Art roman : l’aspect technique : l’équilibre roman
3. Voûtes, arcs et matériaux
Les voûtes
Les arcs
Les baies
Les charpentes
Les supports et chapiteaux
Outils et matériaux
3.2. Les arcs
Pour couvrir une baie ou franchir un espace, les architectes de la Grèce classique n'utilisaient que le linteau et l'architrave. Sans doute introduit à Rome par les Étrusques, l'arc supplante peu à peu ces anciens modes de construction et devient au Moyen Âge l'élément fondamental de l'architecture religieuse.
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Rome : le Colisée : un bel exemple d’utilisation de l’arc romain |
3.2.1. Rôle de l’arc
La fonction de l'arc est de couvrir un espace et de dévier les forces qui s'exercent au-dessus de lui. Avec une couverture d’une espace par linteau, la transmission des forces est perpendiculaire au poids exercé : le linteau ou l’architrave (multiplication de linteaux couvrant un espace plus large) subit une pression très importante et peut casser en son centre. L'arc constitue un progrès majeur, car il joue un rôle dynamique : sa forme lui permet de dévier les forces engendrées par le poids des parties supérieures de l'élévation vers ses supports, ce qui permet en particulier d'ouvrir de grands espaces entre les colonnes, les arcades.
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Aiguebelle : le réfectoire des moines. Voûte en berceau brisé avec de magnifiques arcs |
3.2.2. Claveaux, clés et cintres
L'arc roman est constitué d'éléments indépendants et clavés, taillés selon un angle particulier qui se bloquent mutuellement : ces pierres sont appelées claveaux (du latin « clavus », « clef »). Si l'on exerce une pression sur l'une de ces pierres, elle ne peut bouger et transmet cette pression aux pierres voisines. Cette pression s'effectue latéralement par des joints irréguliers : la transmission du poids au support n'est pas absolument verticale, mais oblique : cette force est la poussée. Son rôle, peu conséquent sur le fonctionnement de l'arc est par contre déterminent sur celui des voûtes.
 | L’arc en plein cintre et ses divers éléments |
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La construction d’un arc clavé nécessite un échafaudage en bois appelé cintre. Afin d'éviter que cet échafaudage ne prenne toute la hauteur de la construction, les supports de l'arc, ou chapiteaux, sont pourvus en leur sommet de pierres saillantes, souvent sculptées, appelées abaques (ou tailloirs dans le cas des colonnes et des piliers) qui servent de point d'appui au le cintre. Sur ce cintre sont ensuite posées les claveaux formant l'arc. La dernière pierre placée est la clef, au centre, qui vient bloquer l'ensemble de l'arc, qu'on dit alors bandé. Le cintre est ensuite retiré.
 | L’arc en plein cintre : technique de construction grâce au cintre de bois |
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Un arc non clavé est constitué d'éléments qui ne se retiennent pas mutuellement : il va s'effondrer. Un arc en tas de charge (dont les pierres sont posées en assises horizontales) réagit comme un linteau. Il a l'aspect et la courbe intérieure de l'arc, non ses capacités. Un arc monolithe transmet théoriquement à ses supports l'ensemble des forces qu'il reçoit, mieux que ne le fait l'arc clavé. Mais dans la pratique, il est extrêmement peu employé en raison de la difficulté, voire de l'impossibilité de trouver de grandes pierres et de les tailler selon cette forme.
 | L’arc en plein cintre : types de claveaux |
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3.2.3. Divers types d’arcs
On classe les arcs en trois grandes catégories : les arcs plein cintre, formés par un demi-cercle, les arcs surbaissés ou en « anse de panier », formés par une demi ellipse, le grand diamètre à la base, les arcs brisés (on dit aussi en ogive ou en tiers-point)…
 | Divers types d’arcs |
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3.2.3.1. L'arc en plein cintre
L'arc en plein cintre est, des origines au Xle siècle, le principal type d'arc utilisé en Europe (avec ses dérivés les plus simples) : L'intrados de l'arc en plein cintre est toujours un demi-cercle. Jusqu'à la fin du XIe siècle, l'arc plein cintre avec ses variétés est seul employé dans les constructions, sauf quelques rares exceptions.
 | Spire : le « Kaiserdom » : la nef centrale vue vers l’entrée occidentale |
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 | Gourdon (Saône et Loire) : l’église Notre Dame. La nef (à gauche) et un bas-côté (à droite) |
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Les arcs « surbaissés » que l'on trouve souvent dans les voûtes de l'époque romane, sont en fait des arcs en plein cintre qui ont été déformés au cours des siècles, déformation produite par l'écartement des murs ayant été construits originairement en plein cintre.
