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Rome : la chapelle Sixtine (Vatican)

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2. Les fresques de Michel Ange

Michelangelo Buonarotti
La voûte de la Sixtine
Le jugement dernier

2.3. Le jugement dernier

2.3.1. Description

Le jugement dernier. Vue générale. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier. Vue générale. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican

La première impression qui se dégage de cette immense œuvre réalisée par Michel-Ange entre 1536 et 1541 et qui comporte plus de 400 personnages est celle d'un événement véritablement universel, au centre duquel tient la figure puissante et athlétique du Christ, représenté juste avant que ne soit prononcé le Jugement Dernier (Matthieu XXV, 31-46).

Son geste, à la fois impérieux et calme semble attirer l'attention tout en apaisant l'agitation ambiante : il crée un mouvement rotatoire, ample et lent, qui entraîne tous les personnages présents : de son bras droit élevé par-dessus la tête, paume ouverte, il rejette les damnés du côté gauche, qui tentent de monter, vers les enfers ou les attendent Charon et sa barque et Minos, le juge redoutable ; de sa gauche il semble comme aspirer les élus à sa droite, comme dans un irrésistible courant ascendant… C’est une imbrication extraordinaire de postures et de mouvements : grappes humaines mêlées, êtres effrayés ou sereins, corps intacts ou chairs décomposées, horribles masques…

Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant et la vierge Marie. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant et la vierge Marie. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican

La Vierge est à côté du Christ, penchant la tête en signe de résignation : elle sait en effet qu’elle ne peut plus intervenir dans la décision mais, seulement attendre l'issue du Jugement. Autour du Juge suprême, formant de vastes orbites pareilles aux mandorles médiévales, les saints et élus attendent eux aussi dans l'anxiété l'annonce du verdict. Certains d'entre eux sont aisément reconnaissables : à gauche du Christ saint Pierre portant les deux clés ; à droite, son pendant, Jean Baptiste dont on devine une partie de la peau dont il était revêtu ; sont présents de nombreux martyrs comme saint Laurent avec son gril, saint Barth'>Barthélémy avec sa propre peau (représenté sous les traits de l'Arétin, qui allait âprement critiquer l'artiste), sainte Catherine d'Alexandrie (nue à l’origine) avec sa roue dentée, saint Sébastien à genoux, les flèches à la main, saint Blaise et ses peignes…

Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant entouré des saints. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican.
Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant entouré des saints. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican.

Au-dessous du Christ, au centre, les anges de l'Apocalypse réveillent les morts au son de longues trompettes ; dans leur groupe, saint Michel, habituellement représenté avec la balance, tient en main le livre des élus grand ouvert.

Dans le registre inférieur droit, les damnés, rejetés par les anges et tirés vers le bas par les démons, sont comme aspirés par l’enfer et s’entassent pêle-mêle sur la barque du nautonier Charon, menaçant dans son esquif instable : il a le regard fou et fait tourbillonner sa rame au dessus des damnés. Sur la rive les attend, devant la gueule béante de l’enfer, Minos, prince de l’Hadès, le corps ceint d’un reptile. Une figure remarquable se dégage du groupe des damnés : celle de l’homme entraîné vers l’enfer juste à côté des anges aux trompettes : anéanti par le jugement, il ne ne débat pas mais accepte son sort et exprime le tourment intérieur où se devinent, sans doute comme chez l’artiste, le désespoir, le remords, et la crainte de l'anéantissement physique et spirituel.

Dans la partie gauche de la fresque, le mouvement est ascendant : comme dans la vision d’Ezéchiel, les élus ressuscitent, leurs corps se reforment ; il sortent de terre et s’élèvent vers Dieu, souvent aidés par des anges, où ils rejoignent les saintes, vierges, martyrs, sibylles et héroïnes de l’Ancien Testament.

Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Les deux lunettes supérieures sont les seuls espaces, avec les rochers, le lac et l'enfer de la partie inférieure définis selon les principes de la profondeur, et qui ne participent pas au mouvement général qui anime la scène. Elles représentent deux groupes d'anges qui portent les symboles de la Passion : à gauche la Croix, les clous et la couronne d'épines ; à droite la colonne de la Flagellation, l'échelle et la branche portant l'éponge imbibée de vinaigre. Dans ces deux parties autonomes, l’artiste veut clairement faire ressortir l’impression de frayeur et de peur que suscitent les instruments du martyre du Christ. Les corps nus s'agglutinent, écrasés par la colonne soutenant une croix défaillante. Une silhouette vue de dos se trouve à la place du Christ sur la croix ! Seul Léonard de Vinci dans sa fameuse esquisse pour l'Adoration des Mages avait exprimé un tel trouble entraîné par la venue du Messie.

