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Le camp de concentration de Stutthof (Sztutowo)

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Evacuation du camp de Stutthof : la tragédie de la côte de l’ambre

8.4. Evacuation du camp de Stutthof : la tragédie de la côte de l’ambre

Le plus grand massacre nazi en Prusse orientale a lieu fin janvier 1945.

En Prusse Orientale, avant la guerre, il n’existe aucun grand camp de concentration ; mais peu après la campagne de Pologne les SS érigent près de Dantzig le camp de concentration de Stutthof qui lui-même commande de nombreux camps et commandos satellites en Prusse Orientale. Ceux-ci sont « remplis » à l’automne 1944 lorsque les SS eurent besoin de main d’œuvre d’esclaves du travail, en vue de fortifier les lignes de défense devant l’avance rapide de l’Armée Rouge. La plupart des détenus sont des femmes juives, âgées de 16 à 40 ans, que le camp d’Auschwitz avait désignées comme « capables de travailler » et envoyées dans la région. A ce groupe s’ajoute un groupe plus petit de détenus hommes venant des camps de la Baltique.

En octobre 1944, l’Armée Rouge perce vers Memel et se cantonne sur la rive nord du fleuve Memel. Puis elle avance sur Gumbinnen et Goldap, mais est refoulée, de telle manière que le front se stabilise durant environ trois mois sur l’ancienne frontière de la Prusse Orientale et de la Lituanie. Les réfugiés du Land de Memel et de secteurs frontaliers, qui avaient envahi les villages du Samland de l’Ouest et le village de Gumbinnen cessent leur fuite vers l’ouest dans le fol espoir d’un retour prochain chez eux… Par ailleurs, pour préparer son offensive des Ardennes, Hitler prélève de nombreuses troupes à l’est… qui ne reviendront pas. Aussi les Allemands ne disposent en Prusse Orientale que de troupes de réserve. En conséquence, pour « garnir » le front, plus de 100 000 hommes sont mobilisés localement dans le Volkssturm. Mais ce Volkssturm reste soumis aux ordres du Gauleiter Erich Koch, et le manque total de coordination et de concertation entre l’administration civile du Gau et l’appareil militaire de la Wehrmacht renforcent encore le chaos de la situation, lorsque le 12 janvier 1945, les Soviétiques lancent leur grande offensive.

L’Armée Rouge n’a besoin que de quinze jours pour couper la Prusse Orientale du reste du Reich et prendre Königsberg en tenailles. A nord de la ville, l’Armée Rouge arrive dans le dos de la 5è armée allemande et combat le 30 janvier contre des unités du 28è corps d’armée qui venaient d’évacuer la tête de pont de Memel et s’apprêtaient à se battre dans le Samland. Qui le peut encore se met en marche vers le port archi bondé de Pillau dans l’espoir d’une évacuation vers l’ouest par la marine. Ainsi 5 000 réfugiés parviennent à embarquer et à s’entasser sur le vieux paquebot « Wilhelm Gustloff ». Leur chemin mène droit à la mort : une torpille soviétique touche le navire ce 30 janvier. Le bâtiment coule en moins d’une heure au large des côtes de Poméranie, dans la mer glacée. Personne ne survit. Au même moment, de nombreux habitants de Palmnicken (Jantarni) et de nombreux réfugiés sont les témoins horrifiés du dernier grand massacre perpétré par les SS en Prusse Orientale, massacre qui fera plus de 5 000 victimes.

Le drame du Gustloff est ancré dans la conscience collective allemande. Le massacre des femmes juives, qui au même moment sont poussées dans la mer glacée et massacrées à coup de mitraillettes est resté quasiment inconnu. Certes, on en a conservé quelques traces : ainsi le ministère de la Justice du Land à entendu des témoins, le Yad Vashem a conservé quelques témoignages et on a conservé quelques rapports des services secrets soviétiques… Mais il fallut attendre la publication de l’ouvrage d’un des témoins du drame, Martin Bergau « Der Junge von der Bernsteinküste » en 1994, pour que le drame soit dévoilé au grand jour… Suivirent d’autres témoignages, quelque fois sujets à caution ou à contradictions, mais l’ensemble des faits a pu être assez fidèlement reconstitués et l’on a aujourd’hui un récit assez fidèle de ce qui s’est réellement passé.

Lorsque le 12 janvier 1945 démarre l’offensive soviétique, les SS vident un à un les camps dépendant de Stutthof en Prusse orientale. Les Häftlinge sont poussés vers Königsberg et concentrés dans une usine près de la gare du nord de la ville. Le dernier appel fait état de près de 13 000 détenus. Sur le sort de la plupart d’entre eux, on n’a que des hypothèses et des suppositions, mais pas de témoignages avérés. Mais pour plus de 5 000 de ces détenues les preuves sont certaines : elles sont poussées hors de leur usine le 26 janvier, et alors qu’il n’y a plus de liaison vers le Reich, sont menées par les SS sans vivre ni habits chauds, par un froid glacial, sur la route de Palmnicken. Seules survivent à cette marche de 15 kilomètres un peu plus de 3 000 détenues : toutes des femmes, Polonaises, Ukrainiennes et Hongroises. En chemin, les SS abattent toutes celles qui faiblissent ou se penchent pour ramasser de la neige afin d’étancher leur soif. Cela se passe au grand jour, sous les yeux de dizaines de témoins, sans aucune volonté de cacher le massacre.

