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La concentration en Pologne – Les ghettos

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8.3. L'exploitation du travail

Par leur nombre, les Juifs de Pologne représentent une force économique importante pour les Allemands. De plus, par leur qualification professionnelle, les Juifs polonais tiennent une place économique de premier ordre dans le pays. On commence par utiliser les juifs à des travaux publics : combler les fossés antichar, pelleter la neige... car la crise économique liée à la guerre affecte plus de 5.000.000 de personnes (dont 2.150.000 sans emploi). Puis on institue le principe général du travail forcé (26 octobre 1939) : les Juifs forment des « troupes de travailleurs forcés » : chaque fois qu'un service en a besoin, on prend des Juifs dans la rue, on les forme en unités et on les met au travail. L'ouvrage terminé, ils sont libérés. Ainsi le détachement de Varsovie, avec environ 8.500 hommes, déneige et déblaie les rues pendant tout l'hiver 1939 - 1940. En Haute Silésie, plus de 10.000 juifs sont employés dans les entreprises industrielles, pour un salaire inférieur de 30% au salaire normal...

Dans une seconde étape, début 1940, les Allemands instituent des « camps de travail » ou « Arbeitslager » pour employer une grande masse de juifs à des réalisations d'envergure : ainsi Himmler propose en février à Brauchitsch de créer un gigantesque fossé antichar sur les nouvelles frontières orientales, face aux soviétiques. On installe des camps à Belzec, Cieszanov, Miedzyrzec : des milliers de juifs creusent la « Ligne Otto » entre Bug et San et des fortifications sur le Bug à l'Est de Miedzyrzec. Les travaux sont achevés en décembre. L'administration de Lublin créé plus de 45 camps et fait travailler dans l'aménagement des canaux et de fleuves plus de 10.000 juifs dans des conditions épouvantables (début 1941) ; en avril 1941 le district de Varsovie emploie aussi plus de 25.000 juifs à de travaux d'assainissement et d'aménagement fluvial ; en Haute Silésie, 5.000 juifs sont utilisés vers mi 1941 à l'aménagement de l'axe Gleiwitz-Oppole, puis de milliers d'autres dans les mines et les usines de construction... Le camp le plus important, Markstädt compte plus de 3.000 travailleurs Juifs.

Peu à peu, la main d'oeuvre passe des travaux d'aménagement public ou militaire au travail industriel : des entreprises viennent installer des ateliers au sein des camps, et des camps sont installés près des usines. Le travail forcé va devenir une véritable institution permanente. C'est le Judenrat du « ghetto mère » qui établi la liste des « Juifs du travail », mais aussi de leurs familles qui restent au Ghetto comme « otages »... Du coup, la garde des camps et des effectifs des équipes ne nécessitent pas de gros effectifs. Les conditions de vie dans les camps de travail sont extrêmes : entassés dans des locaux surpeuplés, les hommes dorment à même le sol. La nourriture est nettement insuffisante. Les juifs travaillent sept jours sur sept. La mortalité y est énorme. Dans certains camps de 400 à 500 personnes, il en meurt souvent dix par jour... Les salaires, infimes, reviennent à l'administration allemande pour l'entretien du camp...

Enfin, on organise le travail à l'intérieur du ghetto. On confie le travail soit à des ateliers municipaux, soit à des entreprises privées. A Lodz, on fabrique toutes sortes d'articles à bon marché (70 à 90 wagons par jour), ce qui permet d'assurer la survie du ghetto. A Varsovie, Bischof attire toutes les entreprises qu'il peut convaincre (Walter Többens, Schultz et Cie, Waldemar Schmidt, les Astra Werke...) mais encourage aussi le capitalisme juif, tant bien que celles-ci produisent mieux que leurs concurrentes aryennes. En septembre 1941, 34.000 juifs du ghetto sont économiquement actifs ; en juillet 42, ils sont 95.000. Le ghetto est alors capable de subvenir à sa subsistance. Mais c'est alors aussi que commencent les déportations… A Lodz, Rumkowski a le pouvoir d'astreindre tout juif au travail... A Oppole, on embrigade et on groupe les Juifs par métiers et par quartiers. A Varsovie, le « libéralisme » du Judenrat a comme effet pervers de former une véritable caste de bureaucrates, commerçants et spéculateurs forment une classe supérieure imposante.

Que produisent les ghettos ? Uniformes, caisses à munitions, chaussures, paille tressée, bois, petite quincaillerie, brosses, balais, matelas, jouets... Les clients principaux sont la Wehrmacht, la SS, les entreprises privées... au point que cela pose des problèmes aux Allemands lorsque le ghetto est progressivement vidé... « Par ailleurs, les Juifs du Gouvernement Général ne sont pas tous des ombres décrépies (« verlotterte Gestalten »), mais forment une main-d'oeuvre qualifiée qui est un élément indispensable de la structure vitale de la Pologne (...) Nous ne pouvons inculquer aux Polonais ni l'énergie ni les capacités qu'il leur faudrait pour remplacer les Juifs (« Wir können den Polen weder die Tatkraft noch die Fähigkeit beibringen, an Stelle der Juden zu treten »). C'est pourquoi nous sommes obligés de laisser ces ouvriers juifs qualifiés continuer de travailler. » (Frank, conférence des chefs des divisions principales, 12/9/42; Journal de Frank, PS-2233).



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