Michel Ange s’est, semble t-il, représenté deux fois dans le jugement dernier : d’une part dans le visage de la « peau » d’écorché que saint Barth'>Barthélemy tient de sa main gauche ; d’autre part dans le personnage qui, dans le coin inférieur gauche de la fresque, observe en encourages les élus se levant de leur tombe.

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Le jugement dernier, détail : saint Barth'>Barthélemy se défaisant de sa peau (autoportrait de l’artiste).1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus à la gauche du Christ sont bénis. On reconnaît Simon de Cyrène avec la croix, saint Sébastien, modèle de nu classique, tenant les flèches de son martyr. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus à la gauche du Christ sont bénis. On reconnaît Simon de Cyrène avec la croix, saint Sébastien, modèle de nu classique, tenant les flèches de son martyr. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les anges soufflant dans les trompettes du jugement. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les anges soufflant dans les trompettes du jugement. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : l’archange Michel avec le livre des élus. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : l’archange Michel avec le livre des élus. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : la barque de Charon. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : la barque de Charon. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : la tête de Charon. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : la tête de Charon. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : Minos, le juge des enfers, au milieu des démons, entouré d’un serpent. Selon Vasari, il est représenté sous les traits du maître des cérémonies du pape, Biagio da Cesena, qui ne cessait de se plaindre de la nudité des personnages de Michel Ange… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : Minos, le juge des enfers, au milieu des démons, entouré d’un serpent. Selon Vasari, il est représenté sous les traits du maître des cérémonies du pape, Biagio da Cesena, qui ne cessait de se plaindre de la nudité des personnages de Michel Ange… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les anges protant la croix : lunette gauche. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les anges protant la croix : lunette gauche. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite : les anges lèvent la colonne de la flagellation, qui penche vers la droite, pour répondre à la croix levée dans la lunette gauche. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite : les anges lèvent la colonne de la flagellation, qui penche vers la droite, pour répondre à la croix levée dans la lunette gauche. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : saint <a class=Barth'>Barthélemy se défaisant de sa peau (autoportrait de l’artiste).1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican'>
Le jugement dernier, détail : saint Barth'>Barthélemy se défaisant de sa peau (autoportrait de l’artiste).1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

2.3.2. Sources et inspiration

Fra Angelico : le Jugement dernier. Vers 1451. Huile bois  105 x 210cm. Florence, Musée San Marco
Fra Angelico : le Jugement dernier. Vers 1451. Huile bois 105 x 210cm. Florence, Musée San Marco

Les sources de cette grandiose fresque sont multiples et remontent jusqu’aux premiers temps du christianisme romain. Michel Ange va admirablement synthétiser avec force et détermination les nombreux apports iconographiques et littéraires, antiques et personnels.

Le thème du Jugement dernier apparaît avec force en sculpture sur les tympans romans puis gothiques. En Italie, cette iconographie apparaît aussi vers le XIIIe siècle dans les mosaïques de l'église de Torcello, près de Venise, et, en peinture, le premier chef d’œuvre est réalisé par Giotto dans la chapelle Scrovegni de Padoue (1306). Suivent de nombreux autres chefs d’œuvre comme celui d’Orcagna (Nardo di Cione) à Santa Maria Novella de Florence vers 1350, le Jugement dernier de Fra Angelico du musée de San Marco à Florence (1432-1435), l’immense œuvre de Signorelli à la chapelle San Brizio d’Orvieto (1499-1502) et le célèbre retable du Jugement dernier de Rogier Van der Weyden de l’hospice de Beaune (1446-1452). 

Luca Signorelli: la résurrection de la chair. 1499-1502. Fresque. Chapelle saint Brice, dôme d’Orvieto
Luca Signorelli: la résurrection de la chair. 1499-1502. Fresque. Chapelle saint Brice, dôme d’Orvieto

Michel-Ange reprend les motifs majeurs de cette la tradition chrétienne comme la place centrale accordée au Christ Juge (Isaïe LXVI, 15), le rôle de la Vierge Marie ou la représentation des instruments de la passion. Il garde de même la référence à la tradition antique païenne en mettant en scène des personnages comme Charon ou Minos. Enfin il suit la tradition médiévale de la peinture sans profondeur ni perspective, où le paysage ne joue qu'un rôle secondaire.