Renate Laatsch, qui transporte l’argent de la paie de Königsberg à Palmnicken pour la société où elle travaille n’arrive pas à avancer et son chauffeur doit s’arrêter à tout bout de champ pour dégager les cadavres parsemant la route. Klaus Lemke, 10 ans, qui joue l’après midi au bord de la route à Kumehnen se cache, empli de terreur lorsque le convoi traverse le village. Il voit de nombreux cadavres ainsi que des blessées demandant de l’aide… Venant de Fischhausen, Théodor Gehrenbach prend tôt le matin la route de Palmnicken. Epouvanté, il commence à compter les cadavres gisant au bord de la route… il abandonne quelques centaines de mètres plus loin : il a compté jusqu’à 386… Le jeune Martin Bergau, 16 ans, de Palmnicken, fait partie du Volkssturm et est armé d’une mitraillette prise aux Soviétiques. Vers 3 heures du matin il est réveillé dans la maison paternelle bordant la rue principale par des cris et des coups de feu. Pensant à une attaque des Rouges, il se rue hors de la demeure au moment où une femme arrive au seuil de la maison. Effrayée à la vue de la mitraillette, elle se retourne et s’effondre, morte, fauchée par des balles. Martin s’abrite derrière une fondrière à l’angle du jardin pour voir la longue théorie des prisonnières poussées par les gardes vers l’usine d’ambre. Qui sortait de la colonne était immédiatement fusillée. Bergau apprit plus tard que quelques prisonnières avaient réussi à s’échapper par des jardins…

L’ordre d’effectuer cette marche de la mort a sans doute été donné par le chef de la Gestapo de Königsberg, un certain SS Sturmbannführer nommé Gormig. Il se suicidera plus tard. L’objectif du SS, Palmnicken et sa mine d’ambre, lui a été donné par le patron de l’usine, Gerhard Raasch : on emmurerait les victimes dans les galeries de la mine Anna. On compte pour cela sur la collaboration du maire et du responsable local du parti, Kurt Friedrich et de la direction de la mine. Mais rien n’est prévu pour l’accueil et l’hébergement ni des victimes, ni des bourreaux, le SS Obersturmführer Fritz Weber (qui se suicidera en 1965 lors de sa mise en examen), 2 Untersturmführer, 20 SS allemands et environ 120 auxiliaires étrangers, Ukrainiens, Belges, Hollandais et Lituaniens… A cause de leur uniforme couleur brun - terre, les témoins les ont confondus avec des membres de l’organisation Todt. Mais les SS se sont fourvoyés dans leurs plans : le directeur de la mine refuse de « libérer » une galerie, arguant du fait qu’elle sert à fournir de l’eau potable aux habitants de Palmnicken. De plus, il ouvre les portes du grand atelier de mécanique de l’entreprise pour accueillir les détenues épuisées. Les gardes se reposeraient dans les bureaux et les corridors. Le lendemain, arrive Hans Feyerabend, le directeur général des établissements d’état d’ambre, et Weber n’a d’autre choix que de remettre son commandement. La position de Feyerabend est claire : lui vivant, les Juives auraient à manger et seraient protégées : Palmnicken ne sera pas Katyn !

Feyerabend fait abattre du bétail, fournir de la paille, des pois et du pain. La cantine de l’entreprise est chargée de nourrir les détenues. A l’intérieur de l’entreprise, Feyerabend peut s’occuper à protéger les détenues. Mais à l’extérieur, le maire Friedrich a les mains libres. Il organise des convois tirés par des chevaux chargés de ramasser les cadavres sur la route, et monte des section de Hitlerjugend chargées de fouiller maison et bois à la recherche des Juives échappées, avec ordre de les abattre immédiatement ou de les lui livrer. Bertha Pulver témoigne qu’elle à elle même reconnu quelques uns de ces jeunes et leur a « soustrait » une juive, Dora Hauptmann, qu’elle a cachée chez elle jusqu’à la mi avril en attendant l’arrivée des Russes, prétendant aux jeunes qu’elle allait elle-même la livrer.