 | Champagne en Ardèche : l’église romane Saint Pierre. Couverture de coupoles sur trompes, chaque coupole s’étendant sur deux travées. A gauche, galerie reliant les tribunes |
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 | Eglise de Maria Laach : la nef |
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Lorsque l’arc en plein cintre peut être surhaussé ou outrepassé : il est alors « en fer à cheval » et on ne le rencontre que rarement dans l’art roman. C’est en effet une « spécialité » de l’art de l’Islam : il a été adopté par l’art roman dans certaines régions qui ont été au contact des bâtisseurs musulmans : Espagne, Sicile, Auvergne…
 | Orcival (Puy du Dôme) : l’église prieurale Notre Dame : collatéral nord aux arcs légèrement outrepassés |
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 | Saint Michel de Cuxa : bas coté de l’abbatiale avec arc outrepassé |
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 | Saint Philibert de Grand Lieu (Loire Atlantique) : l’abbatiale. La nef et le chœur |
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3.2.3.2. L'arc brisé
L'arc brisé, présent en Syrie et en Arménie dès le Xè siècle, fut sans doute importé en Europe au cours des croisades. Il possède de grands avantages par rapport à l'arc en plein cintre. L'arc brisé équilatéral (ou « en tiers point ») forme un triangle équilatéral. On obtient avec cet arc un meilleur report des forces : ainsi, le rapport entre la hauteur et la largeur d'un arc en plein cintre est toujours identique, quelle que soit sa taille : sa « flèche » (son rayon) est toujours deux fois moindre que sa portée, égale à son diamètre. Dans le cas de l'arc brisé, le rapport entre flèche et portée s'amoindrit, voire s'inverse : les courbes de l'arc brisé se rapprochant de la verticale, les forces d'écartement sont moindres et le report du poids sur les supports plus efficaces.
De plus, à portée égale, l'arc brisé possède une ouverture plus importante que l'arc en plein cintre. Il permet donc d'ouvrir de plus grandes baies et d’admettre plus de lumière dans l’édifice.
C'est à partir du XIe siècle que l'arc en tiers-point est progressivement adopté dans les provinces de France puis dans tout l'Occident.
 | Aiguebelle : le réfectoire des moines. Voûte en berceau brisé avec de magnifiques arcs |
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 | Aubazine (Corrèze) : le monastère cistercien. La nef |
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 | Le Thoronet (Var) : l’abbatiale. La crypte en berceau brisé |
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 | Marnans (Isère) : église saint Pierre. La nef centrale en berceau brisé |
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3.2.3.3. Autres types d’arcs
Outre les dénominations précédentes qui distinguent les variétés d'arcs employés dans la construction des édifices du Moyen Age, on désigne les arcs par des noms différents, suivant leur destination :
- L'arc de décharge permet de dévier les forces et ainsi des consolider un mur ou d'ouvrir une baie.
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Aregno en Haute Corse : arc de décharge du portail de la chapelle de la sainte Trinité. 1177 |
- L’arc doubleau (en plein cintre ou en tiers point) sert à soutenir à intervalles réguliers la voûte dont il épouse la forme…
 | Chapaize (Saône et Loire) : l’église paroissiale saint Martin. La nef avec sa voûte en berceau plein cintre et ses arcs doubleau |
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 | Fontenay en Côte d’Or : l’abbaye cistercienne : nef centrale de l’abbatiale couverte d’un berceau brisé avec doubleaux. Bas côtés munis de voûtes en berceaux brisés transversaux |
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- L’arc formeret est l’arc situé à l'intersection du mur porteur et de la voûte en berceau. Il ferme une travée de voûte parallèlement à l'axe du vaisseau.
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Loches (Indre et Loire) : Saint-Ours, ancienne collégiale Notre-Dame : mur de la nef renforcé d’un arc formeret pour supporter un dube |
- l’archivolte, qui compose l’ensemble des voussures d'encadrement d'une porte, d’un portail ou d'une baie.
 | Zamora : église de la Magdalena |
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 | Le Dorat (Haute Vienne) : collégiale saint Pierre. Le portail occidental |
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 | Saintes (Charente Maritime)Â : abbatiale Sainte-Marie des Dames. Voussures du portail central |
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- l’arcature : série d'arcades de petite dimension, plutôt destinées à décorer les parties lisses des murs sous les appuis des fenêtres ou les corniches, qu'à répondre à une nécessité de la construction. Cette arcature est souvent aveugle dans l’édifice roman…
 | Saulieu (Cote d’Or), saint Andoche : élévation de la nef avec arcature aveugle à la place du triforium |
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 | Fidenza: dôme San Donnino, XIè. Le chevet, détail |
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 | Châteaudun (Eure et Loire) : église sainte Madeleine. Arcade du bas coté sud |
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 | Echillais (Charente Maritime) : église Sainte Marie. La façade, registre supérieur |
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Articles connexes