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Alsace, le temps du Reich : 1870-1918

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0. Alsace, le temps du Reich : 1870-1918

La guerre de 1870
Le traité de Francfort
De la germanisation à la conciliation: 1873-1880
1880-1910: L’essor économique
1885-1911: le raidissement
La vie artistique et culturelle
1911-1914: vers la guerre
La Première Guerre Mondiale

2. Le traité de Francfort

2.1. L’armistice

Adolphe Thiers
Adolphe Thiers

Le 18 janvier 1871, Bismarck proclame dans la Galerie des Glaces de Versailles, l’unité du Reich allemand. Le 28 janvier, Paris capitule et signe l'armistice pour une durée de quatre semaines. Une Assemblée nationale est élue dans la foulée, à laquelle participent les Alsaciens. Elle désigne Adolphe Thiers comme « chef du gouvernement exécutif de la République française ». Sa première mission est de préparer le traité de paix définitif avec l'empire allemand. Adolphe Thiers se rend avec Jules Favre au château de Versailles, où réside provisoirement l'empereur allemand Guillaume 1er, pour discuter du futur traité avec von Moltke, son chef d'état-major, et Bismarck, son chancelier. Pour les Allemands, la cession des deux départements alsaciens est une revendication incontournable, l'Alsace étant une ancienne terre du « Saint Empire germanique » conquise deux siècles plus tôt par Louis XIV.

Versailles, Galerie des Glaces, le 18 janvier 1871 : proclamation du second Reich, par Anton von Werner. Le processus de l’unification de l’Allemagne bismarckienne se réalise… et donne en même temps naissance au revanchisme français
Versailles, Galerie des Glaces, le 18 janvier 1871 : proclamation du second Reich, par Anton von Werner. Le processus de l’unification de l’Allemagne bismarckienne se réalise… et donne en même temps naissance au revanchisme français

À la demande expresse du chef d'état-major von Moltke, les Français se voient réclamer aussi Metz et la Lorraine du nord bien que ces terres de culture française n'aient aucun motif d'appartenir à l'Allemagne. Bismarck aurait été enclin à abandonner cette revendication, considérant avec justesse qu'elle empêcherait à jamais toute réconciliation entre les deux pays.

La paix imposée. Tableau de Carl Wagner. Otto-von-Bismarck-Stiftung, Friedrichsruh
La paix imposée. Tableau de Carl Wagner. Otto-von-Bismarck-Stiftung, Friedrichsruh

Le chancelier ajoute aux revendications territoriales une indemnité de guerre chiffrée à six milliards de francs de l'époque (somme colossale). L'indemnité est réduite à cinq milliards (en bon bourgeois, Thiers confiera plus tard que s’il est toujours possible de récupérer des provinces perdues, les milliards envolés le sont à jamais !) Il est convenu que les troupes d'occupation se retireront à mesure que sera versée l'indemnité.

Aux termes d'épuisantes négociations, Thiers obtient que la place forte de Belfort, âprement défendue par Denfert-Rochereau soit conservée à la France en échange du droit pour les Allemands de défiler à Paris à partir du 1er mars 1871 et jusqu'à la ratification du traité par les élus français. Le 18 février 1871, sur ordre du gouvernement de la Défense Nationale de Paris, le commandant de la place de Belfort Denfert se rend aux Prussiens. Keller, député de Belfort, restera la seule voix de l’Alsace au Parlement français.

L’Alsace lors du traité de Francfort le 10 mai 1871
L’Alsace lors du traité de Francfort le 10 mai 1871

2.2. 17 février 1871: protestation à Bordeaux

2.2.1. Les élections du 8 février 1871

Léon Gambetta, l’âme de la résistance
Léon Gambetta, l’âme de la résistance

Entre temps, le 8 février 1871 les Alsaciens déjà occupés sont autorisés, car encore français, à élire la nouvelle assemblée nationale siégeant à Bordeaux. Ils élisent en masse des « Gambettistes », favorables à la continuation de la lutte et au maintien de l’Alsace dans le giron français, au delà des clivages politiques qui séparent ces hommes : le clérical Keller, le démocrate Kuss, Gambetta, Jules Favre, Denfert, le préfet Grosjean, soit en tout 22 députés francophiles...

