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Histoire : 1900, l’Europe domine le monde

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3. Les grandes nations en 1900

L’héritage politique du XIXè siècle
La France à l’aube du XXè siècle
La Grande Bretagne
L’Allemagne : la volonté de puissance
L’Autriche-Hongrie : la question du pluri - nationalisme
L’Italie : une naissance difficile
La Russie, vaste prison des peuples
Etats-Unis : naissance d’une nation
Japon : l’empire du « Soleil Levant »

3.2. La France à l’aube du XXè siècle

3.2.1. L’économie française

L’économie française se modernise mais se laisse distancer par ses rivales allemandes ou anglaises .Après une période de grande expansion (1848-1873) et un période de dépression (1873-1895) les prix remontent et la production reprend.

3.2.1.1. Agriculture

L’agriculture française emploie près de 45% de la population active. Les techniques l’ont faite progresser (mécanisation, engrais, communications). Les cultures traditionnelles comme le seigle ou les plantes textiles déclinent au profit de cultures nouvelles (Fruits, plantes fourragères) et de spécialités régionales. Mais ces techniques modernes ne concernent qu’une minorité de riches exploitants. La grande majorité des paysans en reste à l’exploitation de type familial traditionnelle, basée sur la polyculture à faible rendement, d’où la nécessité d’une protection douanière efficace.

Moisson à la faux en France, vers 1890-1900. Une agriculture encore très traditionnelle
Moisson à la faux en France, vers 1890-1900. Une agriculture encore très traditionnelle
La pause des paysannes beauceronnes pendant les travaux des champs au début du XXè siècle. Jeunes ou vieilles, les femmes participent aux durs travaux des récoltes
La pause des paysannes beauceronnes pendant les travaux des champs au début du XXè siècle. Jeunes ou vieilles, les femmes participent aux durs travaux des récoltes
La France rurale traditionnelle des années 1900. Pause dans la campagne
La France rurale traditionnelle des années 1900. Pause dans la campagne
Almanach paysan de 1911 : l’invitation au progrès en milieu paysan
Almanach paysan de 1911 : l’invitation au progrès en milieu paysan
La campagne française se modernise : moissonneuses-lieuses tirées par tracteur dans la campagne de Melun en Ile de France en 1911
La campagne française se modernise : moissonneuses-lieuses tirées par tracteur dans la campagne de Melun en Ile de France en 1911

3.2.1.2. Industrie

La France se place au quatrième rang des puissances mondiales : les atouts de l’industrie française sont le grand développement de la métallurgie, de la houille, de l’automobile (second rang mondial), de l’aviation (premier rang), du textile (1/5è des exportations, quoique le secteur reste de type traditionnel). Le réseau ferré est bien développé (50 000km) et les usines bien concentrées autour des centres urbains. Les faiblesses de l’industrie française sont le manque de techniques modernes, un patronat peu dynamique et craignant la concurrence, le peu d’esprit d’entreprise, un protectionnisme rigoureux…

Moissonneuse batteuse en Beauce en 1905
Moissonneuse batteuse en Beauce en 1905
La remonte au jour dans une mine du nord. Gravure de Louis Sabattier parue en 1903 dans l’« Illustration ». Paris, Bibliothèque des Arts-déco
La remonte au jour dans une mine du nord. Gravure de Louis Sabattier parue en 1903 dans l’« Illustration ». Paris, Bibliothèque des Arts-déco
Le monde ouvrier par L Frédéric. Détail du triptyque « Les âges de l’ouvrier ». Huile sur toile, 163 x 376 cm. 1895 1897. Paris, musée d’Orsay
Le monde ouvrier par L Frédéric. Détail du triptyque « Les âges de l’ouvrier ». Huile sur toile, 163 x 376 cm. 1895 1897. Paris, musée d’Orsay
Paris : les usines Renault au début du XXè siècle
Paris : les usines Renault au début du XXè siècle
Le chemin de fer, symbole de la révolution industrielle. La gare saint Lazare par Claude Monet. 1875. Huile sur toile, 450 x 345 cm. Paris, musée Marmottant
Le chemin de fer, symbole de la révolution industrielle. La gare saint Lazare par Claude Monet. 1875. Huile sur toile, 450 x 345 cm. Paris, musée Marmottant
Eugène Schneider (1805-1875) : fondateur de la dynastie des maîtres de forges du Creusot, il crée une des plus puissantes firmes mondiales de sidérurgie. Il est aussi régent de la banque de France, ministre du commerce et Président du Corps Législatif
Eugène Schneider (1805-1875) : fondateur de la dynastie des maîtres de forges du Creusot, il crée une des plus puissantes firmes mondiales de sidérurgie. Il est aussi régent de la banque de France, ministre du commerce et Président du Corps Législatif

3.2.1.3. Finances

La fortune de la France augmente de 150% entre 1870 et 1914. Bourgeois et paysans déposent leur argent en dépôt – épargne dans les banques qui l’investissent dans le monde entier : ainsi, 20% du total des investissements mondiaux sont français !

3.2.1.4. Conclusion

La France est un pays riche, mais cette richesse freine la démographie : 37,8 millions d’habitants en 1870, mais seulement 39,8 millions en 1914, soit le cinquième rang mondial… Cette richesse reflète la mentalité de la société bourgeoise et paysanne : idéal de l’aisance et du fils unique, pas de partage des terres ou des biens…

La France de la « Belle époque » : France riche et aisée de la grande bourgeoisie, France d’Aristide Bruant, du cabaret, du Moulin rouge… Henri de Toulouse Lautrec saura la décrire avec son humour grinçant… Ici, une de ses œuvre ; « Au moulin rouge »
La France de la « Belle époque » : France riche et aisée de la grande bourgeoisie, France d’Aristide Bruant, du cabaret, du Moulin rouge… Henri de Toulouse Lautrec saura la décrire avec son humour grinçant… Ici, une de ses œuvre ; « Au moulin rouge »
Le sport, une des grandes nouveautés de cette « belle époque » et de la France opulente… Ici, page de garde de la course Paris-Belfort dans « Le Petit journal » de juin 1902
Le sport, une des grandes nouveautés de cette « belle époque » et de la France opulente… Ici, page de garde de la course Paris-Belfort dans « Le Petit journal » de juin 1902
Le cinéma naissant, une des inventions majeures de la « Belle époque ». Affiche de H Brispot, 1895
Le cinéma naissant, une des inventions majeures de la « Belle époque ». Affiche de H Brispot, 1895

3.2.2. La société française

Toute la société profite de l’enrichissement général, à des degrés divers. Le niveau de vie s’élève, grâce aussi à la généralisation de l’instruction primaire et à l’impôt sur le revenu. C’est la France de la « Belle époque »…

Mais malgré l’égalité de principe, il reste de grands contrastes dans la société française.

L’exposition universelle de 1900 à Paris constitue une belle vitrine pour une Frances puissante et riche. Ici, l’illumination de la tour Eiffel
L’exposition universelle de 1900 à Paris constitue une belle vitrine pour une Frances puissante et riche. Ici, l’illumination de la tour Eiffel
Un pavillon de l’exposition universelle de Paris en 1900
Un pavillon de l’exposition universelle de Paris en 1900
La France se modernise, grâce en partie à l’action des « Hussards de la république »: une école rurale en 1902
La France se modernise, grâce en partie à l’action des « Hussards de la république »: une école rurale en 1902
Les progrès de la médecine et de la santé : campagne de vaccination en France rurale, 1902
Les progrès de la médecine et de la santé : campagne de vaccination en France rurale, 1902

3.2.2.1. La grande bourgeoisie

Ayant le culte du travail et de l’épargne chevillé au corps, la haute bourgeoisie tient solidement les rênes du pays dont elle contrôle l’essentiel de la fortune : 2 000 familles se partagent 60% de la richesse de la France !