Le jugement dernier, détail : figure centrale d’un damné exprimant désespoir, remord, anéantissement physique et spirituel… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : figure centrale d’un damné exprimant désespoir, remord, anéantissement physique et spirituel… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

En qui concerne la résurrection des morts, Michel Ange s’inspire d'Ézéchiel, comme l'avait déjà fait Signorelli dans la cathédrale d’Orvieto : « Dieu me dit : prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : ossements desséchés, écoutez la parole de Yahvé. Ainsi parle le Seigneur Yahvé à ces ossements. Voici que je vais faire entrer en vous l'esprit, et vous vivrez. Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai pousser sur vous de la chair, je tendrai sur vous de la peau, je vous donnerai un esprit et vous vivrez, et vous saurez que je suis Yahvé » (Ézéchiel XXXVII, 1-6). Mais il s'inspire aussi de Daniel : « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle ». (Daniel XII, 2). Michel-Ange est en effet non seulement un lecteur assidu des Écritures, mais il fréquente assidûment de nombreux hauts prélats et théologiens qui pouvaient le guider, et lui expliquer certains passages controversés.

Le jugement dernier, détail : figure centrale d’un damné exprimant désespoir, remord, anéantissement physique et spirituel… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : figure centrale d’un damné exprimant désespoir, remord, anéantissement physique et spirituel… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Mais il s’inspire aussi énormément de Dante Alighieri, qu'il lit et imite parfois dans ses propres écrits, et auquel il avait l’intention d’édifier un monument à Florence. Particulièrement influents sont les chants X et XII du Purgatoire de la Divine Comédie.

Enfin Michel Ange s’inspire, dans certaines anatomies du jugement dernier, et particulièrement dans la figure du Christ Juge, des sources antiques, grecques et romaines.

Luca Signorelli: les damnés. 1499-1502. Fresque. Chapelle saint Brice, dome d’Orvieto
Luca Signorelli: les damnés. 1499-1502. Fresque. Chapelle saint Brice, dome d’Orvieto
Rogier van der Weyden : polyptyque du Jugement Dernier. 1445-1449. Huile sur bois, 215x560cm. Beaune, Hôtel Dieu.
Rogier van der Weyden : polyptyque du Jugement Dernier. 1445-1449. Huile sur bois, 215x560cm. Beaune, Hôtel Dieu.
Orcagna (Nardo di Cione) : l’enfer. 1350. Chapelle Strozzi, Santa Maria Novella, Florence
Orcagna (Nardo di Cione) : l’enfer. 1350. Chapelle Strozzi, Santa Maria Novella, Florence
Giotto di Bondone : le jugement dernier. 1306. Fresque, 10 x 8,4m. Padoue, Chapelle Scrovegni de l’Arena
Giotto di Bondone : le jugement dernier. 1306. Fresque, 10 x 8,4m. Padoue, Chapelle Scrovegni de l’Arena
Le jugement dernier, détail : les damnés sont littéralement « aspirés » par l’enfer, Réminiscence de l’enfer de Dante, familier à l’artiste. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les damnés sont littéralement « aspirés » par l’enfer, Réminiscence de l’enfer de Dante, familier à l’artiste. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

2.3.3. Les apports de Michel Ange

Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant et la vierge Marie. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : le Christ jugeant et la vierge Marie. 1537-1541. Fresque, 1370 x 1220 cm. Chapelle Sixtine, Vatican

Mais Michel Ange apporte au thème du jugement une interprétation totalement nouvelle, élaborant une conception toute particulière et personnelle. Son traitement tragique et convulsif du thème rompt totalement avec les exemples antérieurs. L’humanité est représentée tout entière impuissante et soumise à l’impitoyable puissance de la volonté divine. Ainsi les saints, martyrs et patriarches ne semblent nullement rassurés, et leurs visages sont souvent des masques de douleur, à l’instar de certaines figures du Déluge universel de la voûte. La torsion du corps du prophète Jonas, qui surplombe au centre le Jugement, ajoute une touche de dynamisme cosmique bouleversant.

À l'idée médiévale du salut éternel, de la providence, du paradis et de ses délices succède chez Michel Ange celle du « fatum », de la fatalité antique, pleine d'incertitudes et de frayeurs. Il abolit toute hiérarchie et réunit élus et damnés dans un seul espace plat, ascensionnel. Occupant toute l'étendue du grand mur, il ne laisse aucune place aux encadrements, pour mieux plonger le visiteur dans le fourmillement humain dominé par la force énergétique du Christ.

Le jugement dernier, détail : les élus. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : les élus. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Contrairement à la tradition italienne et flamande incarnée par Fra Angelico et Van der Weyden, Michel-Ange réduit de façon draconienne la gamme chromatique. Seul l'enfer attire l'oeil avec ses vifs rougeoiements, brillance qui trouve un écho dans la mandorle qui épouse le contour du dos du Juge suprême ainsi que dans le bleu de la Vierge. La scène entière, sur le plan religieux et émotionnel, semble pivoter autour du personnage du Christ Juge. Le bleu du fond et le brun verdâtre des corps ne semblent pas jouer un autre rôle que celui de simples valeurs chromatiques, servant à structurer l'espace et son dynamisme.

