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Auschwitz, camp de concentration nazi

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7.1. Les rescapés

Vivre au camp
« Prominents » et bons kommandos
Le « Musulman »
Le travail
Les exécutions
Les sélections
Les expériences médicales

7.1.6. Les sélections

7.1.6.1. SĂ©lection Ă  Auschwitz II par Fred Sedel

« 27 janvier 1944 (…) :

« Le « médecin » jauge du regard les hommes qui défilent, d’un regard qui n’exprime que morgue et mépris. A chaque malade qui passe il fait signe de l’index tendu, sans décoller le coude du corps, en déplaçant simplement le doigt à gauche ou à droite. A gauche vont ceux qui auront la vie sauve, à droite les condamnés à mort, ceux qui iront à la chambre à gaz. (…) Toute la scène n’a pas duré une heure. La plupart des inscrits sont hébétés, ne parlent pas, ne bougent pas. Assis sur leurs grabats ils ont l’air perdu dans un rêve lointain, détachés de tout. Les plus jeunes pleurent honteusement, cachés sous leurs couvertures (…). »

« L’après-midi de cette journée affreuse se passe dans une ambiance étouffante. Je reste recroquevillé dans mon lit et j’évite de rencontrer les regards de ceux qui sont inscrits pour mourir… »

Fred Sedel, Auschwitz II - Birkenau

7.1.6.2. Kuhn est fou par Primo Levi

« Kuhn remercie Dieu de n’avoir pas été choisi. Kuhn est fou. Est-ce qu’il ne voit pas, dans la couchette voisine, Beppo le Grec qui a vingt ans, et qui partira après-demain à la chambre à gaz, qui le sait, et qui reste allongé à regarder l’ampoule, sans rien dire et sans plus penser à rien ? Est-ce qu’il ne sait pas, Kuhn que la prochaine fois ce sera son tour ? »

« Est-ce qu’il ne comprend pas que ce qui a eu lieu aujourd’hui est une abomination qu’aucune prière propitiatoire, aucun pardon, aucune expiation des coupables, rien enfin de ce que l’homme a le pouvoir de faire ne pourra jamais plus réparer ? »

Primo Levi

7.1.6.3. Au Revier Robert LĂ©vy

« Tout à coup, le médecin SS se présente dans les Blocks. Tous les malades et blessés doivent défiler nus devant lui (ils étaient du reste rarement munis d'une chemise). D'un geste de son index, il les fait mettre presque tous d'un côté de la baraque. Le sergent infirmier inscrit leur numéro matricule. Consternés, car nous savons qu'ils sont condamnés à mort, nous mentons à ces malheureux et nous leur disons qu'on va les transférer dans un autre camp. La plupart ne se font aucune illusion sur le sort qui les attend. »

« Les plus jeunes pleurent et ne veulent pas comprendre qu'à cause d'un ulcère de la jambe ou d'une gale infectée ils doivent mourir. Ils me demandent anxieusement si l'asphyxie par les gaz est douloureuse. Les plus âgés sont résignés, d'autres prient et écrivent des lettres d'adieu qui n'arriveront jamais à destination. Les médecins, les infirmiers continuent à donner les soins comme d'habitude. Pendant des heures, nous renouvelons les pansements de ceux qui vont mourir. Heureux ceux qui sont tellement exténués qu'ils ne réalisent plus et sont devenus absolument indifférents. Quelques-uns meurent encore pendant la journée dans leur lit. Tout à l'heure, on entassera leurs cadavres parmi les vivants, qui dans la soirée sont réunis dans un local. Après un dernier appel et une dernière vérification de leurs numéros matricules, on leur enlève chemises et ceintures et ils montent tout nus dans les camions. Les quelques récalcitrants y entrent poussés par des coups de crosse et des coups de gourdin. Consignés dans nos baraques, nous regardons à travers les fissures les camions se diriger vers les fours. »

Robert Lévy, Témoignages strasbourgeois. De l'Université aux camps de concentration, Les Belles Lettres, 1947

7.1.6.4. Au Revier par un officier polonais

Un officier polonais qui a pu s'évader d'Auschwitz confirme ces scènes.

«  La façon dont ceux qui étaient condamnés au gaz étaient envoyés à leur destin était exceptionnellement brutale et inhumaine. Les cas chirurgicaux graves portant encore leurs pansements, ainsi qu'une procession de malades épuisés et terriblement émaciés, et même les convalescents en voie de guérison, étaient chargés sur des camions. Ils étaient nus et le spectacle était absolument horrible. Les camions s'arrêtaient à l'entrée du quartier et les malheureuses victimes y étaient simplement jetées ou empilées par les auxiliaires. Je fus souvent le témoin de ces expéditions tragiques. Une centaine d'individus étaient comprimés dans un petit camion. Tous savaient exactement le sort qui les attendait. Une grande majorité restait absolument apathique, tandis que les autres, surtout les malades de l'infirmerie, avec leurs blessures béantes qui saignaient ou leurs plaies horribles, se débattaient avec frénésie. »