Cette bourgeoisie est à la direction politique du pays, accède aux grande écoles, possède le monopole des postes-clés de l’économie et de l’administration… C’est le « Tout Paris » de la Belle époque, fréquentant les Grands Boulevards, lançant la mode, s’adonnant au sport (Pierre de Coubertin) et se voulant à l’avant-garde du progrès…

La grande bourgeoisie française : Eugène Schneider, son épouse et leurs trois fils, Jean, Charles et Henri Paul, célébrant le 11 juin 1905 le centenaire de la naissance du fondateur de l’empire Schneider, Joseph Eugène (1805-1875
La grande bourgeoisie française : Eugène Schneider, son épouse et leurs trois fils, Jean, Charles et Henri Paul, célébrant le 11 juin 1905 le centenaire de la naissance du fondateur de l’empire Schneider, Joseph Eugène (1805-1875
J.L. Forain : la grande bourgeoisie. 1884. Huile sur toile, 93 x 148 cm. Paris, collection fédéraliste mutualiste parisienne
J.L. Forain : la grande bourgeoisie. 1884. Huile sur toile, 93 x 148 cm. Paris, collection fédéraliste mutualiste parisienne
La haute bourgeoisie française : La « Comtesse » de Castiglione, née Virginia Elisabetta Luisa Carlotta Antonietta Teresa Maria Oldoïni, (1837-1899), mondaine, maîtresse de Napoléon III, entremetteuse, élégante, espionne, modèle préféré du photographe Pierre Louis Pierson
La haute bourgeoisie française : La « Comtesse » de Castiglione, née Virginia Elisabetta Luisa Carlotta Antonietta Teresa Maria Oldoïni, (1837-1899), mondaine, maîtresse de Napoléon III, entremetteuse, élégante, espionne, modèle préféré du photographe Pierre Louis Pierson

3.2.2.2. La petite et moyenne bourgeoisie

Petite et moyenne bourgeoisie imitent la grande : il s’agit principalement de notables provinciaux, fonctionnaires, professions libérales, commerçants, petits propriétaires et rentiers…

Intérieur bourgeois à Paris en 1912
Intérieur bourgeois à Paris en 1912

3.2.2.3. La classe moyenne

La classe moyenne jouit de meilleures conditions de vie grâce aux progrès techniques, à l’école, au service militaire aux voies de communications. Les paysans sont en général très attachés au régime et plutôt conservateurs.

Une famille française des classes moyennes en 1899
Une famille française des classes moyennes en 1899

3.2.2.4. Les ouvriers

Le sort des ouvriers s’est nettement amélioré depuis les années 1850, grâce à l’action syndicale. Les ouvriers ont vu leur salaire augmenter de 60% entre 1870 et 1914. Mais les journées de travail restent longues (entre 10 et 12 heures) ; il n’y a ni sécurité de l’emploi ni congés payés. Enfin les salaires varient énormément selon la région et la profession.

La toilette du mineur en 1900
La toilette du mineur en 1900

A partir de 1879, le mouvement ouvrier s’organise sur deux plans :

  • plan politique avec la création des la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) en 1905 par Jean Jaurès (1859 - 1914) et Jules Guesde (1845-1922). La SFIO aura 100 députés au parlement en 1914.
  • Jean Jaurès (1859-1914)
    Jean Jaurès (1859-1914)
    Jules Guesde (1845-1922)
    Jules Guesde (1845-1922)
  • plan syndical avec la création de la CGT (Confédération Général du Travail) en 1895 qui se veut indépendante du socialisme politique (congrès d’Amiens, 1906) et qui obtient grâce à ses luttes le régime des retraites, la journée de 10 heures (1910) et le repos hebdomadaire…
Mouvement de grève à Lens en 1906
Mouvement de grève à Lens en 1906
Jules Adler : la grève au Creusot, 1899. Huile sur toile. Ecomusée, le Creusot. Les dernières années du XIXe siècle virent la montée en puissance du mouvement social. Même le Creusot, où était fixée la plus grande usine de France, fut bloquée par les grèves après trente années de calme. Dans ce tableau, le peintre relate la grande manifestation du 24 septembre 1899 : une marche que les Creusotins firent pour remercier les habitants de Montchanin de leur soutien
Jules Adler : la grève au Creusot, 1899. Huile sur toile. Ecomusée, le Creusot. Les dernières années du XIXe siècle virent la montée en puissance du mouvement social. Même le Creusot, où était fixée la plus grande usine de France, fut bloquée par les grèves après trente années de calme. Dans ce tableau, le peintre relate la grande manifestation du 24 septembre 1899 : une marche que les Creusotins firent pour remercier les habitants de Montchanin de leur soutien
Théophile Steinlein (1859-1923) : « En grève ». Couverture de « La feuille »
Théophile Steinlein (1859-1923) : « En grève ». Couverture de « La feuille »

3.2.3. La vie politique française

3.2.3.1. Le cadre constitutionnel

Depuis 1871 la France républicaine s’est dotée d’un régime parlementaire dont la constitution de 1875, celle de la IIIè République, est le reflet :

Schéma de la constitution de la IIIème république
Schéma de la constitution de la IIIème république
  • Le pouvoir législatif : le pouvoir législatif appartient au Sénat et à la Chambre des Députés élus au suffrage universel (les femmes n’ont pas le droit de vote !), qui joue le rôle essentiel. Les deux assemblées :
    • Votent les lois ;
    • Elisent le président de la République ;
    • Révisent la constitution ;
    • Signent les traités de paix et de commerce ;
    • Peuvent mettre le gouvernement en minorité ;
    • De plus, le Sénat fait office de Haute Cour pour juger le président et les ministres.
  • Le pouvoir exécutif : le pouvoir exécutif appartient à un président élu pour 7 ans par les deux assemblées :
    • Il a l’initiative des lois ;
    • Il veille à l’exécution des lois ;
    • Il a le droit de grâce ;
    • Il est chef des armées ;
    • Il nomme aux emplois civils et militaires ;
    • Il peut, sur avis du Sénat, dissoudre la Chambre des députés ;
    • Il est responsable en cas de haute trahison.

3.2.3.2. Les présidents de la IIIè République

3.2.3.2.1. Adolphe Thiers

Né à Marseille, le 15 avril 1797 ; Adolphe Thiers entre au journal le « Constitutionnel », puis fonde le National et combat la royauté de Charles X. Ministre des Travaux publics, de l'Intérieur en 1832, du Commerce le 25 décembre de la même année, de l'Intérieur en 1834, il est président du Conseil de 1836 à 1840, et devient le rival de Guizot. Député à la Constituante et à la Législative, il fait partie du Corps législatif de 1863 à 1870, où il est un des chefs de l'opposition à l'Empire. En 1870-1871, à la demande du gouvernement de la Défense nationale, il parcourt l'Europe pour l'intéresser au sort de la France vaincue ; il est élu député à l'Assemblée nationale qui se réunit à Bordeaux au mois de février 1871, devient chef du pouvoir exécutif jusqu’au 24 mai 1873 : il écrase la Commune de Paris et négocie avec la Prusse : il abandonne à celle-ci l’Alsace-Lorraine et obtient l’évacuation du territoire français par les armées allemandes.

Le président Adolphe Thiers (1871-1873)
Le président Adolphe Thiers (1871-1873)

Il est nommé premier président de la République à titre transitoire (loi Rivet) le 17 février 1871. Mais son revirement en faveur d'un régime républicain lui attire l’opposition de la majorité monarchiste : Thiers démissionne le 24 mai 1873 après avoir transmis un dernier message à l'Assemblée Nationale dans lequel il affirme qu'un retour à la monarchie est impossible car « il n'y a qu'un trône et l'on ne peut l'occuper à trois ». Thiers meurt le 3 septembre 1877.

Son attitude durant la Commune lui vaut le terrible jugement du républicain Georges Clemenceau, maire de Montmartre pendant l’insurrection :

Thiers, le type même du bourgeois cruel et borné qui s'enfonce sans broncher dans le sang.
3.2.3.2.2. Patrice de Mac Mahon

Né en 1808, Patrice de Mac Mahon descend d'une famille irlandaise. Sorti de l'École militaire de Saint-Cyr, il sert lors de l'expédition d'Alger, se distingue au siège de Constantine en 1837 et reste dans le pays jusqu’en 1855, date à laquelle il accède au grade de général de division. Puis il participe à la Guerre de Crimée. Il mène avec succès l'attaque sur les ouvrages fortifiés de Malakoff, où il y prononce le 8 septembre 1855 son célèbre « J'y suis, j'y reste ! », héroïsme qui aboutit à la chute de Sébastopol.

De retour en France, il est fait sénateur. Il refuse le commandement suprême des troupes françaises et retourne en Algérie, où il soumet complètement les Kabyles. Il se distingue particulièrement lors de la campagne d'Italie de 1859 et assure par son audace la victoire française de Magenta. Il reçoit de Napoléon III le bâton de maréchal et est fait duc de Magenta.

Nommé gouverneur général d'Algérie en 1864, il se montre inapte à cette tâche et est rappelé en 1870. Il participe à la guerre franco-allemande de 1870, mais est battu en Alsace et à où il est blessé dès le début des combats et fait prisonnier. En 1871, il est nommé à la tête de l'armée des « Versaillais » et réprime sévèrement la Commune de Paris, tuant 25 000 personnes, en emprisonnant 38 000 et en déportant au bagne 7 000 autres.

Le président Patrice de Mac-Mahon (1873-1879)
Le président Patrice de Mac-Mahon (1873-1879)

Porté par sa popularité, il est élu président de la République après la chute d'Adolphe Thiers le 24 mai 1873, et projette une restauration de la monarchie, après avoir limogé le Premier ministre pour le remplacer par un monarchiste. L’échec de cette restauration le conduit à voter le septennat présidentiel. Préférant rester au-dessus des partis, il assiste aux procédures qui, en janvier et février 1875, aboutissent aux lois fondamentales établissant la République comme le gouvernement légal de la France.

