Giotto di Bondone
4.2. Panneaux divers
La madone de Florence
La Madone de Santa Maria sopra Minerva
Saint François reçoit les stigmates
La MaestĂ ou Madone Ognissanti
Le polyptyque de Bologne
La crucifixion de Berlin
La crucifixion de Strasbourg
Les panneaux réalisés autour de 1300 montrent une intensité des regards commune à tous les personnages. L’autre caractéristique commune est tout le travail réalisé par l’artiste pour atteindre une nouvelle qualité de peinture, plus naturelle, plus raffinée, plus réaliste, plus cohérente dans sa spacialité.
4.2.4. La MaestĂ ou Madone Ognissanti
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L'attribution de cette grande peinture de la Vierge qui se trouvait originellement dans l'église florentine d’Ognissanti (Tous les saints), actuellement aux Offices, découle d'un écrit du début du XVè siècle. Le panneau a la même force de représentation que les fresques de Padoue, et est donc datée par les historiens d'art de la première décennie du XIVè siècle.
Immédiatement, le spectateur est frappé par la solemnité de l’œuvre, peinte a tempera. Les couleurs or du fond, des franges des magnifiques vêtements, des auréoles, les nuances délicates de rose et de violet, les tons chauds de vert et de rouge, et la couleur chair des visages, tout concourt à l’éclat incomparable de ce panneau.
Giotto se tourne vers un type d'image connue sous le nom de « Maestà  » - la Vierge entourée de saints et des anges - surtout connue à partir de la Maestà de Duccio, commencée en 1308, le grand retable de la cathédrale de Sienne, et à partir de la grande fresque du Palazzo communale de Sienne réalisée par Simone Martini en 1315. Ces deux exemples achevés de l'art siennois sont de dimensions impressionnantes, mettant en scène de nombreux « acteurs », anges, saints, disciples, dans des attitudes très variées… Cette Maestà de Giotto, en revanche, est construite dans le format vertical, et se réfère à un type de représentation de la Madone plus ancien, comme on peut le voir par exemple dans la Madone Rucellai de Duccio ou la Madone de Santa Trinita de Cimabue, voisines de l’œuvre de Giotto au Offices, et outes deux exécutées vers 1280.
Cette représentation de la Maesta, avec sa nouvelle conception du sujet et son style délicat, travaillé avec de l'or, compte parmi les chefs d’œuvre de la peinture sur panneau de Giotto. Ici, le portrait naturel et la solennité de la mère et de l'enfant sont intensifiés d'une manière spéciale. La composition en perspective, dans laquelle sont inclus tous les personnages environnants, se focalise sur le geste de bénédiction de l'enfant.
L’œuvre fut restaurée en 1991.
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Cette madone est l’exemple parfait d’une importante innovation de Giotto : il peint un corps en volume modelé pour faire apparaître le corps de la Vierge. La Vierge a un corps féminin. Voilà une novation représentative cruciale et qui n’est pas sans poser aux contemporains des questions théologiques. La Vierge n’est plus seulement une image symbole de la mère du Dieu incarné, elle est montrée comme une femme, elle est humanisée. La Vierge a un corps dont les cuisses et les genoux sont lisibles dans le volume peint, la poitrine sous le voile est visible et suggère une féminité toute terrestre. Image impensable pour un Byzantin des siècles précédents. L’humanisation gagne le corps des dieux. C’est en cela qu’il y a une transformation radicale de la pensée de ces images, une évolution des mentalités.
Giotto est bien l’artiste central de cette évolution capitale sur trois points :
- l’espace interne du tableau existe avec des relations logiques entre les personnages et les volumes représentés,
- les personnages « divins » sont humanisés dans leur corporalité,
- l’espace est construit du point de vue du spectateur.
C’est le croyant qui regarde la représentation de Dieu et non l’inverse. À partir du moment où l’image est construite du point de vue du spectateur, elle change de sens. La perspective s’inverse et le spectateur n’est plus regardé par l’œil terrible de la divinité qui le jauge et qui le juge mais le croyant regarde, à travers une fenêtre, un monde se creuser et se rapprocher de lui et dans lequel s’installent, à ses côtés, la maternité chaleureuse de la Vierge et la compassion de l’enfant Jésus.
Giotto : La Madone « Ognissanti » (Maestà ), détail. Vers 1310. Tempera sur bois, 325 x 204 cm. Florence, les Offices |
Un ange estagenouillé de chaque côté du trône. Contrairement aux anges de Cimabue qui planent et à ceux de Duccio qui semblent « plaqués » appliqués à une surface plane, ceux-ci sont intégrés à la scène et donnent un ton de gravité à l’ensemble. Ils tiennent chacun un vase contenant un lis et de roses rouges et blanches, les symboles de la douleur de Marie et de sa pureté. Ils regarder la Vierge, et, creusant le dos, ils inclinent légèrement la tête en arrière, semblant dominer la distance qui les séparent de la Madone. Tous les personnages debout, anges et saints sont dépeints de la même façon, tournés vers le centre.
L'intensité des regards reflète cette perspective mise oeuvre dans tout le panneau et se concentre sur l'adoration de la Vierge Marie et du Christ enfant. C'est précisément cette caractéristique qui distingue la Madone Ognissanti de toutes les autres représentations des contemporains de Giotto, plus jeunes ou plus âgés. L'attitude des figures centrales en devient presque entièrement naturelle, au-delà de toute fonction de représentation symbolique héritée de l’hiératisme byzantin, que Giotto, enfant de son temps, ne boude pas, mais modifie profondément.
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La façon dont Giotto créé l'expression est illustrée par ces détails, qui représentent les deux saints directement à côté du trône de la Vierge : séparation par le baldaquin du trône, et intense proximité à travers le regard sont réunis ici par l’arc du trône.