B&S Encyclopédie

Diffusé par CashTrafic

Alsace, le temps du Reich : 1870-1918

Partager:  partager Partager bsencyclopedie sur Twitter

0. Alsace, le temps du Reich : 1870-1918

La guerre de 1870
Le traité de Francfort
De la germanisation à la conciliation: 1873-1880
1880-1910: L’essor économique
1885-1911: le raidissement
La vie artistique et culturelle
1911-1914: vers la guerre
La Première Guerre Mondiale

4. 1880-1910: L’essor économique

Sous le Reichsland l’Alsace connaît une période de formidable essor économique. Les capitaux venus d'autres états de l'Empire contribuent à une industrialisation solide de l'Alsace.

4.1. Strasbourg

Le chantier de l’avenue de la Forêt Noire en 1898. Au milieu des premiers immeubles qui surgissent de terre, l’église Saint Maurice, lieu de culte le la garnison allemande catholique. Archives municipales de Strasbourg
Le chantier de l’avenue de la Forêt Noire en 1898. Au milieu des premiers immeubles qui surgissent de terre, l’église Saint Maurice, lieu de culte le la garnison allemande catholique. Archives municipales de Strasbourg

En 1880 débutent des grands travaux de l’aménagement de nouveaux quartiers de Strasbourg dans le style « Wilhelminien » : Entre 1870 et 1918, Strasbourg passe de 85 000 à 180 000 habitants. Le tissu urbain s'e trouve considérablement changé et les conditions d'habitation tout autant. L'Allemagne tient à montrer sa puissance et ces capacités en premier lieu à Strasbourg, ville-symbole pour elle : celle-ci devra devenir une place forte militaire de premier rang, rayonner du savoir-faire architectural et urbanistique allemand, témoigner du souci de salubrité, doter la ville (qui en a bien besoin) de conditions de circulation modernes.

Symbole de la puissance impériale et guerrière de l’occupant prussien, le « Kaiserplatz » (Actuelle place de la République) et le Palais Impérial
Symbole de la puissance impériale et guerrière de l’occupant prussien, le « Kaiserplatz » (Actuelle place de la République) et le Palais Impérial

Quantité de bâtiments de prestige sont édifiés à Strasbourg en un laps de temps assez court : le Kaiserpalast (palais de l'Empereur) construit de 1883 à 1887, l'actuelle Bibliothèque Nationale et Universitaire, le Parlement, l'Hôtel des Postes, la Gare Centrale, ainsi que deux églises, Saint-Paul et Saint-Maurice. Sans oublier le Palais Universitaire, la gare, les Hospices Civils étendus et modernisés de façon tout à fait remarquable. Dès 1915, le tramway circule.

La porte de Pierre : dispositif de défense principal de la ville de Strasbourg construit par les Allemands en 1876
La porte de Pierre : dispositif de défense principal de la ville de Strasbourg construit par les Allemands en 1876

De ville essentiellement commerçante qu'elle est en 1870, Strasbourg devient ville portuaire et industrielle. La nouvelle gare relie Strasbourg à l'Allemagne, le port rhénan se développe sur le Rhin en voie de régularisation avec la création du port d'Austerlitz et du Port du Rhin. Le commerce s'en trouve évidemment stimulé, soutenu par les grandes banques. Le gaz et l'électricité éclairent la ville, fournissent l'énergie domestique et industrielle.

La ville aura beaucoup changé aussi en matière de population et de société. Une partie des Strasbourgeois a quitté la ville en 1872 ne voulant pas opter pour l'Empire germanique. Les allemands arrivent en gros « bataillons ». Vers 1900, ils représentent 40% de la population ! Les Allemands dotent aussi la ville d'une nouvelle université qu'ils souhaitent prestigieuse. Mais ce trop d'empressement à vouloir germaniser l'élite strasbourgeoise fait que la greffe prend mal..

Le château du Haut Koenigsbourg
Le château du Haut Koenigsbourg

Dans le même temps, les Allemands construisent aussi des forts destinés à défendre la ville de Strasbourg (14 rive gauche, et 3 rive droite).

En 1908, le Haut-Koenigsbourg reconstruit est inauguré par l'Empereur Guillaume II. La restauration de l'ancien château des Thierstein est l'oeuvre de l'architecte - archéologue Bodo Ebhardt assisté de centaines d'ouvriers. Il utilise aussi, pour son chantier, une technique révolutionnaire du XIXème siècle, le chemin de fer.