Résolument conservateur, il fait dissoudre la chambre, trop républicaine de gauche à ses yeux, le 16 mai 1877, mais les élections suivantes du 14 octobre donnent à la gauche une majorité de 120 sièges. Il est contraint d’accepter un gouvernement de gauche.

Il conserve son poste jusqu'en 1878, pour permettre la paix pendant l'Exposition Universelle mais, lorsque le 5 janvier 1879, le sénat passe à gauche, Mac Mahon, qui ne dispose plus d'aucun soutien parlementaire, démissionne le 30 janvier 1879. Jules Grévy lui succède. Il décède le 8 octobre 1893.

3.2.3.2.3. Jules Grévy

Né le 15 août 1807 à Mont-sous-Vaudrey (Jura) Jules Grévy obtient une licence de droit à Paris et devient avocat et plaide le plus souvent contre les monarchistes.

Après la révolution de 1848 il est nommé commissaire de la République dans le Jura puis est élu député du Jura à l’assemblée constituante, puis en 1849 à l'assemblée législative dont il devient vice-président de celle-ci. Le 2 décembre 1851, lors du coup d'État de Napoléon III, il est arrêté, puis, libéré, retourne au barreau. Il est élu en 1868, bâtonnier de l'ordre des avocats.

Il revient à la politique à la fin du second Empire et est élu député de l'opposition en 1868, il siège. Il est hostile à la déclaration de guerre contre l'Allemagne en 1870. En février 1871, il est élu président de l'Assemblée nationale et soutient Thiers lors de l'insurrection de la commune. Il est président de la Chambre des députés à partir de 1876. Républicain modéré, il est une première fois candidat à l'élection présidentielle de 1873.

Le 30 janvier 1879, le président Mac-Mahon démissionne. Le jour même, les parlementaires élisent Jules Grévy à la présidence de la République. Il abandonne l'exercice du droit de dissolution. Les prérogatives constitutionnelles, compromises par Mac-Mahon, sont mises à l'écart, pour préserver la séparation de la fonction de l'exécutif et du législatif. On parle alors de « constitution Grévy », pour l'affaiblissement de l'exécutif au profit d'une république parlementaire. Il s’oppose à Gambetta, au boulangisme naissant, à l'expansion coloniale.

Durant son mandat, sa rivalité avec Gambetta se manifeste dans la mesure où il s'efforce de l'écarter de la présidence du conseil, celui-ci ne siégea que 73 jours au « Grand ministère ». En politique extérieure, il se montre très attaché à la paix, ce qui lui a valu un conflit avec le boulangisme naissant, revanchard contre l'Allemagne. Il s'oppose également à En politique intérieure, il soutient les mesures anticléricales de son ministre Jules Ferry et du président du Conseil Charles de Freycinet.

Grévy est réélu à la présidence de la république en 1885. Mais 1887 éclate le scandale des décorations de l'Ordre de la Légion d'honneur : son gendre, Daniel Wilson est convaincu de trafic d'influence. Les chambres contraignent Grévy à la démission le 2 décembre.

Jules Grévy meurt le 9 septembre 1891 à Mont-sous-Vaudrey. Il reste le symbole de la mise en place des idées républicaines dans les institutions politiques.

Le président Jules Grévy (1879-1887)
Le président Jules Grévy (1879-1887)
3.2.3.2.4. Marie François Sadi Carnot

Marie François Sadi Carnot (1837-1894) est le fils de Lazare Hippolyte Carnot et le petit-fils de Lazare Carnot (le conventionnel dit « le « Grand Carnot »). Il se forme au lycée Condorcet puis à l'École Polytechnique et enfin à l'École des Ponts et Chaussées dont il sort major en 1863. Il devint ingénieur en chef de la Haute-Savoie, où il conçoit et fait construire vers 1874 le système de régulation de la sortie des eaux du lac d'Annecy, communément appelé « les vannes du Thiou ».

Elu député de la Côte-d'Or en 1871, il occupe des postes de haut fonctionnaire, notamment au Conseil supérieur des Ponts et Chaussées, puis il est nommé préfet de la Seine-Inférieure. Suite à la démission de Jules Grévy, mis en cause dans l'affaire des décorations, Sadi Carnot est élu président de la République le 3 décembre 1887. Le début de son mandat est marqué par l'agitation boulangiste et le scandale de l'affaire de Panama (1892).

Le président Marie - François Sadi Carnot (1887-1894)
Le président Marie - François Sadi Carnot (1887-1894)

Particulièrement haï dans les rangs anarchistes pour avoir refusé la grâce d'Auguste Vaillant après l'attentat à la Chambre, et suite au vote de lois relatives à la liberté individuelle et aux délits de presse visant à réprimer l’agitation syndicale et anarchiste, lois qualifiées de scélérates par l'opposition socialiste, Sadi Carnot est assassiné d'un coup de poignard par l'anarchiste italien Sante Caserio le 24 juin 1894, lors de l'Exposition de Lyon. Il meurt des suites de sa blessure le 25 juin 1894 peu après minuit.

Son assassinat fait adopter par la Chambre la dernière et la plus marquante des « lois scélérates », visant uniquement les anarchistes, et leur interdisant tout type de propagande.

Sadi Carnot repose au Panthéon de Paris aux côtés de son grand-père Lazare Carnot. Il est le seul président français qui y soit inhumé.

3.2.3.2.5. Jean Paul Pierre Casimir-Perier

Jean Paul Pierre Casimir-Perier (1847-1907) est le fils d'Auguste Casimir-Perier (1811-1876), ministre de l'Intérieur du gouvernement Thiers, et le petit-fils de Casimir Perier (1777-1832), président du Conseil sous Louis Philippe.

Il entre dans la vie publique comme secrétaire de son père. En 1874 il est élu conseiller général de l'Aube et envoyé à la chambre des députés lors des élections générales de 1876. Malgré la tradition familiale, il rejoignit le groupe des Républicains de gauche et est un des 363 qui s’opposent à Mac Mahon lors de la crise du « Seize-Mai » (1877). Mais il refuse en 1883 de voter l'expulsion des princes d'Orléans et démissionne de son mandat de député quand la loi est promulguée. Il est en effet très lié avec la famille princière.

Le 17 août 1883 il est nommé sous-secrétaire d'État à la guerre, poste qu'il occupe jusqu'au 7 janvier 1885. De 1890 à 1892 il est vice-président de la Chambre, puis président en 1893. Le 3 décembre il devient président du conseil mais démissionne en mai 1894 pour être réélu président de la Chambre.

Le 24 juin 1894, suite à l'assassinat du président Carnot, il est élu président de la République. Mais sa présidence ne dure que six mois. Elle voit l’arrestation et la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus. Casimir-Perier démissionne le 15 janvier 1895. Il est en effet mal à l’aise dans sa fonction, et est choqué par la manière dont l’affaire Dreyfus est « expédiée ». Il est en outre victime d’une violente campagne de diffamation des radicaux au sujet de ses liens avec le « comité des forges »…

Il abandonne complètement la politique et se consacre aux affaires, et revient témoigner lors du jugement de Alfred Dreyfus à Rennes, s’opposant au général Mercier, et prenant la défense de l’accusé.

Le président Jean Casimir-Perier (1894-1895)
Le président Jean Casimir-Perier (1894-1895)
3.2.3.2.6. Félix Faure

Félix Faure (1841–1899) commence sa carrière comme négociant en cuir au Havre. Il entre en politique comme député républicain modéré. Il devient sous-secrétaire d'État aux colonies dans plusieurs cabinets successifs, puis sous-secrétaire d'État à la marine et enfin ministre de la Marine.

Le président Félix Faure (1895-1899)
Le président Félix Faure (1895-1899)

À la suite de la démission de Casimir-Perier, il est élu président de la IIIè République le 17 janvier 1895. Il travaille au rapprochement franco-russe en recevant le tsar Nicolas II et soutient l'expansion coloniale, notamment avec la conquête de Madagascar ; mais les relations avec l'Angleterre restent tendues suite à la crise de Fachoda. C’est surtout l’affaire Dreyfus qui marque son mandat, et c’est à lui qu’est adressé le 13 janvier 1898 le fameux « J’accuse » d’Emile Zola. Mais le président demeure hostile à une révision du procès.