7.1.6.5. SĂ©lection Ă  Monowitz par Robert Waitz

« Dans le camp, la sélection se passe de la manière suivante. Brusquement, un soir, après la rentrée du travail, les Blocks sont consignés et aucun détenu n'a le droit de quitter son Block. Dans chaque Block passent soit des SS (exceptionnellement le médecin SS, rarement le sous-officier infirmier), soit habituellement des médecins déportés. On fait défiler devant eux, d'un pas accéléré, la totalité des détenus de ce Block, nus de face et de dos. Tous ceux qui sont très maigres sont inscrits sur une liste, même s'ils ne se sont jamais présentés à l'infirmerie depuis deux ans par exemple, et s'ils donnent pleine satisfaction à leurs contremaîtres. »

« Il faut avoir vu les SS et les médecins inspecter la région fessière de ces hommes amaigris; un large espace bâille entre les cuisses, bien que les pieds soient réunis ; les fesses sont réduites à un petit sac de peau plissée et entre elles on aperçoit tout le périnée et les bourses ; l'anus se présente au fond d'un profond entonnoir. Dans les cas douteux, on soupèse les fesses, pour voir si, dans ces sacs fessiers, il persiste un peu de muscle. Au cours de ces sélections, les kapos ont un rôle important, car ils peuvent défendre un détenu, souligner son rendement au travail et le faire rayer de la liste. Inversement, ils peuvent facilement se débarrasser des déportés qui ne leur plaisent pas. »

Robert Waitz, Témoignages strasbourgeois. De l'Université aux camps de concentration, Les Belles Lettres, 1947

7.1.6.6. Adolf par Franciszek Stryj

«Les sélections aux blocks des malades étaient à l'ordre du jour. Mais les prisonniers furent pris d'une panique inouïe quand après l'appel du soir on annonça la « Lagersperre » et qu'arriva aux douches un groupe de SS conduits par le Lagerführer Baer, l'Arbeitsdienst, le SS-Untersturmführer Sell et Kaduk (...). Sur un signe du chef de block, nous démarrâmes en file indienne, d'un petit trot alerte, de façon que les yeux des SS pussent se poser un moment sur chacun de nous. Nous devions faire très attention parce que les claies placées sous les douches fermées étaient posées inégalement. Il était donc facile de se tordre le pied et de tomber. Trébucher ou tomber, c'était se faire aussitôt remiser dans le groupe de ceux qui étaient choisis pour la mort. Les SS nous dévoraient avidement des yeux. Ils cherchaient des victimes. Plus il y en avait, mieux c'était.

Après la revue pendant laquelle nous avions traversé en courant toute la baraque des douches, nous nous rangeâmes tous dans l'Allée des Bouleaux, non loin des barbelés. Le chef de block recompta une fois de plus les effectifs de prisonniers. Six compagnons de notre block étaient restés aux douches pour passer au gaz ou à la piqûre de phénol. Nous avons vécu des moments terribles. Aux uns ils ôtèrent toute énergie, aux autres ils donnèrent des ailes.

En revenant au block, Adolf ne pouvait pas croire qu'il venait de triompher de l'épreuve du feu. Il essaya de courir dans la salle à la même vitesse qu'un moment plus tôt aux douches, il trébucha sur le terrain uni. Il touchait ses pieds enflés, les caressait avec amour, et répétait sans cesse : « Mein Gott, mein lieber Gott. Wie habe ich das fortgebracht » (« Mon Dieu, mon Dieu, comment ai-je réussi cela ! »). Puis il se promena tout nu dans la salle comme s'il voulait s'assurer qu'il était encore au nombre des vivants. Il était heureux comme un gosse à qui l'on avait fait un cadeau inattendu et demandait à tout le monde d'admirer qu'il ressemblait à un jeune dieu.

En octobre de cette année-là, nous subîmes une fois encore cette épreuve de forces et de nerfs.

Adolf ne rentra plus avec nous… »

Franciszek Stryj, A l’ombre des fours crématoires. Katowice 1960

7.1.6.7. Cas de conscience par Ella Lingens-Reiner

Ella Lingens-Reiner, allemande et médecin déportée à Auschwitz parce qu'elle avait aidé des Juifs, décrit les limites très étroites de l’éthique médicale dans le camp :

« On ne sélectionnait pas seulement les femmes faibles et malades, dont la majeure partie n'auraient certainement pas survécu à la vie du camp ; on avait pour principe de choisir une certaine quantité, et on aurait pris des femmes saines et fortes, si le nombre des faibles avait été insuffisant. Il m'importait de le savoir, car j'avais souvent discuté avec des collègues la meilleure conduite à adopter lors des sélections. Certaines cachaient les plus faibles, dans l'espoir toujours trompeur de voir épargnées de toute manière celles qui se trouvaient dans un meilleur état. Mais les faibles mouraient d'elles-mêmes, et les plus fortes, qu'on aurait pu sauver, passaient à leur place « par la cheminée ». En conséquence, on doublait le nombre des morts. Afin de l'éviter, une jeune doctoresse juive avait l'habitude de présenter aux SS même ses malades les plus faibles. On lui reprochait de coopérer de son plein gré aux sélections. Les principes normaux de l'éthique médicale et humaine ne s'appliquaient plus, car on se trouvait confrontés à des problèmes qui n'avaient jamais existé auparavant, face auxquels on était entièrement désemparé. Dans ces situations sans issue, on risquait de renoncer à toute espèce de morale... »
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