Strasbourg : la ville au Moyen Age (Alsace)
2.4. La lutte de la bourgeoisie contre l’évêque
Le développement de la ville et le premier statut municipal
Le déclin du pouvoir épiscopal
Le second statut et le conseil du municipe
Walther (Gauthier) de Hohen-Geroldseck
Hausbergen, l'heure de la liberté pour la ville
2.4.1. Le développement de la ville et le premier statut municipal
Maître temporel, l’évêque prend rang de prince et les chanoines se recrutent le plus souvent dans la noblesse, noblesse laïque qui elle-même se développe dans la cité...mais les habitants supportent mal la tutelle de leur seigneur-évêque : dès 1094 l’évêque Otton de Hohenstaufen, sans doute par opportunité politique e, pleine querelle des investitures, cède aux bourgeois de sa ville le droit d’élire des conseils chargés de l’administration intérieure de la ville.
Or, à partir du XIIè siècle (et jusqu'au milieu du XVè siècle), Strasbourg entre dans une des plus grandes phases d'urbanisation de son histoire. D’abord sous l’action de l'Eglise puis sous celle de la bourgeoisie, formée de commerçants et d’artisans, la société qui est en train de naître ne cesse de s'étendre par cercles concentriques, appelant à elle toujours plus de biens et plus d'hommes. Au début des années 1100, le premier agrandissement de Strasbourg est le signe tangible de la croissance d'une cité encore dominée par l'évêque : les fonctions artisanales et domestiques se développent, entraînant l'expansion des différents quartiers et leur assimilation au cœur d'une seule et même enceinte. Une nouvelle enceinte est ainsi créée : elle prend appui sur le rempart romain, puis s'étire à partir de l'actuelle place Broglie, longe les rues de la Mésange, de la Haute-Montée et du Vieux-Marché-aux-Vins avant de rejoindre Saint-Pierre-le-Vieux. De 1200 à 1220, une seconde extension porte les limites de la ville au canal du Faux-Rempart et aux Ponts-Couverts. Cette enceinte qui a une valeur symbolique tout autant que stratégique, délimite une ville de 10 000 habitants.
L’extension de la ville de Strasbourg depuis l’empire romain au second Reich |
Ainsi, face à l'ancien camp romain tenu par l'évêque, la ville de Strasbourg, par l’action de ses patriciens et bourgeois affirme aux XIIè et XIIIè siècles son identité communale par l’érection de quelques monuments publics autour de la place Gutenberg : l'ancienne Pfalz, la chancellerie, la monnaie et l'église Saint-Martin, édifice roman dont le plan a partiellement pu être établi. Ainsi coexistent à cette époque une ville de l'évêque, correspondant à l'intérieur de l'ancien castrum, et une ville bourgeoise dont le pôle est l'actuelle place Gutenberg. Il existe bien entendu d’autres quartiers très anciens comme Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Michel ou Sainte Aurélie, mais les données archéologiques sont encore trop fragmentaires pour s’en faire une idée assez précise à cette époque.
Politiquement, vers 1131-1132 (certains historiens penchent pour 1146-1147), après les droits accordés par l’évêque Otton en 1094, les bourgeois arrachent à leur seigneur évêque un « premier statut municipal », alors que peu avant (1129) ils avaient obtenu de l’empereur Lothaire III de Supplimbourg d’être affranchis de toute juridiction étrangère. Ce premier statut municipal distingue deux catégories juridiques d'habitants :
- les membres de la « familia episcopalis », les ministériaux ;
- les bourgeois (cives ou burgenses).
Parmi les officiers ministériaux, se trouvent l'avoué (l'Eglise ne peut verser le sang) nommé avec l'approbation du Conseil de l'évêque, l'écoutète, juge de basse-justice, le burgrave, sorte de surintendant des bâtiments et fortifications, le tonloyer qui perçoit les taxes, le maître de la monnaie qui régit l'atelier de Strasbourg où se frappent deniers et oboles d'argent.