Le 16 février 1899, Félix Faure meurt à l’Elysée d'une congestion cérébrale en présence de sa maîtresse, Marguerite Steinheil : cette mort alimente une énorme rumeur voulant qu’il soit mort dans les bras de sa maîtresse et dont s’empara la plaisanterie populaire et qui vaudra quelques formules célèbres de Clemenceau, qui ne l’aimait pas :

Il voulait être César, il ne fut que Pompée ! En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ! Ça ne fait pas un français en moins, mais une place à prendre !
3.2.3.2.7. Émile Loubet

Émile Loubet (1838-1929), avocat au barreau de Montélimar, fait la connaissance de Léon Gambetta et entre à sa suite en politique : c’est un républicain modéré. Maire de Montélimar, il est élu député le 20 février 1876 et fait partie des 363 députés du "Bloc des Gauches" qui votent la défiance au gouvernement d'ordre moral du Duc de Broglie le 17 juin 1877. La Chambre est dissoute par le Président Mac Mahon. Loubet est sanctionné et perd sa charge de maire.

En 1885 il est élu au Sénat et devient rapidement un acteur majeur de la gauche républicaine. Il est nommé Secrétaire de la Chambre Haute, puis intègre la Commission des Finances en tant que rapporteur général du budget.

Il est ministre des Travaux Publics dans le premier gouvernement de Pierre Tirard de décembre 1887 à avril 1888. Deux ans plus tard, le Président Sadi Carnot lui confie la présidence du Conseil (février – novembre 1892) mais son gouvernement est emporté par le scandale de Panama.

Le 1er janvier 1896, Émile Loubet devient le président du Sénat. La mort subite du président Faure ouvre la course à la Présidence en pleine affaire Dreyfus : à droite les antidreyfusards, à gauche les dreyfusards. Émile Loubet représente ces derniers face à Jules Méline, l’auteur du fameux mot « il n'y a pas d'affaire Dreyfus ».

Le président Emile Loubet (1899-1906
Le président Emile Loubet (1899-1906

Émile Loubet, avec le soutien de Clemenceau, est élu Président de la République par le Congrès réuni à Versailles le 18 février 1899 par 483 voix contre 279 à Jules Méline. Immédiatement, Paul Déroulède tente sans succès de faire un coup d'État pour renverser la Troisième République et Loubet est agressé par le baron Christiani à Auteuil en juin 1899. Christiani est condamné à 10 ans de prison ferme.

La présidence de Loubet sera l'une des plus stables de la Troisième République, avec seulement 4 présidents du Conseil à Matignon : Charles Dupuy, Pierre Waldeck-Rousseau, Émile Combes et Maurice Rouvier. Le septennat d'Émile Loubet se passe dans le respect de la tradition républicaine et est marqué par quelques temps forts : grâce du Capitaine Dreyfus, promulgation de la loi sur les associations et surtout loi sur la séparation des Églises et de l'État. Strictement neutre en politique intérieure, Loubet s’implique dans les affaires extérieures, principalement dans la mise en oeuvre de l’Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne.

À la fin de son mandat présidentiel, Loubet se retire de la vie politique.

3.2.3.2.8. Clément Armand Fallières

Clément Armand Fallières (1841-1931) est issu d'une famille modeste, avec un grand-père forgeron et un père arpenteur-géomètre et huissier de justice. Après des études de droit à Toulouse et Paris, il devient avocat à Nérac, dont il devient maire en 1871, entrant également au Conseil Général de Lot-et-Garonne.

En 1876 il est élu député du Lot-et-Garonne à l'Assemblée Nationale et siège parmi les républicains de gauche. Le 18 mai 1877 il vote la motion de censure contre le duc de Broglie, mais après la dissolution du parlement par Mac-Mahon il retrouve son siège.

En mai 1880, il devient secrétaire d'État à l'Intérieur dans le cabinet Jules Ferry puis ministre de l'intérieur du 7 août 1882 au 29 janvier 1883, chargé notamment des Cultes.

Le 18 février 1906, il est élu 8è président de la République face à Paul Doumer et succède à Émile Loubet. Au cours de sa présidence il travaille au renforcement de la Triple Entente et, en 1908, se rend en visite au Royaume-Uni ; en mai 1911 il est en Belgique et en juillet de la même année aux Pays-Bas ; ces deux visites d'État ont lieu au moment de la seconde crise marocaine (Coup de force d'Agadir), alors que les troupes françaises avaient commencé à occuper le Maroc.

En 1912, il instaure l'isoloir qui permet d'organiser les votes secrets. Opposé à la peine de mort, il gracie systématiquement les condamnés à la peine capitale. En 1913, à la fin de son mandat, il se retire de la vie politique. Il décède le 22 juin 1931.

Le président Armand Fallières (1906-1913)
Le président Armand Fallières (1906-1913)
3.2.3.2.9. Raymond Poincaré

Raymond Poincaré (1860-1934), fils de polytechnicien et avocat célèbre à Paris, cousin du mathématicien Henri Poincaré, entre en politique en devenant directeur de cabinet au Ministère de l'Agriculture en 1886. Il est ensuite élu conseiller général puis député de la Meuse en 1887. Il se forge une réputation d'homme politique modéré et conciliant et s’impose rapidement à la chambre.

Il devient ministre de l'instruction publique sous Dupuy en 1893, ministre des finances en 1894-1895 après la victoire des modérés, et de nouveau ministre de l'instruction publique en 1895. Partisan d’une laïcité dégagée d’anticléricalisme, ce leader de la droite républicaine se heurte bientôt aux radicaux et aux socialistes. Durant l’affaire Dreyfus, il est d’abord opportuniste, privilégiant la raison d'État sur toute autre considération ; il se rallie finalement au camp dreyfusard, plus par légalisme que par conviction. Il s’oppose à la politique de Waldeck-Rousseau et çà celle d’Émile Combes. Il préfère le Sénat à la Chambre où il représente la Meuse entre 1903 et 1913 puis entre 1920 et 1934. En 1909, il sera élu à l’Académie française.

Le président Raymond Poincaré (1913-1920)
Le président Raymond Poincaré (1913-1920)

Il est élu président de la République française le 18 février 1913 : dans une période marquée par la Première Guerre mondiale il est l'artisan de l'Union Sacrée politique et sociale, aux côtés de René Viviani et Georges Clemenceau. Du 13 au 23 juillet 1914, il effectue un voyage officiel en Russie pour renforcer les alliances deux semaines après l'attentat de Sarajevo. Le 4 août, son message est communiqué aux Chambres par Viviani : la France « sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée ».

Il n'hésite pas, parfois au péril de sa vie, à se rendre au front afin de juger du moral des troupes et des populations déplacées. Mais, après la nomination de Clemenceau comme président du Conseil en 1917, son rôle devient plus discret.

Son mandat s’achève le 17 février 1920. Il se fait élire sénateur de la Meuse, accepte de redevenir président du conseil à la place d'Aristide Briand dont le président Alexandre Millerand désapprouve la politique étrangère. Face à l’Allemagne qui refuse de payer les « réparations de guerre », il emploie la force et fait occuper la Ruhr. Mais sa politique de rigueur budgétaire le rend impopulaire et il démissionne en 1924 après la victoire du Cartel des gauches.

Rappelé en 1926 il forme alors un ministère d’union pour faire face à la crise financière. Il conserve Briand aux Affaires Étrangères, revient à une politique d’austérité financière et remplace le franc Germinal par le franc Poincaré. Mais malade et fatigué, il démissionne et se retire de la scène publique en 1929. Il meurt à Paris en 1934.

3.2.3.2.10. Paul Deschanel

Paul Deschanel (1855-1922) naît en Belgique où son père, républicain, s’est exilé. Il suit des études littéraires et est nommé en 1877 sous-préfet de Dreux. Quelques années plus tard, il est élu député d'Eure-et-Loir, mandat qu'il conserve jusqu'en 1919. Rapidement, il se fait remarquer par ses prises de position progressistes, aux côtés de Raymond Poincaré, dont il partage en partie le destin. Son aura et ses qualités d'homme consensuel se tenant à l'écart des scandales et des crises diverses lui permettent d'accéder à deux reprises à la présidence de l'Assemblée Nationale, de 1898 à 1902, puis de 1912 à 1920. En 1899, il est élu à l'Académie française.

Après l'armistice, les opposants à Clemenceau se regroupent autour de son nom, et le 18 janvier 1920, Deschanel est élu président de la République à la place du « Tigre » dont il ruine ainsi l'ultime ambition. Très vite, le nouveau Président surprend par son style peu conventionnel. Son attitude intrigue, dérange et commence à inquiéter le monde politique. Mais très vite aussi ses projets de réformes sont un à un réduits à néant. Il fait l'apprentissage de l'impuissance du Président face au régime parlementaire de la Troisième République. Désabusé, fatigué, il se définit lui-même comme un « rouage inerte » de la république...

Au cours d'un voyage en train à destination de Montbrison, le 23 mai 1920 vers 23 h 15, s'étant penché par la fenêtre de son compartiment alors qu'il éprouvait une sensation d'étouffement, Paul Deschanel chute accidentellement du train roulant heureusement à faible allure. L'incident donne lieu dans la presse de l'époque à de nombreuses caricatures, souvent cruelles, et inspire la verve des chansonniers. Suite à cet incident, il veut démissionner, mais Alexandre Millerand, président du Conseil, l’en dissuade.