La ceinture fortifiée de Strasbourg : 1872-1918
La ceinture fortifiée de Strasbourg : 1872-1918

4.2. Les mutations économiques

Affiche publicitaire pour l’électricité de Strasbourg
Affiche publicitaire pour l’électricité de Strasbourg

L'annexion en 1871 modifie profondément le développement économique en coupant l'Alsace de son marché français et en l'obligeant à s'adapter à un marché allemand très différent. Or, les milieux d'affaires demeurent massivement hostiles au Reich. Il en résulte de nombreux départs, qui affaiblissent les grandes familles mulhousiennes, entraînant un grave affaiblissement en investissements et en savoir-faire. De 1871 à 1879, au moins 18 entreprises ont été créées par des Alsaciens en France. Pendant plusieurs décennies, la classe dirigeante industrielle continue à perdre une partie de sa substance du fait de l'émigration de ses fils. Quant aux Alsaciens restés sur place, ils adoptent une attitude réservée, refusant des concours financiers allemands, ce qui les prive des marchés contrôlés par l'État (secteur ferroviaire). D'autres créent une succursale en France (De Dietrich à Lunéville, SACM à Belfort, à l'origine d'Alsthom).

Jean Schlumberger (1829-1908), de la célèbre dynastie d’industriels de Guebwiller. Fils de Nicolas, industriel lui-même, il sera député puis plusieurs fois président du Landeausschuss entre 1870 et 1903. Il fut de plus un grand humaniste
Jean Schlumberger (1829-1908), de la célèbre dynastie d’industriels de Guebwiller. Fils de Nicolas, industriel lui-même, il sera député puis plusieurs fois président du Landeausschuss entre 1870 et 1903. Il fut de plus un grand humaniste

Certains secteurs déclinent après la perte du marché français : chaussons, corderie, chapeaux de paille et draps noirs de Bischwiller. À l'inverse, l'urbanisation et l'élévation du niveau de vie favorisent les branches qui tirent parti de l'accroissement de la consommation des classes populaires ou qui bénéficient d'une avance technologique sur les concurrents : c'est le cas des industries alimentaires. Grâce à la régularisation du Rhin jusqu'à Strasbourg, la ville redevient un port important qui attire plusieurs établissements industriels après 1900.

Ettore Bugatt
Ettore Bugatt

Les voies ferrées passent de 700 à 1900km en 40 ans ; le réseau d'Alsace-Lorraine est alors l'un des plus modernes et denses d'Europe.

Si l'industrie textile connaît un ralentissement dans les tissus imprimés et le coton, la SACM devient un géant européen pour les locomotives et les industries d'équipement se diversifient. Certains artisanats prennent une dimension industrielle, comme la minoterie et le foie gras de Strasbourg, alors qu'apparaissent des spécialités nouvelles : conserveries de Léon Ungemach et sucrerie à Erstein (1894).

Amélie Zurcher
Amélie Zurcher

La production d'électricité prend un essor précoce comme source de lumière et comme force motrice dans les usines et pour les tramways. Les municipalités des principales villes créent une régie dont certaines subsistent encore à l'heure actuelle, comme l'Électricité de Strasbourg et les Usines municipales de Colmar. Mais les équipements sont réalisés par des constructeurs allemands ou suisses.

L'Alsace s'ouvre aux nouvelles industries. L'automobile est développée par Ettore Bugatti, qui fabrique des voitures de sport à Molsheim et par Émile Mathis qui construit des voitures de petite taille à Strasbourg-Meinau. A Mulhouse-Bourtzwiller, deux ingénieurs fondent une firme aéronautique qui sera fermée en été 1914. Un ingénieur, W. Boeing, émigre alors aux États-Unis et, en 1916, fonde à Seattle l'entreprise Boeing.

Joseph Vogt, l’homme qui découvrit la potasse en Alsace
Joseph Vogt, l’homme qui découvrit la potasse en Alsace

À Mulhouse, Adolphe Braun crée une entreprise de photo qui devient vers 1900 une des plus grandes manufactures de travaux photographiques d'Europe.

En même temps, l'Alsace devient un pays minier. La découverte de pétrole suscite en 1882 une véritable fièvre pétrolière autour de Pechelbronn. Une firme allemande acquiert les entreprises et développe fortement la production, qui atteint 50 000 tonnes en 1913 : cette performance ne sera plus dépassée par la suite. En 1904 est découvert grâce à la ténacité d’une femme, Amélie Zurcher, et d’un homme, Joseph Vogt, un gisement de potasse à Wittelsheim, mais son exploitation demeurera modeste jusqu'en 1918.

