Art : le Cinquecento – XVIè siècle

Portrait du conquistador Hernan Cortès. Espagne, peintre inconnu, XVIè

Le mariage de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille en 1469 ouvre pour l'Espagne une ère nouvelle d'unité, de puissance et de grandes aventures. À peine la prise de Grenade a-t-elle mis fin à la Reconquête que commence la conquête des « Indes » : c'est l'époque des grandes explorations : Le Cardinal Ximénès explore le Maroc (1510) ; Magellan fait le tour du monde en 1519-1522 ; Cortez est au Mexique (1532-1535), Pizarre au Pérou. Puis les conquêtes s'étendent au Chili (1535), La Plata (1535), Amazonie (1540), Philippines (1565). Ces conquêtes assurent des ressources considérables au bénéfice exclusif de la Castille et de l'Andalousie. Dans ces mêmes années, l'Espagne s'insère davantage dans le contexte politique européen et noue des relations particulièrement étroites avec l'Italie.

Carte de l’empire Charles Quint (1516-1556)

Le royaume unifié et enrichi par ses colonies voit le déclin de Barcelone au profit de Cadix et Séville. Naples et Sicile passent à l'Espagne. Charles Quint (1500-1558), roi d'Espagne en 1516 et empereur d'Allemagne en 1519 est le plus puissant monarque d'Europe. C'est le siècle d'Or espagnol.Dans le monde des arts, c'est l'explosion. Pour assouvir un immense besoin de créer, la Castille s'abreuve à toutes les sources. Elle accepte sans complexe la coexistence des langages artistiques les plus divers. L'éclectisme est de règle dans le décor du mobilier d'église et spécialement pour le retable.

Puis une phase de rigueur succède à ce déferlement de liberté dans la création. En 1556 Philippe II devient roi et transfère la cour de Tolède à Madrid en 1560. Il intervient dans le domaine de la culture artistique à laquelle il imprime un changement complet de direction avec la construction de l'Escorial, gigantesque ex-voto pour la victoire remportée par ses armées à Saint-Quentin, mais aussi et surtout centre de la vie de la Cour, nécropole royale et citadelle monastique. Ces nouvelles valeurs symboliques établissant une union étroite entre la vie et la mort s'expriment par un purisme qui fait son chemin à travers la dernière phase du maniérisme.

Diégo Boytac (1460-1528) : monastère de Hiéronymites de Belem (1502-1516)

Le royaume di Portugal est prospère grâce aux immenses colonies qu'il possède. Lisbonne commerce avec Anvers et Augsbourg. L'apogée de la puissance lusitanienne se situe sous Manuel I (1495-1521) et Jean III (1511-1557). Le déclin débute avec le désastre d'Alcacer-Kibir (Echec de la conquête du Maroc en 1578). En 1580 le pays devient vice-royauté espagnole.

Les grandes explorations se font en Inde, Chine, Malaisie, Nouvelle Guinée avec Albuquerque (1503-1519). Le Japon est abordé en 1542.

La vie religieuse est dominée par l'Inquisition. L'ordre Jésuite est créé par Ignace de Loyola (1491-1556) et s'épanouit avec François Xavier et François de Borgia. Jean de la Croix fonde les Carmes déchaussés (1568). Le mouvement Mystique est puissant avec Thérèse d’Avila (1515-l582), Luis de Grenade, Pierre d'Alcantara.

L'humanisme est encouragé par les rois et de cardinal Ximénès de Cisneros (1436-1517) qui fonde l'université de Alaca (1499). D. Hurtado de Mendoza écrit la vie de Lazarillo de Tormes (1535). Théâtre (J. de la Encina, Gil Vicente) ; poésie (Boscan, école de Coïmbra, Carmoens), pastorale (Montemajor 1561), érudition artistique (Diego de Sagredo, Villalon), sont à l'honneur.

Faraig de Gali : le palais de l’Aljaféria près de Saragosse. On doit à cet architecte les aménagements du XVè siècle en style mudéjar

Le style mudéjar persiste (Palais de l'Aljaferia près de Saragosse) jusqu'à la moitié du XVè où affluent artistes flamands et allemands. Juan Guas (1430-1495) créé le style « Isabelle » (Palais du duc de l'Infante) ; Enrique de Egas (14551534) créé le style plateresque qui s’inspire de l'orfèvrerie (Université de Salamanque, hôpital de la Sainte croix à Tolède). Il y a beaucoup d'églises monastiques à une nef et tribune sur l'entrée : San Thomas de Avila, San Juan de los Rujes, San Jeronimo de Madrid. Les Cimborios (Tours lanternes) s'ornent de motifs mudéjar (Cathédrale de Burgos).

Sous Charles Quint, l'influence Italienne domine malgré les persistances mudéjar et gothique (Nouvelle cathédrale de Salamanque). Le grand architecte est Alfonso Covarrubias, mort en 1570 : marqué par l'italianisme, il reconstruit l'Alcazar de Tolède, crée le Grand Collège « de l'Archevêque » à Salamanque. L'italianisme gagne Grenade, Malaga, Jaïn (Pedro Machuca, 1490-1550) et triomphe sous Philippe II à l’Escorial (Par Juan Battista de Toledo et Herrera, 1563ss), monument typique de la renaissance espagnole : l'austérité y côtoie le grandiose. Herrera (Cathédrale de Valladolid) influence Gomez de Mora (Plaza Major de Madrid) et Diaz Navarro (Chancellerie de Grenade,1585).

