Le régime de Vichy
2.2. La Révolution nationale
Au lendemain de la défaite, l’État français entreprend un programme de réformes qui prend le nom de « Révolution nationale » et dont le but est de restructurer la société française.
C’est tout le sens que prend le discours de Charles Maurras, l’inspirateur de la Révolution Nationale, le 11 octobre 1940 :
« Le désastre n’est, en réalité, que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique […] Jamais, dans l’histoire de la France, l’État n’a été plus asservi qu’au cours des vingt dernières années […] par des coalitions d’intérêts économiques et par des équipes politiques ou syndicales, prétendant fallacieusement représenter la classe ouvrière. Il faut aujourd’hui reconstruire la France […] On ne saurait davantage y découvrir les traits […] d’une revanche des événements de 1936 […] L’ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons tragiquement réaliser, dans la défaite, la révolution que dans la victoire, dans la paix, dans l’entente volontaire de peuples égaux, nous n’avons même pas su concevoir. »
« Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». Seuls le travail et le talent redeviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n’atteindra un Français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu’il s’intègre dans la France nouvelle et qu’il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la nation, qu’en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes et les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous. »
Fondée sur la devise « Travail, famille, patrie », la Révolution nationale met l’accent sur le retour à une société traditionnelle, patriarcale et hiérarchisée où règne l’ordre moral ; elle prône les valeurs traditionnelles, telles que la religion, le patriotisme, l’importance de la famille et du travail de chacun. Ainsi, le divorce devient plus difficile à obtenir, l’avortement est sévèrement réprimé et les parents de familles nombreuses reçoivent des décorations nationales.
Les anciens combattants et la jeunesse se trouvent au cœur de cette nouvelle société, avec la création en août 1940, de la « Légion française des combattants » et l’institution de « Chantiers de jeunesse » dès juillet 1940. Le monde du travail est réorganisé en fonction d’un système corporatiste, fondé sur une nouvelle charte du travail (loi du 4 octobre 1941). En outre, des comités d’organisation sont institués par secteurs de productions. Vichy repose donc sur un paradoxe, puisqu’il s’agit d’un gouvernement à la fois traditionaliste, réactionnaire et moderniste (reposant sur un certain dirigisme économique).
Ainsi la révolution nationale se base sur 6 principes fondamentaux (Jean Pierre Azéma) :
- la condamnation sans appel du libéralisme ;
- le refus du principe égalitaire, proclamé par la Révolution française ;
- une pédagogie anti-intellectualiste ;
- la défiance à l'égard de l'industrialisme ;
- l'affirmation d'un nationalisme « fermé » s'oppose au nationalisme républicain d'avant l'affaire Dreyfus ;
- l'appel à un rassemblement national derrière un chef.
La forme et le contenu du régime présente donc avec ceux de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie nombre de traits communs : rejet de la démocratie, personnalisation du pouvoir et appel au fondement charismatique de celui-ci ; « unanimisme » proche du « totalitarisme » et zèle épurateur avec appel à la dénonciation contre les « mauvais Français » ; aspect répressif et policier...
Au niveau des institutions, le régime comporte deux innovations :
- L’institution des délégués : chaque ministère dispose à Paris d’un délégué : il peut de contrôler les dispositifs régionaux en zone occupée : ainsi Leguay est délégué de la police française en Zone Occupée.
- La création de Commissaires chargés de problèmes spéciaux (Soldats prisonniers en Allemagne, Français du STO...) Le « commissariat aux questions juive » échoit d’abord à Xavier Vallat, puis à dater de juin 1942 à Darquier de Pellepoix.