Le site de Merckwiller Pechelbronn
Le site de Merckwiller Pechelbronn

Une spécificité régionale est constituée par l'active politique d'équipement des municipalités : avant 1914, elles équipent leur commune d'un réseau d'eau courante, d'électricité et de gaz dans les villes, grâce à des sociétés mixtes pour le gaz, l'électricité et les transports en commun. Il s'agit d'un système original qui s'avère bénéficiaire et qui a le mérite de limiter la pression fiscale.

De son côté, le monde agricole réussit une reconversion, malgré le maintien de petites structures, car les agriculteurs, dont le nombre demeure élevé, assimilent de nombreux progrès techniques, ce qui permet d'augmenter la productivité. La production agricole est réorientée : recul des céréales et de cultures industrielles comme le lin, le chanvre, les oléagineux et la garance, au profit de cultures plus rémunératrices (houblon, betterave à sucre, légumes, fruits, viticulture et élevage) pour un marché urbain en expansion rapide. Entre 1852 et 1910, la valeur de la production agricole double, ce qui permet aux agriculteurs d'améliorer leur niveau de vie moyen.

Les vendanges à Riquewihr fin du XIXè. Au fond, Zellenberg
Les vendanges à Riquewihr fin du XIXè. Au fond, Zellenberg
Les vendanges, fin du XIXè
Les vendanges, fin du XIXè
La Potasse : le puits Amélie à Wittelsheim au début du XXè
La Potasse : le puits Amélie à Wittelsheim au début du XXè

Le patronat alsacien

Dans les secteurs traditionnels, les familles fondatrices gardent le contrôle des entreprises malgré leur transformation en sociétés anonymes, grâce à une politique de sélection des héritiers. C'est ainsi qu'en 1913, les deux tiers des principales entreprises ont à leur tête des descendants, de la troisième, quatrième ou cinquième génération, des premiers industriels

Parmi eux Auguste Dollfus (1832-1911), longtemps président de la Société industrielle, qui joue un rôle actif au conseil municipal de Mulhouse, et Théodore Schlumberger (1840-1917), qui introduit en Alsace l'industrie de la soie artificielle. Député de 1900 à 1907, il intervient activement dans les débats relatifs aux transports et à la politique douanière.

La diversification industrielle favorise l'émergence de nouvelles familles et de quelques fortes personnalités. Alfred Herrenschmidt (1828-1917), acteur essentiel de la période, fonde en particulier la Société générale alsacienne de banque. Léon Ungemach (1844-1928) crée une grande entreprise de conserves et la cité Ungemach (pavillons pour personnes de revenus modestes ayant au moins trois enfants) à Strasbourg. Quant à André Kiener (1856-1928), il lance à Colmar l'un des plus vastes complexes textiles en Alsace.

4.3. Naissance d'un réseau bancaire régional

Alors qu'en 1870 le réseau bancaire demeure limité à quelques banques familiales et à deux succursales de la Société générale, le patronat, soucieux de préserver son indépendance face aux banques allemandes, crée dans les années 1870 plusieurs établissements importants : Banque de Mulhouse, Banque d'Alsace et de Lorraine, Sogenal (Société générale alsacienne de banque) et Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, qui remplace la Caisse des dépôts et consignations. Ces banques connaissent un vif essor et soutiennent les entreprises régionales.

Ce réseau bancaire est bientôt complété par un puissant mouvement coopératif de crédit rural et de banques populaires venant d'Allemagne. À partir de 1882 se répandent les caisses Raiffeisen, qui s'inscrivent dans la mouvance du christianisme social catholique et qui prennent en 1945 le nom de Crédit mutuel. En 1914 on en recense 471 en Alsace, soit dans plus de la moitié des communes, auxquelles s'ajoutent 226 caisses d'une fédération concurrente, le « Revisionsverband », d'inspiration protestante. Ces deux mouvements aident le monde rural à régler le problème lancinant de l'endettement paysan.

Entre 1832 et 1840, l'Alsace était en tête pour la création de caisses d'épargne (elle en compte 18). Entre 1880 et 1914, celles-ci bénéficient d'une formidable vague de créations, leur nombre passant de 18 à 69 ; elles s'implantent dans un certain nombre de gros villages et de petites villes. Leur régime est modernisé par la loi de 1912, qui leur accorde le libre emploi total des fonds collectés. Après 1919, les caisses ne conservent jusqu’en 1999 que le libre emploi de la moitié des fonds collectés, en les mettant au service des collectivités territoriales et des particuliers, l'autre moitié allant à la Caisse des dépôts et consignations.

4.4. Les avancées sociales

Les Alsaciens bénéficient aussi d'avancées sociales sans précédent et sans équivalent pour l'époque: assurance maladie (1883), protection contre les accidents du travail (1885), assurance vieillesse (1885). Le régime des associations (1908), comme celui des assurances maladies est encore en vigueur de nos jours en Alsace et en Lorraine thioise, et est encore plus avantageux que le système français.