2.2.2. La protestation de Bordeaux

Emile Kuss, maire de Strasbourg, sur les ruines de Strasbourg bombardée. Toile de T. Schurer. Kuss mourra, terrassé par le chagrin au moment de l’annexion de 1870. L’Alsace lui fera de grandioses funérailles
Emile Kuss, maire de Strasbourg, sur les ruines de Strasbourg bombardée. Toile de T. Schurer. Kuss mourra, terrassé par le chagrin au moment de l’annexion de 1870. L’Alsace lui fera de grandioses funérailles

En pleine négociation de paix, le 17 février, Keller proteste contre la volonté du gouvernement français de « Lâcher » l’Alsace-Lorraine, « comme Alsacien et comme Français, contre un traité qui est... une injustice, un mensonge et un déshonneur ». Il réitère sa protestation le 1 mars. Mais Thiers est intraitable. Même la mort subite de Kuss, terrassé par une crise cardiaque à Bordeaux le 1er mars 1871 et les grandioses funérailles que lui font les Strasbourgeois n’y changent rien. Une importante partie de la bourgeoisie alsacienne francisée décide d'émigrer en France. L'autre partie reste en Alsace et se livre à une propagande anti-germanique violente, qui, répercutée en France donnera aux Français une vision très déformée de la situation en Alsace.

La protestation de Bordeaux lue à l’assemblée le 1 mars 1871
La protestation de Bordeaux lue à l’assemblée le 1 mars 1871

Protestation lue à Bordeaux le 1er mars 1871, à la tribune de l'Assemblée Nationale, par le député Grosjean, au nom des 27 députés Alsaciens et Lorrains :

« Les représentants de l'Alsace et de la Lorraine ont déposé, avant toute négociation de paix, sur le bureau de l'Assemblée Nationale, une déclaration affirmant de la manière la plus formelle, au nom de ces deux provinces, leur volonté et leur droit de rester françaises. Livrés, au mépris de toute justice et par un odieux abus de la force, à la domination de l'étranger, nous avons un dernier devoir à remplir. Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun dans la forme et dans la mesure que notre conscience nous dictera. Au moment de quitter cette enceinte où notre dignité ne nous permet plus de siéger, et malgré l'amertume de notre douleur, la pensée suprême que nous trouvons au fond de nos coeurs est une pensée de reconnaissance pour ceux qui, pendant six mois, n'ont pas cessé de nous défendre, et d'inaltérable attachement à la patrie dont nous sommes violemment arrachés. Nous vous suivrons de nos voeux et nous attendrons, avec une confiance entière, dans l'avenir, que la France régénérée reprenne le cours de sa grande destinée. Vos frères d'Alsace et de Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France, absente de leurs foyers, une affection filiale, jusqu'au jour où elle viendra y reprendre sa place. »

2.2.3. Les préliminaires de paix

Helmuth Karl Bernhard, comte von Moltke (1800-1891) : il ne fera aucun cadeau à la France
Helmuth Karl Bernhard, comte von Moltke (1800-1891) : il ne fera aucun cadeau à la France

Le 26 février 1871 la France signe les préliminaires de paix acceptant l’annexion par le Reich de l’Alsace et d’une partie de la Moselle. En France, la consternation le dispute à la résignation et à la révolte. Sitôt l'accord en poche, Jules Favre et Adolphe Thiers se rendent à Bordeaux et obtiennent de l'Assemblée nationale qu'elle ratifie dans l'urgence le document. C'est chose faite (83% de oui) le dimanche 2 mars, soit un jour tout juste après la date prévue pour le défilé de la victoire des troupes allemandes. À la grande irritation de l'empereur Guillaume I, de von Moltke et de Bismarck, seuls quelques bataillons d'avant-garde ont le temps de défiler dans la capitale endeuillée, devant les statues de la place de la Concorde recouvertes d'un voile noir.

Protestation lue à Bordeaux le 1er mars 1871, à la tribune de l'Assemblée Nationale, par le député Grosjean, au nom des 27 députés Alsaciens et Lorrains

2.3. 10 mai 1871: le traité

Carte de l’empire allemand entre 1870 et 1918
Carte de l’empire allemand entre 1870 et 1918

Le traité de Francfort du 10 mai 1871 cède aux vainqueurs la totalité de l’Alsace (hors Belfort et les villages de l’actuel Territoire)) et un fragment de la Lorraine, soit la majeure partie de la Moselle, la majeure partie des arrondissements de Château-Salins et de Sarrebourg (Meurthe), le canton de Schirmeck et la majeure partie du canton de Saales (Vosges).... « La France renonce en faveur de l’Empire allemand à tous ses droits et titres sur les territoires situés à l’est de la frontière ci-après désignée... et marquée en vert sur deux exemplaires conformes à la carte du territoire formé par le gouvernement général d’Alsace, et publiée à Berlin en septembre 1870 par la division géopolitique et statistique de l’Etat-major allemand... ».

