Histoire de Strasbourg : quand Strasbourg était Argentorate
3.1. Le camp romain
C’est la « Legio VIII Augusta » qui donne au castrum primitif sa forme définitive. Le petit camp primitif de l’« Ala Petriana » est étendu en 10 de l’ère chrétienne au dimensions d’une légion par la « legion II Augusta » ; ce camp est désaffecté quelques années vers 60 pour renaître entre 70 et 92. Les remparts se succèdent : en bois et terre vers 15 sous le rège de Tibère, en bois sur fondations de basalte sous les Flaviens autour de 80, en pierres calcaires avec chaînage en tuiles et tours intérieures carrées avec plateformes pour abriter les balistes vers 120-140.
Le camp romain d’Argentorate |
Le camp atteint son état le plus parfait sous Constantin (306-337) et (ou) Valentinien (364-375) : il s’étend sur une superficie de 19 hectares et dessine un rectangle de 530 x 275m, sur une terrasse non inondable d’une altitude de 132m au nord-est des deux affluents du Rhin, à environ 5 km à l'ouest du fleuve, la Bruche et l'Ill (Ill et Canal du Faux-Rempart), à l’emplacement du centre médiéval de la ville de Strasbourg. Le mur qui ceint le castrum est long de 1 810 mètres. Quatre imposantes tours de garde semi-circulaires de 20m de diamètre flanquent les angles du polygone. Entre ces tours et les quatre portes monumentales, 46 tourelles de guet de 7m de diamètre jalonnent le mur du rempart.
Argentorate : vestiges d’une tour du grand camp légionnaire mis à jour place du Marché |
L’accès au camp se fait par la porte prétorienne, « porta praetoria » (rue Mercière, à hauteur du Fossé-des-Tailleurs et de la rue du Vieil-Hôpital) ; après la porte, à gauche, le « tertre des sanctuaires » (emplacement de la cathédrale Notre Dame) comprend, outre le temple romain, les lieux saints celtiques qu’ombrage un bosquet de chênes. En contrebas du tertre, à l'est, (débouché de la rue du Dôme sur la place de la Cathédrale) se trouve le prétoire, l'hôtel du commandement militaire dont les annexes se prolongent jusqu'au croisement de la « via principalis » ou cardo (rue du Dôme et rue du Bain-aux-Roses) avec la « via praetoria » ou decumanus (croisement rue du Dôme - rue des Hallebardes - rue des Juifs).
Reconstitution de la « Porta Praetoria » du camp d’Argentorate au Bas Empire |
Plus loin se trouvent la chancellerie et le « librarium »où se trouvent les archives (coin rue des Frères - impasse de la Bière). Le « valetudinarium », hôpital militaire, se trouve à l’emplacement de la place du Marché Gayot et plus loin, dans l'angle nord-est du camp, l'arsenal et l’intendance jouxtent les thermes réservés à l'armée (collège Saint Etienne). Enfin une voie ceinture le camp et fait le tour du rempart intérieur.
Fouille stratigraphique réalisée rue du Sanglier à Strasbourg : couches de remblai et d’incendies des I et IIè siècles ; en surface, casernements du Bas Empire. Photo J.J. Hatt |
La citadelle abrite également une manufacture d'armes blanches, la « fabrica » (rue du Sanglier) où travaillent des armuriers indigènes, marqués au bras au fer rouge par précaution de secret militaire. D’autres thermes importants se trouvent entre la rue de la Hache et la rue du Temple Neuf. Ils comprennent entre autres une pièce circulaire d'une huitaine de mètres de diamètre, comparables à ceux qui sont connus dans d'autres camps rhénans, notamment à Xanten.
Schéma du camp de la Légion VIII « Augusta » d’Argentorate |
Outre la porte prétorienne, deux portiques percés aux deux extrémités de la rue principale donnent, l'un, sur la voie de Brocomagus-Brumath (extrémité de la rue du Dôme - place Broglie), l'autre, à l'opposé, sur la voie du Rhin (à l'emplacement du Château Rohan). Sur le flanc nord de l'enceinte (rue des Pierres - pont des Pontonniers) un autre porche ouvre sur la voie directe de Saletio (Seltz).
Un système de fossés développé au moins sur une trentaine de mètres de largeur et probablement une zone supplémentaire de sécurité isolent le camp des quartiers civils.
Argentorate : le camp romain et les principaux sites d’occupation de l’ellipse insulaire |
L’enceinte du castrum est restée longtemps debout : l'archéologie a montré qu'elle était encore intégralement en usage à la fin du Xè siècle et que ses murailles puissantes faisaient partie sur certains côtés (front nord-est, côté quai Lezay-Marnésia et une partie du quai Saint Etienne) de l'enceinte de la ville à l'époque gothique (jusqu'à la fin du XIVè siècle).
Argentorate : stèle dite de l’écolier, trouvée au 2, rue du Dôme. 98cm. Musée archéologique de Strasbourg |
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