Le Reich Protektorat
2. Le processus de concentration
Préambule
Rupture des relations sociales
Limitation de résidence
Réglementation des déplacements
Mesures d’identification spécifiques
Institution d’une administration juive spécifique
2.5. Mesures d’identification spécifiques
Ces mesures touchent d’abord les papiers officiels : dès le 23 juillet 1938, le ministère de l'Intérieur et de la Justice ordonne aux Juifs de nationalité allemande de se faire établir des cartes d'identité en se déclarant juifs, et ce avant le 31 décembre 1938. Quant au passeports, l'initiative vient des Suisses : le 24 juin 1938, Heinrich Rothmund, chef de la police fédérale, se plaint que son pays soit inondé (« Überflutet ») de Juifs viennois. Il suggère que les Juifs soient identifiés comme tels sur leurs passeports. Les Allemands retiennent sa suggestion et le 5 octobre 1938 l'étendent à tous les détenteurs de passeports juifs : ils seront désormais tamponnés d'un grand « J » majuscule rouge. Cette mesure s'applique aussi aux Juifs du Reich se trouvant à l'étranger : ils doivent se présenter aux consulats pour faire appliquer le tampon « J ». Puis le 11 mars 1940, les cartes d'alimentation des Juifs sont marquées d'un « J », et le 18 septembre 1942 ces mêmes cartes sont marquées du mot « Jude » entier d'un coin de la feuille à l'autre. Enfin, le 5 janvier 1938 un décret permet de révoquer les changements d'état civil des Juifs effectués avant le 30 janvier 1933….
Ensuite, les nazis s’attaquent au noms mêmes que portent les Juifs : la 17 août 1938 paraît un décret préparé par Globke du ministère de l'intérieur et signé de Stuckart, secrétaire d'Etat à l'Intérieur et de Gürtner, ministre de la Justice : tout juif mâle doit apposer à son prénom courant le nom « Israël », et toute Juive le nom « Sara », sauf si ce prénom figure sur une liste préétablie par Globke. Cette liste exclut des noms juifs passés dans l'usage allemand (Adam, Daniel, Michael, Rafael, Anna, Deborah, Esther, Eva, Ruth...) et comporte des prénoms souvent fictifs : Faleg, Feibisch, Feisel, Feiwel, Scharne, Scheindel, Semche, Slowe, Sprinzi...
Enfin suivent des mesures visant à désigner les personnes et les logements : la loi pour la protection du sang et de l'honneur (15 septembres 1935) interdit aux Juifs de pavoiser aux couleurs du Reich (mais leur permet l'usage du drapeau emblème du sionisme, bleu-blanc-bleu) ; le 14 novembre 1935, l'usage des insignes et décorations et titres est limité ; le 4 novembre 1937, le ministre de la Justice interdit aux Juifs la salutation nazie (Bras tendu et « Heil Hitler »).
Le marquage des personnes s'institue d'abord en Pologne. En Allemagne une première proposition de Heydrich, à la conférence du 12 novembre 1938 est été repoussée sur avis contraire de Hitler. Malgré cet interdit, les cercles de l'administration reprennent l'exemple polonais : le 30 juillet 1941, Karl Hermann Frank, membre de l'administration du Protektorat à Prague demande l'autorisation de marquer les Juifs de Bohême-Moravie. Dans sa réponse du 14 août, Stuckart promet de consulter les ministères du Travail et des Affaires Etrangères et d'étendre cette possibilité au Reich. Le 20 août Hitler accepte de modifier sa décision. Le 1 septembre 1941 le décret ordonne que tous les Juifs âgés de plus de 6 ans ne paraîtraient en public qu'avec l'Etoile Juive, noire sur fond jaune, large d'une bonne dizaine de centimètres, portant en son centre le mot « Jude » et solidement cousue sur le devant du vêtement. En avril 1942, la Police de sécurité requiert enfin des Juifs de coller sur leurs portes une étoile dessinée en noir sur papier blanc.
Ce système de désignation donne à la Police une arme redoutable : il contribue à assurer le respect des restrictions ; il est un nouvel outil de contrôle, car il permet de repérer chaque juif en tout lieu et tout temps ; il exerce enfin sur la victime un effet paralysant, poussant les Juifs à se montrer encore plus dociles, se trouvant exposés au vu et su de tous. Chaque Allemand devient un Policier... Peu de juifs tentèrent de se soustraire à cette pression. La plupart portèrent l'Etoile, et la plupart se perdirent.