La maison alsacienne est oeuvre de charpentier. Le maçon n’intervient que pour le terrassement de la cave, la construction des soubassements, du bloc-cuisinière, du mur de la cuisine, de la cheminée, de l’escalier extérieur... ou dans certaines régions, le rez-de-chaussée. La construction de la maison à pans de bois obéit à des règles très strictes : la première est celle de l'équilibre architectonique. Chaque élément doit concourir à la stabilité de l’ensemble.
Le colombage est avant tout une carcasse de bois destinée à former l’ossature solide de la maison. Mais la symbolique des formes reste présente à l’esprit des bâtisseurs qui jouent avec ces éléments architecturaux, donnant diverses formes, et donc symboles aux assises, allèges, poteaux, décharges et aisseliers.
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Structure de charpente : sablière et poteau cornier. (La maison alsacienne) |
Contrairement à la maison de pierre ou de brique entièrement montée sur chantier par le maçon, la maison à colombage est l'oeuvre presque exclusive du charpentier dont l'activité essentielle se déroule en atelier, le montage proprement dit ne prenant, la plupart du temps, que quelques jours.
Après avoir relevé sur le terrain les diverses cotes nécessaires (soubassements, escaliers en pierre, principaux axes...) le charpentier réalise un croquis à petite échelle (projet linéaire ou « Uffriss ») représentant l'ensemble de l'ossature en plan, élévation et coupe. Puis il fait un tracé grandeur nature appelé « ételon » (« Rissbode ») sur le sol de son atelier et se livre à l'« appareillage » (« S' Holz zürichte ») : choisir le bois, le mettre à l'épure, tracer les angles de coupe et les assemblages. Les pièces à assembler sont superposées selon la disposition et l'angle qu'elles auront en réalité et les projections des assemblages d'angle ou en longueur (entures) sont tracées sur chaque face en vue de guider les traits de scie.
Puis chaque pièce est marquée d'un chiffre latin selon son emplacement sur une même façade et pour une même hauteur d'étage (d'abord les pièces horizontales comme les sablières, puis les pièces verticales comme les poteaux corniers, les montants, les poteaux intermédiaires, les potelets, ensuite les pièces obliques comme les décharges ou les aisseliers et enfin les entretoises horizontales... Ces marquages s'opèrent en général de gauche à droite. Les étages sont différenciés par l'adjonction aux chiffres d'un ou de deux points. Ce traçage est indispensable pour reconnaître les divers éléments d'un colombage après transport sur le chantier lors du montage définitif.
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Assemblage d’angle à tenon et clavette. (La maison alsacienne) |
Le montage proprement dit est une opération spectaculaire mais relativement rapide. Les éléments des pans verticaux sont solidement assemblés par tenons et mortaises aux sablières qui verrouillent le pan horizontal. Pour l’assemblage des éléments de bois, le charpentier utilise des chevilles de bois, jamais de clous ni de vis en métal. Ce système donne une certaine souplesse à la maison et rend l’ossature démontable assez facilement. La maison alsacienne était considérée non comme un bien immobilier, mais comme un bien mobilier. Des démontages de maisons et des remontages sous d'autres cieux sont monnaie courante : le restaurant Burehiesel (1600) du Parc de l'Orangerie à Strasbourg se dressait jadis au centre de Molsheim ; les maisons de l'Ecomusée d’Ungersheim proviennent de toute l’Alsace, et une maison de Blotzheim a été remontée au Musée de plein air « Little world of man » d'Imai près de Nagoya au Japon.
Lorsque la charpente est en place, l'oeuvre du charpentier s'achève. On fixe alors au faîte un petit sapin garni de rubans qui en principe reste en place jusqu’à ce que le propriétaire ait offerte un solide repas bien arrosé à l’équipe de montage… On fait en général appel au prêtre qui appelle sur la demeure la bénédiction divine, ou, si l’on est protestant, on se rend au temple.
| Structure de charpente : l’encorbellement. (La maison alsacienne) |
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| Assemblage sablière de plancher – solive – sablière de chambre – poteau. (La maison alsacienne) |
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| Décomposition d’un assemblage de sablières basses à doubles tenons et clavettes. Grentzingen, Sundgau. (La maison alsacienne) |
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