent leur territoire en valeur.
A la fin du Vè, un nouveau conflit éclate entre les Carthaginois et les Grecs. Le roi magonide Himilcon débarque en Sicile, prend Sélinonte, Géla, Agrigente, mais échoue devant Syracuse bien défendue par Denys l'Ancien (Vers -390). Cet échec marque la fin des Magonides. La noblesse punique, qui veut la paix, installe vers -380 au pouvoir le Tribunal des Cent-Quatre, chargé de surveiller les généraux qui ont remplacé les rois. Au panthéon carthaginois, Baal Hammon est évincé par Tanit Pene Baal, et le culte de Demêter est introduit dans la cité. La lutte contre les Grecs continue, mais avec moins d'intensité, surtout après la mort de Denys en -367. Carthage signe alliance avec Rome en -348.
La guerre avec les Grecs en Sicile reprend avec intensité en -339. Les Carthaginois sont vaincus par Timoléon et chassés de Sicile. Le Tyran de Syracuse Agathocle débarque même en Afrique en -310. S'alliant au grec, le roi de Carthage Bomilcar tente alors de renverser l'oligarchie punique, mais il échoue en -307. Cette date marque le début de la puissance de l'oligarchie carthaginoise.
Après la mort d'Alexandre le Grand, la cité punique s'allie avec la dynastie Lagide qui succède à Alexandre en Egypte, Phénicie et Palestine. Carthage s'ouvre largement aux influences hellénistiques de Sicile, d'Italie et d'Egypte. l'état punique domine économiquement la Méditerranée Occidentale et entretient d'excellentes relations avec le monde Oriental. En -268, une nouvelle alliance avec Rome permet d'éliminer Pyrrhus d'Epire, qui tentait de créer un empire hellénistique en Occident.
2.2.5. La 1ère guerre punique : 268-241 avant J.C.
Il était inévitable que Rome et Carthage en viennent à l'affrontement : Rome vient d'unifier l'Italie ; au Sénat les grandes familles ont un esprit de domination et d'expansion vers la mer. De son côté Carthage domine toute la Méditerranée Occidentale et n'a pas renoncé à la Sicile. Le conflit entre les deux cités va revêtir une importance capitale pour tout le bassin méditerranéen, et pour plus de huit siècles. Il dure de -264 à -146 et connaît trois grandes phases : la première a comme enjeu la Sicile.
Rome intervient en Sicile pour protéger ses alliés, les Mamertins et prend Agrigente aux Carthaginois. En réponse, ceux-ci ravagent les ports romains de Sicile et de la côte Italienne. Alliée aux Etrusques, Rome créé une flotte puissante et détruit une escadre punique à Mylea en -260. L'équilibre naval est rétabli. La consul Régulus débarque en -256 au Cap Bon, portant la guerre en Afrique. Après avoir infligé de grosses pertes à Carthage (Ruines de Kerkouane, la « Pompei punique »), il est battu et fait prisonnier en -255. Libéré sur parole pour négocier un échange de prisonniers, il dissuade le Sénat d'accepter les conditions de Carthage et fidèle à sa parole, retourne en Afrique ou il est supplicié (-250).
En -254 les Carthaginois perdent Palerme, mais la victoire navale de Drepanum (Trapani) sur les Romains en -249 leur permet de maintenir quelques garnisons en Sicile (Eryx, Lilybée). Elles y mènent une rude guerre de commandos avec leur chef, Hamilcar Barca. Le pourrissement de la situation amène la paix. Un convoi carthaginois ayant été détruit en -241, le gouvernement Punique demande la trêve. La paix est honorable. Carthage perd la Sicile mais conserve ses autres possessions extérieures, y compris Corse et Sardaigne.
2.2.6. Les mercenaires : 241-221 avant J.C.
La demi-défaite de Carthage lors de la première guerre punique sonne le glas du régime oligarchique au pouvoir. Contre la classe dirigeante se dressent les paysans libyens asservis, les innombrables mercenaires non payés, les classes moyennes menacées dans leurs intérêts économiques et enfin les militaires « nationalistes », dont le chef, le général Hamilcar Barca (290-229), prend la tête. En -240, les Mercenaires, conduits par le Libyen Mathô se révoltent et assiègent Utique. Il faudra 2 ans à Hamilcar Barca et Hannon le Grand pour les vaincre et les exterminer. (Gustave Flaubert en tirera un célèbre roman en 1862, « Salammbô »). L'écrasement de cette révolte permet à Hamilcar Barca de prendre le pouvoir. Rome, inquiète, annexe aussitôt la Sardaigne.
Hamilcar n'a qu'un but : préparer sa revanche sur Rome. Pour être totalement indépendant et échapper au contrôle du gouvernement carthaginois, il créé en Espagne un véritable royaume personnel avec une armée de redoutables soldats Ibères entièrement dévoués à sa personne et à sa famille (237-229). Son gendre Hasdrubal « le Beau » poursuit sa politique de « réarmement » et fonde Carthagène (Carthago Nova, -227) avant d'être assassiné en -221.