Tomar : le cloître de Joao III. Le premier architecte à avoir travaillé sur le bâtiment, à partir de 1557, est l'Espagnol Diogo de Torralva et c'est seulement en 1591 que les travaux sont achevés par Filipo Terz

L'art manuélien fleurit dans les grandes abbayes portugaises : Bathala, monastère de Hyéronimites de Belém. Les principaux architectes sont Boytac (mort en 1522, couvents de Bathala et Belém), Diego de Arrunda (mort en 1531, rotonde des templiers de Thomar), Francisco de Arrunda (Tour de Belém), Juan de Castillo, déjà italianisant (Palais de Coïmbra). La tradition mauresque se maintient jusqu'en 1700ss.

Vasco de la Zarza : tombe de Don Alonso de Madrigal ; 1518. Marbre. Cathédrale d’Avila

Sous Charles V l'italianisme est favorisé par l'importation des marbres de Gênes et la venue de nombreux Florentins (Fancelli à Avila et Grenade, Jacopo l'Indaco à Grenade, Moreto à Saragosse). Vasco de la Zarza (mort en 1524) et Ordonez (mort en 1510) dérivent de Fancelli.

Il reste le goût pour la sculpture mobilière : Ph. Biguerny, Damian Forment, Gabriel Joly (à Teruel). Les caractères locaux sont nets chez Guillen de Olanda, G. de Beaugrand (mort en 1550), Juan de Ayala.

Diego de Siloe (1495-1563) se spécialise dans le funéraire (Tombeau d'Alfonso de Fonseca à Salamanque). Alonso Berruguete (1486-1561) est le plus grand sculpteur castillan : ses oeuvres maniéristes sont espagnoles par le sentiment, comme celles du français hispanisé Juan de Juni.

Nicolas Chanterène : tombe d’Alphonse I du Portugal. Coïmbra, monastère de Santa Cruz

La sculpture manuélienne décorative s'italianise et perd de son opulence (Monastère de Belem 1517). Le style de la Première Renaissance Française est introduit à Coïmbra par trois français formés à Gaillon et Rouen : N. Chantrène, Jean de Rouen et Philippe Oudart : couvent de Santa-Cruz (Portail, tombeau, chaire).

Vincente Massip : la Visitation. Panneau de bois, diamètre : 60 cm. Madrid, musée du Prado

L'esthétique de la Renaissance est répandue par les Italiens (1472-1480), et adoptée en 1505 par F. Ganez et F. Llanos qui ont séjourné à Florence (Triptyque de la cathédrale de Valence, 1507). Vincente Massip et son fils Juan de Juanes (1523-1579) pastichent Léonard et Raphaël dans les images de dévotion.

Juan de Flandres : Portrait de Philippe le Beau. 1496-1500. Huile sur bois, 36 x 26 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum

Jusqu'en 1550 l'art flamand y maintient ses positions avec Juan de Flandres (mort en 1519), Juan de Holanda, A. Benson, F. de Amberes, Antonis Mor (Antonio Moro) qui travaille à la cour et ouvre la voie à Sanchez Coello (1531-1588), peintre de Philippe II et fondateur de l'école de Madrid.

L'italianisme s'impose avec Juan Borgona (mort en 1554) disciple de Ghirlandajo (Chapelle Mozarabe de la cathédrale de Tolède), les Comontes, T. Correo, Blas de Prado.

Pedro Campana : retable de la Purification. 1555. Huile sur panneau. Séville, cathédrale

Alejo Fernandes (mort en 1545) reste médiéval. Pedro Campana implante à Séville le maniérisme (Descente de la croix de la cathédrale) avec F. Sturm, Luis de Vargas (La gamba de la cathédrale). Luis de Morales (1500-1588) donne au maniérisme une nuance toute espagnole (Vierges à l'enfant, Ecce Homo).

Cristovao de Figueiredo : la mise au tombeau. Vers 1530. Huile sur bois, 182 x 155,5 cm. Lisbone, Museu Nacional de Arte Antiga

Sous Manuel I et Jean III règne l’âge d'or de la peinture : l'influence flamande est primordiale grâce au commerce et à l' oeuvre de maîtres hollandais au pays (F. Henriques, Frei Carlos d'Évora). Une production originale se développe à Lisbonne avec Jorge Alfonso (mort en 1540), Gregorio Lopez, Garcia Fernandez, Cristovao de Figueiredo : retable de Santa Cruz à Coïmbra (1522-1530), mise au tombeau de Lisbonne (1530). A ce groupe se rattachent de nombreux maîtres anonymes: les maîtres de Sainte Auta, de Saint Jacques, de Setubal, de San Bento.

Viseu est l'autre grand centre portugais avec Vasco Fernandes et Gaspard Vaz (mort en 1568). Les grands portraitistes sont Cristovas Lopes, Cristovao de Morais, A. Sanche Colheo (Sanchez Coello, 1531-1588).

Juan de Arfe : ostensoir. 1578-1590. Argent, hauteur : 200 cm. Valladolid, musée diocésain

Enrique de Arfe réalise ses dernières oeuvres dans le style italianisant (Reliquaire de la cathédrale de Leon). A son fils Antonio on doit des custodias adaptées à l'italianisme (A saint Jacques, à Medina de Rioseco). Les Becceril travaillent à Cuenca (Baiser de paix de la cathédrale de Ciudad Real, 1565). L'Espagne influence le Portugal (calices, aiguières) où l'on trouve aussi des pièces indo - portugaises orientales.

Niculoso utilise des carreaux de faïence à l'Alcazar de Séville. Manufactures à Tabareva et à Puente del Arzobispo. Le Portugal est le grand importateur de porcelaine chinoise qu'il répand en Europe, puis qu'il imite.