Alsace : la maison alsacienne
2.4. Le XVIIIè siècle
Diebolsheim, entrée du village. Maison du XVIIIè avec toit à la Mansart. (La maison alsacienne) |
Un essor fondamental est donné avec la reconstruction du pays et son décollage démographique après les guerres meurtrières du XVIIè. Le XVIIIè siècle apparaît comme le siècle d’or de la maison alsacienne traditionnelle. La maison se fait plus spacieuse, mieux agencée, plus belle. Elle bénéficie de techniques nouvelles, apportées par les immigrés, notamment les Suisses. Les plus célèbres de ces charpentiers alpins sont la dynastie prolifique des « Schini » installés à Zutzendorf en pays de Hanau.
La méthode de construction habituelle reste celle des « bois courts » qui offre l’avantage d’une plus grande rigidité grâce aux assemblages « indécrochables » et permet de faire grimper la maison en hauteur sur deux, trois, voire quatre niveaux, avec ou sans encorbellement. La grande majorité des belle demeures à colombage en Alsace datent du XVIIIè siècle, et les techniques de construction se prolongent fort avant dans le XIXè siècle, jusqu’après l’annexion allemande de 1870. Seul le Sundgau garde encore certains traits archaïques.
Berstett : splendide ferme du Kochersberg. (La maison alsacienne) |
Désormais, la disposition du poutrage n'est plus seulement fonctionnelle et solide, mais allie le souci d'esthétique, d'harmonie, de symétrie, d'élégance. Les lignes verticales l'emportent très nettement sur les horizontales, donnant aux habitations du XVIIIè siècle des allures élancées, renforcées par les fenêtres désormais plus hautes que larges. Dans le Kochersberg et le pays de Hanau voisin, la figure du « Mà nn » placé en position centrale ou à l'angle de deux façades, se répand largement. On emploie de plus en plus de poutres moulurées. Dans ces régions agricoles (plaine agricole, Kochersberg, Pays de Hanau) les portails fermant les cours deviennent imposants. Souvent ils sont sur-bâtis et les chambres des valets sont placées au dessus de la porte charretière et du portillon : on pénètre ainsi dans la cour par un passage abrité le « Durichführ ». Les portails du Kochersberg reçoivent au XVIIIè siècle leurs encadrements caractéristiques en pierre de taille, avec niches et sièges de pierre.
La fausse - croupe se rétrécit jusqu'à ne plus compter que 4 à 6 rangs de tuiles. Par contre, les presbytères et certaines grandes maisons bourgeoises s'inspirent des combles à la Mansart, caractérisés par des côtés brisés pratiquement verticaux. Deux, voire trois auvents superposés font souvent le tour complet de la maison dont ils protègent les ouvertures et les façades contre les intempéries.
Geispolsheim : maisons paysannes. (La maison alsacienne) |
Les garde-corps des balcons s'ornent de balustrades impressionnantes constituées de balustres tournés (Quatzenheim, Pfulgriesheim, Truchtersheim en Kochersberg) ou sculptés dans le style Louis XIV ou Louis XVI (Buswiller, Issenhausen en Pays de Hanau). Mais ils peuvent aussi être supportés par des registres de croix de saint André (toute l'Alsace, mais notamment les villages du Sundgau), ou de losanges barrés (Gambsheim dans le Ried Nord). Sur les maisons édifiées par les Schini dans tout le Pavs de Hanau (Buswiller, Obermodern, Wickersheim...), et même dans les contrées voisines, il n'est par rare que deux balcons superposés, aux balustres sculptés très rapprochés, ornent le pignon sur rue.
En matière de chauffage, des poêles en faïence voire en fonte (ces derniers pouvant comporter soit des plaques ornées, soit des tambours superposés), remplacent souvent le poêle en carreaux de terre cuite. Par ailleurs, sur bon nombre d'éviers apparaissent des pompes à bras qui dispensent la ménagère de la fastidieuse corvée d'eau au puits.
L'aisance plus grande se ressent également dans la qualité plus raffinée du mobilier (armoires et buffets à deux corps) en essences nobles (fruitiers) s'inspirant du style français et dans l'ornementation plus poussée de la menuiserie : cloisons d'alcôve souvent marquetées, lambrissage des murs de la « Stub », plafonds à caissons, décor des portes...
Outre les décors intégrés au poutrage (« Mà nn et Hà lb – Mà nn », losanges, losanges barrés, croix de saint André), répartis de façon harmonieuse sur les façades, des inscriptions plus longues et plus ornementales sont gravées à la gouge sur le poteau cornier ou la sablière d'étage (Outre Forêt et Sundgau). Ces inscriptions conservent une forme héraldique, mais sont souvent compartimentées et accompagnées de symboles divers : emblèmes religieux ou porte-bonheur, outils professionnels… Le nom du couple constructeur y figure désormais en toutes lettres, le nom patronymique féminin étant souvent « féminisé » par un suffixe en « in » (Heitzmannerin à Hirtzbach, dans le Sundgau de 1798, Arbogastin geborene Wurzin à Mittelhausen en Kochersberg (1801)
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