Mais le 21 septembre 1920, c'est un Paul Deschanel fatigué, désabusé et miné par la calomnie qui donne sa démission, cette fois-ci acceptée. Après un trimestre de repos, il reprend une activité politique. Le 9 janvier 1921, il est élu sénateur d'Eure-et-Loir. Les personnes qui le côtoient à cette époque ne relèvent pas le moindre signe de démence. C'est un homme en pleine possession de ses moyens intellectuels qui commence une seconde carrière : il est élu à la présidence de la commission des Affaires étrangères du Sénat en janvier 1922, lorsque Raymond Poincaré, qui occupait le poste depuis son propre départ de la présidence de la République, est pressenti pour devenir président du Conseil. Mais il meurt subitement le 28 avril 1922, victime d'une pleurésie.

Deschanel n'est visiblement pas le président fou que l'on croit. Si on détecte chez lui un désir de fuite dans le travail, une sur-occupation, une angoisse de déplaire, ces éléments sont tous d'ordre névrotique mais ne peuvent être considérés comme maniaques. Il aspira longtemps à une carrière artistique (écrivain et comédien) et ses discours, tous fameux, trahissent un besoin de séduction et une inclination nette au théâtralisme.

Le président Paul Deschanel (1920-1920)
Le président Paul Deschanel (1920-1920)
3.2.3.2.11. Etienne Alexandre Millerand

Etienne Alexandre Millerand (1859-1943), licencié en droit, s'inscrit au barreau de Paris en 1881 et devient un important avocat d'affaires. Il entame parallèlement une carrière de journaliste et collabore notamment au journal de Clemenceau, « la Justice », et une carrière d'homme politique.

Élu député de la Seine en 1885, il siège à l'extrême gauche et sera réélu sans interruption jusqu'en 1919. Il fait signer les « décrets Millerand » qui règlementent et réduisent le temps de travail tout en garantissant un temps de repos hebdomadaire. Parce qu'il préconise en 1892 la nationalisation de toutes les mines, son entrée au gouvernement en 1899 suscite la désapprobation de Jules Guesde et Rosa Luxemburg au sein de l’Internationale.

Le président Alexandre Millerand (1920-1924)
Le président Alexandre Millerand (1920-1924)

Mais il devient patriote à partir de 1914, et créa la Fédération des gauches puis la Ligue républicaine nationale. Sa carrière politique culmine en 1920 : il est nommé président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, puis élu à la présidence de la République le 23 septembre, après la démission de Paul Deschanel.

Mais il connaît rapidement des relations difficiles avec les Présidents du Conseil successifs en raison de son intention d'appliquer la constitution à la lettre, qui de fait donne une importance réelle au Chef de l'État. Il se heurte au refus du Président du Conseil, Raymond Poincaré, de soumettre une réforme de la Constitution en 1923. Mais c'est avec le Président du Conseil Aristide Briand que les relations sont les plus difficiles : Briand soutient la politique de la main tendue à l'Allemagne alors que Millerand est partisan de la fermeté, notamment face aux réparations.

Alexandre Millerand s'implique dans son discours d'Evreux en 1923 dans la politique intérieure du pays : le Cartel des gauches, qui gagne la Chambre des Députés en 1924, ne peut tolérer cela et demande sa démission. Il refuse, rien ne l’y obligeant ; pire : il nomme un Président du Conseil de son choix hors de la Chambre. La droite nationaliste lui propose alors de faire un coup d'État, mais il s'y refuse. Pris entre deux feux, il présente sa démission le 11 juin 1924 dans une lettre aux deux Chambres avec ces simples  mots: « Monsieur le Président [du Sénat], j'ai l'honneur de vous présenter ma démission de Président de la République ».

Sénateur de l’orne jusqu’en 1935, il se retire alors de la vie politique.

3.2.3.2.12. Pierre Paul Henri Gaston Doumergue
Le président Gaston Doumergue (1924-1931
Le président Gaston Doumergue (1924-1931

Pierre Paul Henri Gaston Doumergue (1863-1937), est issu d'une famille protestante. Après une licence et un doctorat de droit à Paris, il s'inscrit en 1885 au barreau de Nîmes puis est Juge de paix à Alger. En 1893 il est élu député radical de Nîmes. Sous la présidence d'Emile Loubet, il est ministre des Colonies (7 juin 1902-23 janvier 1905) dans le gouvernement Combes, puis ministre sans interruption de 1906 à 1910. Du 9 décembre 1913 au 8 juin 1914, il est président du Conseil et ministre des Affaires étrangères à la demande du président Poincaré. Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il est à nouveau ministre des Affaires étrangères (août 1914), puis ministre des Colonies (26 août 1914-19 mars 1917).

Le 13 juin 1924 il est élu à la présidence de la République, au grand dam de la gauche, qui avait obligé Alexandre Millerand à démissionner et espère porter Paul Painlevé à la présidence. Doumergue se déclare partisan d'une politique de fermeté vis-à-vis de l'Allemagne face au nationalisme renaissant. Mais une très forte instabilité ministérielle pourrit littéralement son septennat qui s’achève le 13 juin 1931.

Extrêmement populaire il redevient président du Conseil après les événements sanglants du 6 février 1934, pour former un gouvernement d'union nationale où se côtoient André Tardieu et Édouard Herriot. Mais c’est un échec. Affaibli par l'assassinat de Louis Barth'>Barthou, le 9 octobre, il démissionne peu après, le 8 novembre.

3.2.3.2.13. Paul Doumer

Joseph Athanase Paul Doumer (1857-1932) fils de cheminot, devient coursier à 12 ans puis ouvrier graveur. Elève du Conservatoire National des Arts et Métiers, il obtient une licence de mathématiques (1877) et une licence en droit (1878). En 1888, il devient député radical de Laon, puis d'Auxerre en 1891. Du 1er novembre 1895 au 23 avril 1896 il est ministre des finances dans le gouvernement de Léon Bourgeois, sous la présidence de Félix Faure.

Le président Paul Doumer (1931-1932
Le président Paul Doumer (1931-1932

Entre 1897 et 1902 il est Gouverneur général de l'Indochine : il est un ardent défenseur de la construction du chemin de fer Trans-indochinois et base le gouvernement colonial à Hanoi. Il fait construire un premier sanatorium à Dalat, fait acclimater l'hévéa et créer le port de Haiphong. Hanoi devient la première ville d'Asie à avoir l'électricité, Doumer étant un des premiers administrateurs de la Compagnie Générale d'Electricité.

Le 13 mai 1931 il est élu à la présidence de la République après une candidature infructueuse en 1906. Il soutient le Cartel des gauches, au sein duquel il représente le secrétaire général du parti Radical. Le prestige retiré du sacrifice patriotique de ses quatre fils morts pour la France du fait de la Grande Guerre fut un atout essentiel dans l'élévation de Paul Doumer à la présidence de la République.

Le 6 mai 1932 il est victime d’une tentative d'assassinat à Paris par un émigré russe : Paul Gorgulov. Il meurt des suites de ses blessures le 7 mai 1932 à 4 heures 37 du matin.

3.2.3.2.14. Albert Lebrun
Le président Albert Lebrun (1932-1940)
Le président Albert Lebrun (1932-1940)

Fils d'un agriculteur, Albert Lebrun (1871-1950) entre à Polytechnique dont il sort premier, puis à l'École des Mines dont il sort également premier en 1896. Ingénieur des mines à Vesoul puis à Nancy, il est conseiller général d'Audun-le-Roman en 1898. Il est élu député de Briey de 1900 à 1920 (avec une interruption pour partir au front à Verdun comme commandant d'artillerie en août 1914), puis Sénateur de 1920 à 1932. Il devient en 1906 président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, poste qu’il occupe jusqu'en 1932. Il est président ou rapporteur général d'importantes commissions (budget, armée, colonies) dans les deux chambres. Catholique pratiquant, il vote la loi de séparation de l'Église et de l'État mais s'oppose à ses mesures les plus répressives.

Ministre des Colonies dans les gouvernements Caillaux, Poincaré et Doumergue (1911-1914), Lebrun se passionne pour le monde des colonies dont il reste l'un des référents dans l'entre-deux-guerres. Il joue un rôle important dans le coup de force d'Agadir (1er juillet 1911), préférant céder une partie du Congo à l'Allemagne pour gagner en échange un protectorat au Maroc et éviter un conflit. Ministre de la Guerre quelques jours en janvier 1913, il participe activement à la reconstruction de la France en 1917-1919, comme ministre du Blocus puis des « régions libérées » dans les gouvernements Clemenceau, mettant en œuvre son goût prononcé pour l'économie et sa vocation première d'ingénieur. Marqué par la guerre de 1914-1918, il demande résolument que l'Allemagne paie ses dettes.

