Le système concentrationnaire nazi
3.2. Etape 2: 1938-1942
Elargissement et aggravation du système concentrationnaire
Le durcissement de la politique anti-juive
3.2.1. Elargissement et aggravation du système concentrationnaire
A partir de 1938 la politique d’expansion de Hitler entre dans sa phase active, visant d’abord les pays « frères » ou à forte minorité ethnique « Aryenne » (Autriche, Sudètes, Dantzig) puis les voisins à l’est (Slovaquie, Pologne) avant de déboucher sur l’affrontement européen…
Toutes les annexions et conquêtes s’accompagnent immédiatement de l’extension de la terreur aux pays occupés, minutieusement préparée par le SD, dès avant la guerre. Après chaque succès de la Wehrmacht, la Gestapo et les SS s’abattent sur les vaincus et s’emploient à briser toute velléité de résistance avec une brutalité accrue : toute l'Europe devient un « univers concentrationnaire » : Au lendemain de l’Anschluss, les résistants autrichiens sont d’abord envoyés à Dachau et à Buchenwald ; mais dès août 1938, un détachement SS et un commando de droits communs ouvrent le camp de concentration de Mauthausen près de Linz. Après Munich et l’annexion des Sudètes (novembre 1938), un camp est créé à Flossenbürg entre Ratisbonne et la frontière tchèque. Par la suite, après la mainmise sur la Bohême-Moravie, un nouveau camp est ouvert au Nord de Prague, à Theresienstadt. En août 1939, quelques jours avant l’invasion de la Pologne, les travaux commencent par anticipation à Stutthof dans l’enclave de Dantzig. Après la chute de Varsovie, la Pologne se couvre de camps : Auschwitz, près de Cracovie, est aménagé en 1940 pour les Polonais de Silésie et du Gouvernement général.
Après mai 1940, d’autres camps sont créés ou développés dans le nord-ouest de l’Allemagne à proximité des Pays-Bas, à Esterwegen, Neuengamme et Bergen-Belsen ; en Rhénanie, près de la frontière luxembourgeoise, à Hinzert et Neubremm ; et en Alsace annexée, à Struthof-Natzweiler (1941). Puis, après le début de l’opération Barbarossa, de nombreux camps ouvrent à l’Est : Lublin - Majdanek, Jasenovac, Riga, Vaivara…Le nombre d’arrestations et de déportations augmente en flèche : la population totale des camps passe de quelques dizaines de milliers d’Allemands à plusieurs centaines de milliers de détenus de toutes nationalités : environ 20 000 (tous Allemands) entre 1935 et 1937 ; 280 000 entre 1938 et 1939 (Nuit de cristal, Anschluss, démembrement de la Tchécoslovaquie) ; au moins 500 000 entre 1939 et 1945 : résistants « NN », opposants politiques, prisonniers de guerre soviétiques, droit commun, asociaux, homosexuels, témoins de Jéhovah, personnes raflées, otages.... Tous les camps sont très vite surpeuplés malgré la multiplication des commandos de travail et des camps annexes, dont plusieurs deviennent autonomes et essaiment à leur tour… En même temps se créé une « Mémoire » des camps dont les anciens détenus sont les dépositaires et à travers laquelle se dégage une sorte de code de survie dans un univers où toutes les normes morales courantes ont disparu. Sans cette « culture concentrationnaire » et sans cette hiérarchie interne des détenus, forgées dans les premières années « allemandes », le système aurait probablement implosé.
De plus, le régime se durcit nettement à partir de 1938 : le 25 janvier sont mises en oeuvre de nouvelles mesures d’arrestation et d’internement : tous les « ennemis de l’état et le la communauté nationale » peuvent être internées immédiatement dans des camps de concentration. Avec cette mesure, la Gestapo a les mains totalement libres pour procéder comme bon lui semble. Le lendemain, un décret gouvernemental attribue le qualificatif d’« Arbeitsscheu » (« rétif au travail ») à tous les hommes sans emploi et aptes au travail après refus de deux propositions successives d’embauche ou abandon de deux postes même inadaptés à leur qualification. Cette attitude criminelle envers la « Communauté raciale populaire » (« Volksgemeinschaft ») est désormais punie des travaux forcés au camp de Buchenwald. La terreur s’étend à toutes les couches de la population : les membres de l’église confessante (Eglise luthérienne), les « a-sociaux » (mendiants, proxénètes, prostituées, fugueurs), les Tziganes, les homosexuels, certains prêtres catholiques… La boucle de la terreur est bouclée lorsque le 21 septembre 1939 Himmler signe une directive secrète autorisant la SS à exécuter sans jugement dans les camps de concentration, après qu’il eut chargé, nouveauté dans le système concentrationnaire désormais bien rôdé, l’institut SS ethno-historique « Ahnenerbe » (« héritage des ancêtres ») de procéder à des expérimentations humaines dans les camps de concentration.
Pendant toute celle période d’expansion du système, les difficultés croissantes d’approvisionnement, les tensions nées des différences de langue et de culture, la brutalité, les rapines et exactions systématiques des SS et de beaucoup de kapos aggravent considérablement les conditions de vie des déportés. Dans l’ensemble, les Polonais, particulièrement méprisés et détestés, sont les plus maltraités, du moins jusqu’à l’arrivée des premiers prisonniers de guerre russes, que les nazis n’hésitent pas à envoyer en camp de concentration, sous prétexte qu’ils ne sont pas couverts par les conventions de Genève non ratifiées par les Soviets.