4.4.1. Lois particulières du Reichsland Elsaß-Lothringen

  • enseignement obligatoire (1872),
  • chasse (1881),
  • caisses de maladie obligatoires (1883),
  • loi cadastrale (1884), assurance accidents obligatoire (1884),
  • assurance invalidité - vieillesse obligatoire (1889),
  • loi municipale (1895), chambre de commerce (1897),
  • code professionnel (1900), loi sur les associations (1908),
  • aide sociale et domicile de secours (1908),
  • code des assurances sociales (1911), travail des mineurs et repos dominical,
  • organisation de la justice.

4.4.2. Principales dispositions administratives, issues des lois antérieures à 1870

Abrogées en France entre 1870 et 1918, elles restent en vigueur en Alsace comme faisant partie du droit local :

  • Régime foncier : terres et constructions immatriculées dans un livre foncier où sont mentionnés : propriétaire, usufruit, hypothèque et indications cadastrales.
  • Régime des tutelles : l’époux survivant reste seul tuteur légal sous la surveillance du juge des tutelles ; en cas de décès des 2 époux, le juge des tutelles nomme un tuteur (souvent du côté paternel). Pas de subrogé tuteur ni d’obligation de vendre le patrimoine pour le convertir en placements de l’État.
  • Assurances sociales : remboursements et régimes de retraites plus avantageux que dans le reste de la France. Depuis 1889, assurance obligatoire pour les accidents agricoles : cotisation reposant sur les salaires payés en agriculture (taux 5 %) ; employés forestiers : selon la valeur cadastrale forestière par commune, cotisation prélevée sur le produit annuel de la location chasse, complément perçu par un % sur le salaire (taux 11 %) ; pour les gardes-chasse : taux 6,6 % du salaire brut.
  • Maintien du bilinguisme.
  • Régime particulier des associations.
  • Loi de chasse locale.
  • Concordat religieux : écoles primaires confessionnelles ; un crucifix figure toujours dans la cour d’assises ; le clergé des 3 principales religions est payé par l’État ; direction des cultes à Strasbourg ; lendemain de Noël et vendredi saint chômés.
  • Droit commercial : dispositions particulières.
  • Notaires : assermentés et nommés par le ministre de l’intérieur ; ils ne peuvent conserver dans leurs coffres liquidités et titres de leurs clients (ils doivent être versés dans un établissement bancaire).
  • Circulation à droite des trains sauf ligne Mulhouse - Paris ; près de l’ancienne frontière franco-allemande, un « saut-de-mouton » permet le passage de gauche à droite.
  • «  Indemnité de difficultés administratives «  pour les personnels civils de l’État [montant non modifié depuis le décret (17-9-1946)]. 

4.5. L’essor des villes

La population a connu une profonde mutation, avec d'importants flux migratoires vers la Fiance et les États-Unis et un exode rural provoqué par des campagnes surpeuplées et affectées par la longue dépression des années 1875-1895.

Les départs n'ont été compensés qu'en partie par une arrivée massive d'Allemands. Ceux-ci représentent, avec leurs enfants nés en Alsace, un sixième de la population en 1910. Ils se fixent en priorité dans les trois grandes villes et les cercles ruraux du Bas-Rhin.

L'essor urbain s'explique par le développement des activités industrielles, commerciales et tertiaires. Alors qu'en 1871 la population urbaine ne s'élevait qu'à 35,8% du total, elle dépasse la moitié (51,2%) en 1910. Strasbourg a plus que doublé, sa population passant de 85 654 habitants en 1871 à 178 891 en 1910. Celle de Mulhouse passe de 52 892 en 1871 à 95 041 en 1910 et celle de Colmar de 23 700 à 44 000.

Il en résulte une véritable fièvre architecturale, dont Strasbourg constitue le modèle, à travers une extension qui augmente la surface bâtie de la ville de 230 à 614 ha.

 chapitre précédentchapitre suivant 
Chapitre précédentChapitre suivant


Diffusé par CashTraficLe jeu de stratégie par navigateur ! Combattez des milliers de joueurs et imposez votre loi ! Faites croître votre influence sur la scène internationale par le biais d'alliances ou de déclarations de guerre ! Formez une alliance et imposez vos vues à vos adversaires ! Commercez avec les autres joueurs ou espionnez-les pour découvrir leurs faiblesses !
Encyclopédie
©2007-2010 B&S Editions. Tous droits réservés.
Hébergement du site chez notre partenaire 1&1 (voir ses offres)