Dans les années 1920, il représente la France à la Société des Nations. Il participe avec son ami et compatriote Raymond Poincaré au redressement du franc. Il est élu président du Sénat en 1931 contre Jeanneney.

Le 10 mai 1932, après l'assassinat de Paul Doumer, il est élu président de la République, puis réélu le 5 avril 1939, avant que la nouvelle Chambre des Députés, qui vient d'être renouvelée, ait pris officiellement ses fonctions ; c'est ainsi que de nombreux députés battus participent au vote : il est élu par une Chambre de droite alors que la gauche va emporter les législatives. Sa fonction l'oblige à subir une présidence qui lui laisse en fait peu de marge de manœuvre pour intervenir dans le débat politique. Il voit monter le péril nazi et soutient les propositions de réforme. En 1934, pour surmonter la crise du 6 février, il nomme l'ancien président Gaston Doumergue à la présidence du Conseil. En 1936, opposé au Front populaire, il accepte néanmoins de nommer le chef de la majorité, Léon Blum, à la présidence du Conseil et signe « la mort dans l'âme » les grands textes de cette majorité politique.

En 1940, avec Paul Reynaud, il est partisan du départ pour l'Afrique du Nord et s’oppose à l'armistice. Il est cependant conduit à appeler le maréchal Pétain à la présidence du Conseil et le met en garde, en vain, contre l'influence néfaste de Pierre Laval. Il refuse de démissionner, obligeant ainsi Pétain à le contourner par le vote des pleins pouvoirs, le 10 juillet 1940. Il se retire alors à Vizille. Hitler le fait enlever par la Gestapo ; envoyé en Autriche de septembre à octobre 1943, il y retrouve de nombreux hommes politiques également pris en otage. Lorsque sa santé se dégrade il est renvoyé en France.

En 1945, il demande en vain à transmettre le pouvoir aux nouvelles autorités, en tant que président de la République élu jusqu'en 1946. Après la guerre, il donne des conférences sur la Troisième République ou la sidérurgie. Il meurt en 1950.

3.2.3.3. Le gouvernement des Modérés : 1879-1899

3.2.3.3.1. Les groupes politiques
  • Les conservateurs (royalistes plus ou moins ralliés à la république). Ils sont de moins en moins représentés au fil des élections ;
  • Les socialistes sont de plus en plus nombreux à partir de 1879, mais seront toujours minoritaires ;
  • Les républicains sont les plus nombreux : ils se divisent en « Radicaux » qui demandent l’application immédiate en totale de la constitution (Clemenceau, 1841-1929) et en « Modérés » ou opportunistes qui veulent une application progressive et représentent la bourgeoisie libérale et les classes moyennes. Ces opportunistes seront au pouvoir jusqu’en 1899 avec Léon Gambetta (président du conseil entre 1881 et 1882), Jules Grévy (président de la république entre 1879 et 1887), Jules Ferry…
Léon Gambetta par Léon Bonnat
Léon Gambetta par Léon Bonnat
Jules Ferry (1832-1893)
Jules Ferry (1832-1893)
3.2.3.3.2. L’œuvre des modérés

Les modérés votent la liberté de presse et d’association (syndicats), limitent l’influence de l’Eglise au profit de la Patrie (Laïcité) et réalisent une œuvre scolaire considérable (école laïque, gratuite et obligatoire, formation d’un corps d’enseignants « les hussards noirs de la république », création des écoles normales…) ainsi qu’un politique d’expansion coloniale importante.

3.2.3.3.3. Les oppositions

Mais les modérés rencontrent tout au long de ces années de nombreuses difficultés et beaucoup d’opposition :

  • Les radicaux et les nationalistes leur reprochent leur politique coloniale coûteuse et leur peu d’esprit de « revanche » sur l’Allemagne après 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine…
  • Les catholiques leur reprochent leur politique scolaire et laïque violemment antireligieuse…
  • Les conservateurs leur reprochent leur politique trop démocratique…
  • Les classes populaires souffrent de la crise économique entre 1873 et 1893…
Jean Joseph Weerts : « France ! » ou l’Alsace et la Lorraine désespérées. 1906. Huile sur toile. Nancy, musée de Lorraine. La question d’Alsace Lorraine reste une obsession lancinante pour la classe politique française entre 1870 et 1914… Non sans arrières pensées partisanes ou carriéristes
Jean Joseph Weerts : « France ! » ou l’Alsace et la Lorraine désespérées. 1906. Huile sur toile. Nancy, musée de Lorraine. La question d’Alsace Lorraine reste une obsession lancinante pour la classe politique française entre 1870 et 1914… Non sans arrières pensées partisanes ou carriéristes
3.2.3.3.4. Les crises

Cette opposition est marquée par quelques crises sérieuses qui ébranlent le régime modéré :

3.2.3.3.4.1. Le scandale des décorations : 1887-1888

Le 7 octobre 1887 la presse dévoile un trafic de décorations mis en place par Daniel Wilson (1840-1919), gendre du président de la République Jules Grévy et député d'Indre-et-Loire : Wilson a revendu depuis un bureau de l'Élysée des milliers de décorations, dont des croix de la Légion d'honneur pour 25 000 Francs de l'époque, dans le but, entre autres, de subventionner des journaux de province. Parmi ses complices, le général Caffarel (1829-1907), accusé par ailleurs de trafic d’influence pour l’attribution de marchés militaires…

La rue, les journalistes, les politiciens entre alors dans la danse. Georges Clemenceau et Jules Ferry s'acharnent sur le président Jules Grévy et finalement le poussent à la démission après un vote du parlement.

Daniel Wilson, protégé par son immunité parlementaire, siège crânement dans l'hémicycle. Il finit par être condamné à deux ans de prison le 23 février 1888, mais est acquitté en appel, la procédure ayant été déclarée nulle. Wilson revient siéger à l'assemblée, indifférent aux quolibets et à l'opprobre de ses collègues. Il sera réélu en 1893 et en 1896.

Quant à Caffarel, un conseil d'enquête présidé par le général Saussier le 12 octobre 1887 se prononce à l'unanimité sur sa culpabilité. Il est privé de ses décorations et mis d'office à la retraite pour « fautes contre l'honneur ». Sa carrière militaire s'achève. Il décède en août 1907.

Le gouvernement, mais aussi le parlement sont totalement discrédités par l’opinion. L’affaire Boulanger n’est pas loin…

Georges Clemenceau à la tribune
Georges Clemenceau à la tribune
 Daniel Wilson, deux de ses filles et son beau-père Jules Grévy (à droite) en 188
Daniel Wilson, deux de ses filles et son beau-père Jules Grévy (à droite) en 188
 Le général Louis Charles Caffarel
Le général Louis Charles Caffarel
3.2.3.3.4.2. L’affaire Boulanger : 1889

Né à Rennes en 1837, officier brillant et ambitieux sorti du peuple, Georges Boulanger est nommé en 1886 ministre de la Guerre au cabinet Freycinet. Il affiche un ultranationalisme qui le fait surnommer le « général La Revanche ». Il se rend très populaire par des mesures qui améliorent la vie des soldats et défend l'égalité républicaine en matière de service militaire (« les curés sac au dos ») : modernisation de l'armement, améliorations des conditions de vie des soldats, radiation des cadres de l'armée des membres de famille ayant régné sur la France…

Soutenu par la ligue des Patriotes, Boulanger cristallise la fièvre patriotique. Il abandonne son portefeuille ministériel à la chute du cabinet Goblet (1887), mais l'engouement persistant qu'il suscite agace et inquiète le gouvernement, qui l'écarte en l'envoyant à Clermont-Ferrand. La foule, massée à la gare de Lyon, tente d'empêcher son départ.

Eclate alors le scandale des décorations sui provoque la démission du président Jules Grévy et affaiblit considérablement le pouvoir. Dans le même temps, plusieurs manquements de Boulanger à ses obligations militaires entraînent sa mise à la retraite. Devenu éligible, Boulanger groupe autour de sa personne une coalition hétéroclite, sorte de « syndicat des mécontents », qui allait de l'extrême gauche radicale (avec Rochefort) aux bonapartistes et aux monarchistes.

Boulanger, dont le programme tient dans la formule : « dissolution, révision, Constituante », parvient par un double jeu périlleux, à concilier l'inconciliable, pour bénéficier du soutien financier des uns (la duchesse d'Uzès, monarchiste), de la logistique des autres (la Ligue des patriotes de Déroulède) et des voix de tous. Il vole de succès électoral en succès électoral, remportant notamment un siège parisien le 27 janvier 1889. Au soir de cette victoire, ses partisans les plus fiévreux (Déroulède, Rochefort) le pressent de tenter un coup d'Etat et de marcher sur l'Élysée. Boulanger refuse, à la fois par pusillanimité, et par légalisme républicain. Pour lui, la conquête du pouvoir passe par les urnes. La déception est grande dans les rangs boulangistes.

