Le ghetto de Stanislawow
8. L’action de fin mars 1942
En mars 1942, une rumeur se met à courir au sujet d’une « Aktion » imminente devant éliminer les « inaptes au travail » et restreindre la surface habitable du ghetto. La réaction à ces rumeurs n'est pas unanime : la plupart des Juifs ignore ces bruits. La veille de la Pâque, le 31 mars 1942, en soirée, la police allemande et ukrainienne cerne le ghetto. Les Juifs sont expulsés de leurs maisons dans les cours et les rues. Beaucoup se cachent. Plusieurs maisons sont incendiées afin de forcer les personnes à sortir de leurs cachettes, et afin d’incendier tout un secteur du ghetto. La police tire à vue sur quiconque tenter de fuir et lance des grenades dans les habitations. De nombreux Juifs sont tués ou périssent carbonisés. Parmi eux, l'Admor Anshilo : la police le trouve dans sa cachette et lui ordonne d’entrer dans une maison en feu de la rue Belwederska avec un rouleau de Torah dans des les bras… Le point de rassemblement de cette « Aktion » est le croisement des rues Belwederska et Batory. Les Juifs sont forcés d’y passer toute la nuit à genoux. Qui bouge est abattu. Au matin, après un contrôle des permis de travail, les employés « officiels » du Judenrat et de plusieurs autres bureaux ainsi que les ouvriers sont libérés. Les autres sont emmenés à la gare, entassés dans des wagons et dirigés sur Belzec. Les premières victimes de cette « Aktion » sont les mendiants, les sans-abri, les derniers réfugiés hongrois vivant dans le dépôt « Rudolf », les résidents de la maison de retraite et les orphelins, que les meurtriers ont jeté des fenêtres ou noyés dans le fleuve Bystrzyca. Bilan : 5.000 victimes, gazées à Belzec, tuées dans le ghetto ou noyées dans le fleuve…
Après cette « Aktion », le secteur du ghetto est rétréci d’un tiers par l’amputation du secteur entre les rues Kazimierzowska, Batory et Siemiradzki, et tout ceux habitent en dehors des nouvelles limites sont obligés de s’y réinstaller le 21 avril 1942. A partir de cette date, le ghetto sert principalement de camp pour les Juifs aptes au travail, employés par l'économie allemande. Puis les Allemands recensent les résidants du ghetto. Les Juifs doivent se réunir au bureau du travail par ordre alphabétique aux jours indiqués. Là ils ont classés par les membres de la Gestapo en catégories : catégorie « A » pour les jeunes en bonne santé, travailleurs qualifiés employés dans les entreprises importantes, ainsi que ceux qui jouissent d’une « protection spéciale » et sont autorisés à rester dans le ghetto ; catégorie « B » pour ceux qui ne travaillent qu’occasionnellement ; catégorie « C » pour les malades, infirmes et autres inaptes au travail. La catégorie est tamponnée sur les permis de travail. Comme beaucoup de Juifs ne se sont pas présentés au bureau, les Allemands les font chercher de force. La plupart des Juifs de la catégorie « C » sont emmenés directement au dépôt « Rudolf », tristement célèbre et prémonitoire… Après deux ou trois jours, ils sont assassinées dans le cimetière ou sont envoyés à Belzec. Ceux de la catégorie « B » sont désormais en danger. Mais pour l'instant, ils sont été autorisés à vivre dans un des îlots du ghetto. Bon nombre d'entre eux tentent de se cacher dans le ghetto proprement dit lorsque les Allemands commencent à envoyer des personnes de leur catégorie dans les camps de travail ou à les transférer au dépôt « Rudolf ». Ces sélections envoient plusieurs milliers personnes supplémentaires à la mort.
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