Thiers a lâché les Alsaciens. Le seul député qui siège à l’Assemblée reste Keller, élu de Belfort...

2.4. « Reichsland Elsass-Lothringen »

L’invasion prussienne vue par Hansi
L’invasion prussienne vue par Hansi

Le 9 juin 1871, Bismarck fait voter une loi déterminant le statut de l’Alsace au sein de l’Empire : juridiquement l’Alsace est un « Reichsland », une terre d’empire et non un membre à part entière de la fédération qui vient de naître en Allemagne. Elle n’aura de représentation ni au Reichstag ni au Bundesrat. Elle aura un président supérieur, Von Moeller qui avait réussi l’assimilation de la Hesse, et des « Kreisdirektöre », équivalents des sous-préfets, tous allemands. Les professeurs de l’enseignement secondaire seront tous allemands, chargés de germaniser à tour de bras, comme devra le faire l’université « impériale » établie en 1872. La « clause de la dictature » permet de prendre toute mesure d’exception « en cas de danger pour la sécurité publique ». Enfin, tout fonctionnaire sera tenu de prêter serment au Reich.

Eduard von Möller (1814-1880), premier « Oberpräsident » (Président supérieur) d’Alsace Lorraine
Eduard von Möller (1814-1880), premier « Oberpräsident » (Président supérieur) d’Alsace Lorraine

En juillet, Les élections municipales portent à la tête de la mairie de Strasbourg Lauth et à celle de Colmar Peyrimhoff, candidats de la « Ligue d’Alsace » fondée par Lalance et Haeffely et refusant l’annexion : Lauth sera démis de ses fonctions et de son mandat de conseiller général début 1873, car il refuse de prêter serment au Reich.

En même temps, naît le « Parti alsacien », issu de la « Ligue d’Alsace ». C’est le parti de la « Protestation » qui va s’appuyer sur la bourgeoisie, surtout dans le Haut Rhin, très lié à la République française. En face, naît un parti (ou mouvement, état d’esprit) du « Sauvetage » qui tente de maintenir, dans le cadre de l’annexion, l’esprit français. Entre ces deux termes, la vie publique et politique va s’animer pendant toute la durée de la domination allemande. Jusqu’en 1887, le débat, un des plus intéressants de la vie politique alsacienne va se situer entre « Protestation » et « Acceptation », avant que ne faiblisse le mouvement protestataire devant les raidissements de la politique prussienne.

La loi du 06 septembre 1871 proclame que « les provinces d'Alsace et de Lorraine (Moselle), cédées par la France par du dans les limites fixées par le traité de paix du 10 mai 1871, sont à jamais réunies à l'Empire d'Allemagne ». Eduard von Moeller (1814-1880) est nommé Oberpraesidium (Président supérieur).

2.5. L’option

Les Optants à l’hôtel de ville de Mulhouse peu après la déclaration d’option. D’après une gravure du cabinet des Estampes de Strasbourg
Les Optants à l’hôtel de ville de Mulhouse peu après la déclaration d’option. D’après une gravure du cabinet des Estampes de Strasbourg

L’article 2 du traité de Francfort de 1870, donne aux Alsaciens le choix de rester ou de garder la nationalité française et donc de quitter le territoire annexé. Ce choix devait être fait avant le 30 septembre 1872 (et jusqu'au 30 septembre 1873 pour les résidents hors d'Europe). Ils sont 132 239 au total qui habitent alors en Alsace (12,5% de la population): 39 130 Bas Rhinois (6,05%) et 93 109 Haut Rhinois (20,1%) particulièrement nombreux à Colmar, Mulhouse et dans les cantons catholiques. Parmi eux, un certain Alfred Dreyfus...

1872 : « Ceux qui restent, ceux qui partent »… D’après une gravure du cabinet des Estampes de Strasbourg
1872 : « Ceux qui restent, ceux qui partent »… D’après une gravure du cabinet des Estampes de Strasbourg

Dans les faits, 128 000 Alsaciens - Lorrains (soit environ 8,5 % de la population dont 50 000 jeunes gens de 17 à 20 ans) optent pour la France; 70 000 s'installeront en Algérie.

En 40 ans, sur 1 800 000 habitants en Alsace-Lorraine, 260 000 émigreront vers la France (régions industrialisées), 330 000 vers l'Amérique, alors qu’inversement 400 000 allemands immigreront en Alsace-Lorraine.

L’Alsace protestataire : bourgeoises en tenue tricolore..
L’Alsace protestataire : bourgeoises en tenue tricolore..
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