Le gouvernement se ressaisit, interdit les candidatures multiples et met Boulanger et deux de ses principaux soutiens, Rochefort et Dillon, en accusation d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Menacé d'arrestation, le général abandonne ses fidèles pour fuir avec sa maîtresse, Marguerite de Bonnemains, à Bruxelles, puis à Londres. Le 12 avril 1889, le Sénat, réuni en Haute Cour, ordonne l'instruction du procès. Le 14, la Haute Cour les reconnaît coupables de « complot et d'attentat pour changer la forme du gouvernement » et les condamne par contumace à la déportation. Cette condamnation et la défaite électorale de septembre 1889 sonnent le glas du boulangisme. En juillet 1891, Marguerite décède à Bruxelles et Boulanger se suicide sur sa tombe deux mois plus tard.

L'affaire Boulanger est en fait la confluence de deux courants : l’un, parisien, démocratique et populaire, l’autre, provincial et conservateur, qui espérait un coup d'État préludant à une restauration monarchiste. Ces deux courants sont totalement antinomiques, mais ils ont un fonds commun : l'antiparlementarisme et un patriotisme militariste et cocardier.

La naissance de ce « parti national », violemment opposé au régime en place au nom des intérêts suprêmes de la patrie, constitue un moment décisif dans la vie politique française, où les valeurs patriotiques passent d'une gauche jacobine à une droite nationaliste.

Le général Georges Boulanger (1837-1891)
Le général Georges Boulanger (1837-1891)
 « Boulanger Ier, empereur ». Caricature du « Grelot », 29 mai 1897
« Boulanger Ier, empereur ». Caricature du « Grelot », 29 mai 1897
 « Le général Boulanger à l’assaut de la Bastille parlementaire ». Affiche de propagande boulangiste, 1897
« Le général Boulanger à l’assaut de la Bastille parlementaire ». Affiche de propagande boulangiste, 1897
3.2.3.3.4.3. Le scandale de Panama

En 1878, la Colombie octroie à la France, dans l'isthme de Panama, le percement d’un canal inter océanique. Ferdinand de Lesseps, créateur du canal de Suez en 1869, est chargé de la réalisation du projet. Lesseps crée une société anonyme, la « Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama » pour rassembler les fonds nécessaires et conduire le projet. Les travaux débutent en 1881. Mais rapidement les obstacles techniques et climatiques (pluies, malaria, fièvre jaune…) mettent la compagnie de Panama en difficulté et la contraignent à faire appel à l'épargne française, après la défection de quelques banques.

L'emprunt est confié à de grands financiers comme Cornélius Hertz ou le baron Jacques de Reinach. En 1887, la moitié du percement est effectuée mais le projet a déjà coûté 1400 millions de francs. Lesseps cache aux journalistes les énormes difficultés rencontrées par le percement et les corrompt en utilisant une partie de l’argent emprunté. Puis, en 1888, toujours à cours d'argent, la compagnie tente d'obtenir l'autorisation d'émettre un emprunt à lots (une loterie récompensant certains épargnants) par lequel le vote d'une loi est nécessaire. Le suffrage d'une partie des parlementaires et l'appui de certains journaux sont alors obtenus par corruption (4 millions de francs sont ainsi détournés).

De plus, le choix technique primitif se révèle un échec : Lesseps fait alors appel à l'ingénieur Gustave Eiffel pour concevoir un canal à écluses. L’affaire se révèle un gouffre financier, et l'emprunt ne peut empêcher la faillite de la compagnie de Panama le 4 février 1889, provoquant la ruine de 85 000 souscripteurs. Les travaux seront confiés aux USA en 1903. Une instruction judiciaire s'ouvre en 1891.

Le scandale est rendu public en 1892 lorsque la « Libre parole » d'Édouard Drumont et la presse boulangiste dénoncent les députés compromis. Le 20 novembre 1892, le baron de Reinach meurt subitement : une commission d'enquête parlementaire est ouverte et l'autopsie demandée. La campagne contre « les chéquards », les révélations successives compromettant des députés tels que Maurice Rouvier, Charles Floquet et surtout Georges Clemenceau entraînent une crise ministérielle.

En 1893, le procès contre les administrateurs aboutit à un verdict léger : parmi les parlementaires, seul le ministre des travaux publics Charles Baihart est condamné à cinq ans de détention. Ferdinand de Lesseps, sont Fils Charles et Gustave Eiffel sont condamnés, mais échappent à la prison grâce à une prescription. Gustave Eiffel sera finalement réhabilité par une enquête qui montrera qu'il n'était pas impliqué dans les malversations.

La révélation de la corruption des députés frappe plus l'opinion que celle de la vénalité de la presse. Si le scandale de Panama n'ébranle pas la république comme l'auraient souhaité les boulangistes, il laisse cependant des traces profondes : aux élections de 1893, Clemenceau n’est pas réélu. Surtout, le scandale favorise un mouvement d'opinion antiparlementaire, anticapitaliste et violemment antisémite, dénonçant la finance juive. L'attention soupçonneuse portée par l'opinion aux liens entre monde des affaires et le parlement va demeurer un trait caractéristique de la vie politique française.

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« La république se lave de ses scandales. » Affiche du « Petit Journal » du 23 février 1893, après les « affaires » des décorations et de Panama… Mais le pire est à venir avec l’affaire Dreyfus
« La république se lave de ses scandales. » Affiche du « Petit Journal » du 23 février 1893, après les « affaires » des décorations et de Panama… Mais le pire est à venir avec l’affaire Dreyfus
Ferdinand, comte de Lesseps (1805-1894) surnommé « Le Grand Français 
Ferdinand, comte de Lesseps (1805-1894) surnommé « Le Grand Français 
Alexandre Gustave Bönickhausen dit Eiffel (1832-1923)
Alexandre Gustave Bönickhausen dit Eiffel (1832-1923)
Le procès du Panama en cour d’assises. Le banc des accusés. L’Illustration, 18 mars 1893
Le procès du Panama en cour d’assises. Le banc des accusés. L’Illustration, 18 mars 1893
3.2.3.3.4.4. Les attentats du mouvement anarchiste

La crise anarchiste, comme la crise boulangiste et l'affaire Dreyfus, est liée à ce climat d'instabilité économique (due au krach de Vienne), sociale et puis politique. Cette conjoncture défavorable contribue, tout comme le scandale de Panama, à la montée de l'antiparlementarisme.

Le 14 juillet 1881 au Congrès de Londres, les militants anarchistes réunis se décident à passer à l'action contre la société bourgeoise détestée. Leur credo, ce qu'il nomme maintenant la « propagande par le fait ». Délaissant à présent l'éducation des masses laborieuses et la propagande, ils se décident à recourir à l'acte terroriste. Mais les passages à l’acte ne se font en France qu’à partir de 1892.

Entre 1892 et 1894 la France est secouée par de nombreux attentats : François Ravachol (1859-1892) dynamite les immeubles où résident les magistrats qui jugent alors des militants libertaires (mars 1892) ; Auguste Vaillant lance un « machine infernale » au milieu des députés de l'Assemblée nationale le 9 décembre 1893 (il sera exécuté le 3 février 1894) ; Emile Henry fait sauter le commissariat de Carmaux le 8 novembre 1892 (il est guillotiné le 21 mai 1894) ; Jéronimo Caserio assassine Sadi Carnot, le président de la république, le 24 juin 1894 à Lyon…

Face à cette tentative de déstabilisation de la société, le gouvernement de Jean Casimir-Perier réagit et édicte du 11 au 18 décembre 1893 ce que les anarchistes nommeront les « lois scélérates ». Punissant l'apologie au crime et restreignant la liberté de la presse, la détention d'armes explosives ou les associations de malfaiteurs, celles-ci obtiennent rapidement leur effet. D'autant plus que dans la société de l'époque comme parmi les milieux libertaires, les derniers attentats recueillent un écho particulièrement négatif auprès de l'opinion. Cette stratégie de la terreur écœure, dégoûte et donc décrédibilise l'idéal anarchiste.

François Claudius Königstein, dit Ravachol (1859-1892) par Bertillon (1871
François Claudius Königstein, dit Ravachol (1859-1892) par Bertillon (1871
L’arrestation de Ravachol. Le Petit Journal, 16 avril 1892
L'arrestation de Ravachol. Le Petit Journal, 16 avril 1892
Auguste Vaillant lance une bombe dans la tribune de la chambre des députés le 9 décembre 1893. Il sera guillotiné le 3 février 1894
Auguste Vaillant lance une bombe dans la tribune de la chambre des députés le 9 décembre 1893. Il sera guillotiné le 3 février 1894
Le 24 juin 1894, Sante Geronimo Caserio (1873-1894) poignarde mortellement le président Carnot durant un défilé. Condamné à mort par la cour d’assises du Rhône le 3 août, il est guillotiné le 16 août suivant
Le 24 juin 1894, Sante Geronimo Caserio (1873-1894) poignarde mortellement le président Carnot durant un défilé. Condamné à mort par la cour d'assises du Rhône le 3 août, il est guillotiné le 16 août suivant
3.2.3.3.4.5. L’affaire Dreyfus

Fin 1894, le capitaine de l'armée française Alfred Dreyfus, polytechnicien, juif d'origine alsacienne, accusé d'avoir livré aux Allemands des documents secrets, est condamné au bagne à vie pour trahison et déporté sur l'île du Diable. L'opinion et la classe politique françaises sont unanimement défavorables à Dreyfus.