Feyerabend jouit dans la région d’une grande considération. Capitaine de réserve, ancien de la première guerre mondiale, il est aussi le commandant du Volkssturm de Palmnicken. Pour l’écarter, Friedrich et Weber intriguent. Du SD de Königsberg, Feyerabend reçoit un ordre pressant : il lui faut, avec 100 membres du Volkssturm, renforcer une position de la Wehrmacht près de Kumehnen. Le mardi 30 janvier il arrive en vue de la position et tombe sur une unité de l’armée qui lui apprend que non seulement elle n’a demandé aucun renfort, mais que de plus elle ne peut utiliser le commando. Feyerabend, qui avait ordonné à son bras droit de veiller sur les détenues en son absence, comprend qu’il est tombé dans un piège et qu’il ne peut plus rien faire. Des camarades retrouvèrent plus tard son corps, la tête traversée d’une balle de son propre revolver. Il s’est sans doute suicidé par désespoir…

Ce même mardi soir, Friedrich rassemble une douzaine de membres des HJ (dont Bergau) à la mairie, leur fait distribuer de l’alcool et les envoie sous les ordres de 3 SS à la mine Anna, avec ordre de garder mes femmes reprises après leur tentative de fuite… Une cinquantaine d’après Bergau. Deux par deux, elles sont conduites par les SS dans un coin du carreau de mine. Obligées de s‘agenouiller au bord du puits, elles sont abattues d’une balle dans la nuque et basculées dans le puits. Celles qui vivent encore sont achevées par les HJ.

Mercredi, le corps de Feyerabend est ramené. Son adjoint est totalement découragé et écarté. Les 3 000 juives qu’il avait jusque là protégées se retrouvent à nouveau aux mains des SS. Dans la nuit du 31 janvier au 1 février, sous prétexte d’être embarquées pour être conduites par bateau en lieu sûr, les détenues sont menées de la porte nord de l’usine vers la grève.De là, elles devraient se diriger à pied le long de la côte par la plage gelée en direction du sud. Alors que la colonne s’étire le long de la côte et en partie sur la mer gelée, les SS remontent la colonne par l’arrière et en avançant, font feu sur les détenues à la mitraillette. Celles qui n’étaient pas tuées ou simplement blessées se retrouvent dans l’eau glacée entre les blocs de glace bisés. Dans la panique et l’obscurité, et malgré le nombreuses fusées tirées par les bourreaux, le massacre systématique n’est pas possible : beaucoup de femmes ne sont ni tuées ni même blessées. Mais toutes se retrouvent refoulées dans l’eau glacée et sombrent peu à peu dans le coma. Certaines mettront des heures à mourir. Quelques-unes, très peu parviennent à se réfugier dans les maisons le long de la côte. Dans l’hôpital de Palmnicken les médecins et infirmières soustraient de la mortelle piqûre d’un homme de la Gestapo la blessée Anneliese et la soignent. Elle mourra hélas plus tard de ses blessures, comme d’autres femmes blessées ayant réussi à échapper au massacre. Il n’y aura que 15 rescapées qui pourront témoigner quelques semaines plus tard devant les troupes soviétiques.

Les Russes, croyant avoir découvert dans de nombreuses fosses et des charniers des victimes soviétiques, tenteront de retrouver les coupables. Mais à part quelques jeunes de la Hitlerjugend, ils n’eurent aucun succès, les vrais coupables ayant eu largement le temps de s’enfuir, d’autant plus qu’en février, l’Armée Rouge se retira à nouveau du Samland. A la Pentecôte 45, environ 200 femmes et jeunes filles seront obligées par les Soviétiques de mettre à jour et à mains nues un charnier contenant 263 cadavres de victimes Juives, ensevelies dans une fosse de 30m de long près du puits Anna, soit 204 femmes et 59 hommes. Les victimes sont enterrées décemment dans une fosse commune.

Puis l’affaire sombre dans l’oubli, d’autant qu’en 1947-1948 tous les Allemands sont obligés de quitter la région alors que s’installent des civils d’autres régions soviétiques. Palmkirchen devient Jantarny Les cimetières des Allemands et des autres victimes sont arasés. Le charnier près du puits Anna sombre dans l’oubli. Dans les années 1960, suite à de nouveaux forages miniers, des excavatrices tombent sur des ossements. On imagine immédiatement avoir trouvé une fosse commune contenant les restes de soldats soviétiques prisonniers massacrés par des Allemands et on érige un monument commémoratif avec l’inscription « Gloire éternelle aux héros », et lorsque plus tard un avion soviétiques s’écrasa non loin, on inhuma les deux pilotes dans ce mémorial. Année après année, les jeunes Komsomolsk vinrent fleurir l’endroit lors de cérémonie commémoratives si particulières aux soviétiques, jusqu’au jour où, suite à l’effondrement de l’Union Soviétiques, les frontières s’ouvrirent… En 1994, lors d’une visite sur son lieu de naissance, Martin Bergau compare le monument commémoratif avec les documents soviétiques ignorés à Jantarny, mais connus en Israël et qu’il s’était procurés. Il alla s’ouvrir à la municipalité de ses découvertes, et les autorités lui permirent la restauration de la nécropole. Plus tard, il obtiendra le soutien du ministère allemand de Affaires Etrangères et de l’organisation Russe « Mémorial ».

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