Les « Primitifs » italiens (Histoire de l'art)
3. L’école de Sienne
Généralités
Peintres et Å“uvres
3.1. Généralités
Sienne est fondée par les Romains sur un territoire occupé par des petits groupes étrusques, dépendant de Volterra. A partir du Vè siècle, la ville devient siège d’un évêché, puis s'agrandit sous la domination lombarde aux dépens du diocèse d'Arezzo. Loin de la mer et sans fleuve, située sur des collines peu propices a sa défense, Sienne ne possède qu’un atout : sur son territoire passe la route principale pour Rome et le nord de l'Europe, la « Romea » ou « Francigena » ; grâce à elle, la cité prend une importance économique et politique de premier ordre. À partir du XIIè siècle elle devient une Commune libre et au XIIIè une des plus importantes puissances financières européennes.
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En 1250, à la mort de Frédéric II, empereur germanique et roi d'Italie, Sienne prend parti pour son fils Manfredi et pour le parti gibelin. Elle entre en conflit avec la guelfe Florence et emporte en 1260 la bataille de Monteaperti, s’assurant l’hégémonie sur la Toscane. Hégémonie de courte durée : battue en 1269 à Colle Val d'Elsa elle perd tout poids politique, passe dans le camp des Guelfes florentins, mais réussit à maintenir ses activités commerciales et financières.
Les premiers témoignages picturaux de Sienne remontent à la fin du XIIe siècle et le plus ancien tableau sur bois mentionnant une date, le « Rédempteur bénissant », remonte à 1215. C’est un devant d'autel de style roman-byzantin. Un autre artiste, le « Maître de Tressa », produit une « Madone aux grands yeux » qui servira de modèle à une série d'œuvres apparentées… La seconde moitié du XIIIe siècle voit œuvrer Guido da Siena, toujours dans le style de la peinture byzantine des environs de 1260-1270, mais avec un raffinement qui va caractériser toute la peinture siennoise.
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Surtout, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la ville s’ouvre au mouvement artistique innovateur dû à Frédéric II, expérimente le goût raffiné transalpin, marquant la transition culturelle vers un nouveau style : elle accueille les Pisano, Nicola puis son fils Giovanni, Arnolfo di Cambio, l'orfèvre Guccio di Mannaia, et ses artistes locaux n'hésitent pas à se rendre en France pour apprendre « in loco » les nouvelles orientations du gothique : Sienne devient l'un des plus grands centres d'expérimentation artistique, d’où émerge bientôt la figure centrale de Duccio di Buoninsegna : un document de 1295 mentionne Duccio comme l'unique peintre appelé à faire partie, avec les maîtres de l'Oeuvre de la cathédrale dont Giovanni Pisano, d’une commission spéciale instituée pour décider l'emplacement de la nouvelle fontaine d'Ovile. Il décore les couvertures des « Biccherna, réalise des cartons du vitrail de la cathédrale et créé la monumentale « Maestà  », s’affirmant comme l’artiste siennois majeur de la fin du Trecento.
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Du langage gothique des miniaturistes et des maîtres transalpins en partie assimilé par Duccio di Boninsegna naît la peinture de l’autre grand artiste siennois : Simone Martini. L'artiste adapte la tradition de la ligne et de la couleur aux goûts et aux nécessités de la riche et élégante société de son temps.
Contemporains de Simone, en cette période la plus féconde de l'histoire de la peinture siennoise, évoluent deux autres personnalités de grand relief : les frères Pietro et Ambrogio Lorenzetti. Tous les deux sont formés à l'école de Duccio mais accueillent et intègrent la leçon giottesque et créent des formes plus plastiques et vigoureuses insérées dans un espace fonctionnel qui les rend imposantes et sévères. Le « Trecento » siennois s’achève avec des maîtres qui travaillent presque tous dans la tradition de Martini : Lippo Memmi, Bartolo di Fredi et Andrea di Bartolo, Andrea Vanni, Paolo di Giovanni Fei, Taddeo di Bartolo…
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Pendant presque tout le Quattrocento, la peinture siennoise tend à se replier sur elle-même, prolongeant sa glorieuse tradition, n’accueillant les nouveautés florentines que dans la mesure où elles peuvent être compatibles avec la tradition, ce que Roberto Longhi nomme « gothique à l'ombre de la Renaissance ».
Les modèles siennois restent l'« Annonciation » de Simone Martini et le « Bon Gouvernement » d'Ambrogio Lorenzetti, capables encore d'émouvoir les âmes et toujours appréciées des Siennois. C’est dans cette tradition qu’œuvrent Stefano di Giovanni « Sassetta », Sano di Pietro ou Giovanni di Paolo…
Ainsi, Florence et Sienne sont rivales avec une égale énergie. Gothique, foyer pictural particulariste, Sienne précède la romane Florence et se développe parallèlement à elle. La douceur siennoise fait paraître sec l'art des continuateurs de Giotto. Sienne exprime les lois de son peuple dans des fresques qui contribuent à traduire son sens civique. Le Palais des Seigneurs de la République met sous les yeux des magistrats une allégorie parlante : « le Triomphe du bon Gouvernement ». La Sagesse, la Justice médiévale et une candide Paix drapée à la manière de Giotto inspirent Ambrogio Lorenzetti, même si Sienne se défend d'emprunter quoi que ce soit à Florence ; les deux écoles voisines s'influencent malgré elles (Simone Martini s'associe à Lippo Memmi pour créer « l'Annonciation » des Offices).
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