La famille du capitaine, derrière son frère Mathieu, tente de prouver son innocence et engage le journaliste Bernard Lazare. Parallèlement, le colonel Georges Picquart, chef du contre-espionnage, constate en mars 1896 que le vrai traître est le commandant Ferdinand Walsin Esterházy. L'État-major refuse pourtant de revenir sur son jugement et affecte Picquart en Afrique du Nord.

Afin d'attirer l'attention sur la fragilité des preuves contre Dreyfus, sa famille contacte en juillet 1897 le respecté président du Sénat Auguste Scheurer-Kestner qui fait savoir, trois mois plus tard, qu'il a acquis la conviction de l'innocence de Dreyfus, et qui en persuade également Georges Clemenceau, ancien député et alors simple journaliste. Le même mois, Mathieu Dreyfus porte plainte auprès du ministère de la Guerre contre Esterházy. Alors que le cercle des dreyfusards s'élargit, deux événements quasi simultanés donnent en janvier 1898 une dimension nationale à l'affaire : Esterházy est acquitté sous les acclamations des conservateurs et des nationalistes ; Émile Zola publie « J'accuse », plaidoyer dreyfusard qui entraîne le ralliement de nombreux intellectuels. La France est divisée en deux : les « Dreyfusards » (plutôt à gauche) et les « anti dreyfusards » (plutôt à droite, catholiques et nationalistes conservateurs…). Des émeutes antisémites éclatent dans plus de vingt villes françaises. On dénombre plusieurs morts à Alger. La République est ébranlée, certains la voient même en péril, ce qui incite à en finir avec l’affaire Dreyfus pour ramener le calme.

L’affaire Dreyfus : le célèbre article « J’accuse » d’Émile Zola publié dans le journal L’Aurore du 13 janvier 1898 sous forme d’une lettre ouverte au Président de la République Félix Faure. Il s’est inspiré d’un dossier écrit en 1896 par l’écrivain Bernard Lazare. L’article paraît deux jours après l’acquittement d’Esterhazy par le conseil de guerre
L’affaire Dreyfus : le célèbre article « J'accuse » d’Émile Zola publié dans le journal L'Aurore du 13 janvier 1898 sous forme d'une lettre ouverte au Président de la République Félix Faure. Il s'est inspiré d'un dossier écrit en 1896 par l'écrivain Bernard Lazare. L’article paraît deux jours après l’acquittement d’Esterhazy par le conseil de guerre

Malgré les menées de l'armée pour étouffer l’affaire, le premier jugement condamnant Dreyfus est cassé par la Cour de cassation au terme d'une enquête minutieuse, et un nouveau conseil de guerre a lieu à Rennes en 1899. Contre toute attente, Dreyfus est condamné une nouvelle fois à dix ans de travaux forcés, avec toutefois circonstances atténuantes. Ce n'est qu'en 1906 que son innocence est officiellement reconnue au travers d'un arrêt sans renvoi de la Cour de cassation. Réhabilité, le capitaine Dreyfus est réintégré dans l'armée au grade de commandant et participe à la Première Guerre mondiale. Il décède en 1935.

Les conséquences de cette affaire sont innombrables et touchent tous les aspects de la vie publique française : politique (elle consacre le triomphe de la IIIè République, dont elle devient un mythe fondateur tout en renouvelant le nationalisme), militaire, religieux (elle ralentit la réforme du catholicisme français, ainsi que l'intégration républicaine des catholiques), sociale, juridique, médiatique, diplomatique et culturel (c'est à l'occasion de l'affaire que le terme d'intellectuel est forgé). L'affaire a également un impact international sur le mouvement sioniste au travers d'un de ses pères fondateurs : Théodore Herzl et de par l'émoi que ses manifestations antisémites vont provoquer au sein des communautés juives d'Europe centrale et occidentale.

Suite à la crise liée à l’affaire Dreyfus, les Radicaux se regroupent dans le « Bloc des Gauches » en 1899 dans lequel dominent les radicaux.

5 janvier 1895 : la dégradation du capitaine Dreyfus dans la cour de l’école militaire de Paris
5 janvier 1895 : la dégradation du capitaine Dreyfus dans la cour de l’école militaire de Paris
 « La France juive » d’Edouard Drumont. Couverture de mars 1892. Drumont est le chef de file, dès avant l’affaire Dreyfus, d’un violent mouvement antisémite en France
« La France juive » d’Edouard Drumont. Couverture de mars 1892. Drumont est le chef de file, dès avant l’affaire Dreyfus, d’un violent mouvement antisémite en France
Dessin célèbre de Caran d’Ache (1858-1909), antisémite notoire dans le Figaro du 14 février 1898
Dessin célèbre de Caran d'Ache (1858-1909), antisémite notoire dans le Figaro du 14 février 1898

3.2.3.4. Les radicaux : le Bloc des Gauches : 1899-1911

  • Le gouvernement Waldeck-Rousseau (1899-1902) : Formé de grands bourgeois libéraux, le gouvernement Waldeck-Rousseau met fin à l’affaire Dreyfus et lutte contre l’Eglise, trop influente à ses yeux sur la jeunesse. Mais en 1902 sa trop grande modération entraîne sa chute.
  • Pierre Marie René Ernest Waldeck-Rousseau (1846-1904)
    Pierre Marie René Ernest Waldeck-Rousseau (1846-1904)
  • Le gouvernement Combes (1902-1906) : Les élections de 1902 sont un triomphe pour le parti radical et portent au pouvoir Emile Combes (18351921). Son gouvernement mène un farouche combat anticlérical, interprétant entre autre la loi de 1901 sur les associations dans le but de dissoudre toutes les congrégations non autorisées et en refusant aux congrégations religieuses toute autorisation. En 1904, Combes interdit aux congrégations d'enseigner, y compris dans les écoles publiques. Ainsi, près de 2 000 écoles sont fermées. Combes formule un projet de loi proposant la séparation de l'Église et de l'État, mais sa politique soulève l’agitation de provinces entières (Bretagne, Vendée). Combes finit par démissionner en janvier 1905, faute d'une majorité parlementaire suffisante. Son projet de loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat sera tout de même adopté le 9 décembre 1905.
  • Emile Combes (1835-1921)
    Emile Combes (1835-1921)
    Bataille rangées entre la gendarmerie et les fidèles catholiques lors de l’inventaire d’une église en 1906
    Bataille rangées entre la gendarmerie et les fidèles catholiques lors de l’inventaire d’une église en 1906
    L’anticléricalisme virulent de la France républicaine : illustration pour « Ecrasons l’infâme ! », hymne des libres penseurs diffusé par « La république anticléricale » dans les années 1880
    L’anticléricalisme virulent de la France républicaine : illustration pour « Ecrasons l’infâme ! », hymne des libres penseurs diffusé par « La république anticléricale » dans les années 1880
    1905 : loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Carte postale idyllique de l’époque
    1905 : loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Carte postale idyllique de l’époque
  • Le gouvernement Clemenceau (1906-1909) : Pour Clemenceau, il s'agit d'une part d'entériner le caractère laïc de la République, et d'autre part de faire face aux mouvements sociaux qui se développent et prennent un tour de plus en plus radical. Clemenceau doit faire face à une très grave crise sociale (grèves violentes et agitation des Viticulteurs du Midi en juin 1907) qu’il réprime avec tant de dureté que le Bloc des Gauche finit par tomber devant une coalition de Républicains modérés et de socialistes (20 juillet 1919).
Edouard Manet : portrait de Georges Clemenceau (1841-1929)
Edouard Manet : portrait de Georges Clemenceau (1841-1929)

3.2.3.5. Les modérés : 1911-1914

Les Modérés arrivent à nouveau au pouvoir avec Poincaré et Barth'>Barthou. Ils établissent solidement la république malgré les agitations des socialistes extrémistes et des Nationalistes de l’Action Française. Mais bientôt surgit un nouveau danger : celui de la guerre avec l’Allemagne.

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Louis Barth'>Barthou
Jules Lemaitre (1853-1914), un des créateurs de l’Action Française
Jules Lemaitre (1853-1914), un des créateurs de l’Action Française

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