2.2.7. La 2ème guerre punique : 219-195 avant J.C.
A Hasdrubal succède le fils de Hamilcar, Hannibal. Il adopte immédiatement une attitude intransigeante, veut diviser son ennemi et utiliser ses adversaires pour le mettre à genoux. Il déclenche le conflit en prenant en -219 la ville de Sagonte, alliée de Rome. Pensant s'allier les Celtes de Gaule, il marche contre Rome par la Provence. Malgré la défection des Gaulois Cisalpins, il traverse les Alpes en -218, véritable exploit (d'autant plus qu'il possède des éléphants), s'allie aux Celtes du Pô et écrase les légions romaines sur le Tessin, à la Trébie (-218) puis à Trasimène (-217). Evitant Rome, il marche vers le sud de l'Italie où il compte sur les Apuliens et les Lucaniens. Le 2 août -216, les légions des Consuls Varro et Paul Emile sont écrasées à Cannes, laissant sur le terrain 46 000 légionnaires à l'issue d'une des plus grandes batailles de l'Antiquité. La voie vers Rome est libre. Hannibal n'en profite pas et s'installe dans le sud de la Péninsule.
Les difficultés commencent alors : sur mer, la maîtrise reste romaine. Rome reconstitue ses légions et mène une guerre d'usure. Les défections se font nombreuses du coté des Carthaginois... Pire : le royaume punique d'Espagne s'effondre face aux légions romaines, et en -215 il ne reste aux Carthaginois que la Bétique (Andalousie) et quelques ports du sud-est de l'Espagne. En -208, Asdrubal II, frère cadet d'Hannibal, part secourir son frère en passant à son tour en Italie par les Alpes. Mais il est battu et tué sur le Métaure. Hannibal tente alors de s'allier Philippe V de Macédoine, en révolte contre Rome. Mais ce dernier ne le soutient que mollement.
Aussi, Rome reconquiert peu à peu le sud de l'Italie. Hannibal perd pied dans le Bruttium alors que Scipion « l'Africain » achève la conquête de l'Espagne puis débarque en Afrique où il offre le royaume de Numidie au prince Berbère Massinissa en échange de son alliance ; l'autre grand prince berbère, Syphax, reste fidèle à Carthage. Hasdrubal et Syphax sont défaits. Hannibal, en -202 s'échappe d'Italie et débarque, non à Carthage pratiquement bloquée, mais à Hadrumète (l'actuelle Sousse) et marche sur la capitale orientale des Numides, Zama. La rencontre décisive à lieu non loin de Zama. Hannibal y est vaincu malgré les ressources de son génie militaire. La paix dictée par Scipion réduit Carthage à un état vassal, mais lui maintient ses possessions en Afrique du Nord. Revenu à Carthage, Hannibal réussit à se faire élire suffète en -195. Mais Rome ordonne son élimination. Réfugié en Syrie, il assiste à la victoire de Rome en Asie Mineure et est à nouveau obligé de fuir en Bithynie. Rome exige du roi de Bithynie, Prusias, de lui livrer son hôte. Le roi accepte. Hannibal n'a d'autre issue que le suicide à Libyssa (Brousse) en -183. Hannibal mort, Carthage perd toute influence politique.
2.2.8. La 3ème guerre punique : 155-146 avant J.C.
A Rome, vers -155, alors que tout danger est écarté de voir se relever la puissance punique, une campagne de propagande bien orchestrée crée une véritable haine du Punique. A sa tête, Caton l'Ancien et sa célèbre formule « Delenda quoque Carthago ». Les agrariens romains redoutent en effet la concurrence de l'agriculture carthaginoise. Vers la même période, le monde romain est agité par d'importants troubles, particulièrement en Grèce et à Carthage où des radicaux se soulèvent contre les Numides, alliés de Rome. Celle-ci décide d'en finir. Les Romains chargent Massinissa de la tâche. Le vieux chef Numide soumet les carthaginois... mais réclame des Romains la livraison de la ville. Sommés d'abandonner leur cité, les carthaginois se révoltent. Massinissa est écarté, et en -148, les légions romaines assiègent la ville, provoquant une révolte générale, à laquelle ne participent cependant pas Hadrumète (Sousse) ni Utique, qui restent fidèles à Rome. L'intérieur du territoire lève les armes et les soldats romains sont mis à mal. Au bout de deux années de déboires, Rome fait appel à Scipion Emilien : au printemps -146, ses légions réussissent à ouvrir une brèche dans les fortifications de la ville. Une terrible bataille de rue s'achève par l'incendie du temple d'Eshmoun. La ville est rasée, le sol, labouré et maudit est semé de sel, et les survivants réduits en esclavage.