Le jugement dernier, détail : un damné précipité en enfer. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : un damné précipité en enfer. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Le Christ de Van der Weyden est présenté sur un arc-en-ciel rouge jaune, à côté de lui l'épée et la fleur de lys, des anges dans les panneaux latéraux montrant les instruments de la Passion. Angelico l’entoure d'une double mandorle formée par les chérubins aux ailes rouges et les séraphins. Michel Ange crée une image du Christ totalement nouvelle : une tête apollinienne sur un torse herculéen (torse du Belvédère découvert à Rome au XVè siècle ?), posture étrange, hésitant entre la position assise et celle d'un homme vigoureux qui marche. La Vierge Marie est jeune, avenante, dans un mouvement de torsion sensuelle, évoquant quelque Vénus… Michel Ange relègue la figure de l'archange Michel dans le groupe des anges à la trompette, et celui-ci ne tient plus la balance, mais le livre des justes. Surtout, il montre à peine la bouche rougeâtre de l'enfer et élimine radicalement l'idée du paradis, cette porte lumineuse par laquelle les élus devraient se diriger vers l'éternelle béatitude. Ainsi l'espoir fait place à la fatalité, la grâce divine s'éloigne et la « terribilità » du jugement prend son entière dimension, en écartant toute idée de béatitude.

Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail de la lunette supérieure droite. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Chez Van der Weyden et Fra Angelico, le dualisme est très clair : à peine sortis de leurs tombeaux (très nets chez Fra Angelico) les morts sont immédiatement répartis en élus et damnés par saint Michel. Michel Ange enclenche immédiatement un mouvement ascensionnel qui amène les défunts près du Christ, parfois sous forme de cadavres encore décomposés : le spectateur est ainsi immergé dans un temps suspendu, où le choix est en train de se faire, où les élus ne semblent pas moins terrifiés que les damnés, où le doute est souverain, comme si la grâce divine était aussi terrible que le châtiment éternel.

2.3.4. Les réactions

Le jugement dernier, détail : les élus à la gauche du Christ sont bénis. On reconnaît saint Pierre offrant les clefs au Christ et saint <a class=Barth'>Barthélemy se dépouillant de sa peau… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican'>
Le jugement dernier, détail : les élus à la gauche du Christ sont bénis. On reconnaît saint Pierre offrant les clefs au Christ et saint Barth'>Barthélemy se dépouillant de sa peau… 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Le Jugement suscite parmi les contemporains autant d’éloges que de violentes réactions.

Admirateur inconditionnel de l’œuvre, émerveillé par le projet qu'il connaissait grâce aux dessins montrés par le peintre au début des travaux, le Pape Paul III défend Michel Ange contre toutes les critiques, particulièrement celle concernant la nudité des corps. Le cardinal Cornaro, exprime quelques jours après l'inauguration son émerveillement et demande à Michel-Ange de réaliser pour lui un tableau ; Vasari, qui remercie Dieu d’être né à l’époque de Michel Ange, ne tarit point d'éloges et qualifie le Jugement « ... d'oeuvre envoyée par Dieu... ». Immédiatement de très nombreux peintres en font des copies, la plus importante étant celle de Venusti, choisi par Michel-Ange lui-même. (Naples, musée de Capodimonte).

Le jugement dernier, détail : groupe de damnés refoulés dans les enfers. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : groupe de damnés refoulés dans les enfers. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Toutefois, les critiques ne manquent pas. Ce sont principalement les nus qui dérangent. Biagio da Cesena, maître des cérémonies pontificales, qualifie déjà au cours des travaux la fresque de « disonestissima » : « Il est extrêmement déshonnête d'avoir peint dans un lieu si honoré tant de nus montrant si indécemment leurs parties honteuses et que ce n'était pas une œuvre digne de la Chapelle du Pape mais de sudatoires et de tavernes » (Vasari). Michel-Ange se venge en le représentant les traits de Minos ! Et Lorsque Cesena supplie le pape de faire effacer son visage, Paul III lui répond qu'il a « autorité au ciel et sur terre, mais pas aux enfers ! ». D’autres cardinaux critiquent âprement la nudité des corps, faisant remarquer par ailleurs que le Christ est imberbe, bien trop jeune, et sans aucune majesté dans son attitude. L'Arétin, dans une lettre de 1545 affirme que la licence des personnages représentés pourrait bien convenir aux partisans de Luther ! On s’élève de même contre les détails et les postures (sodomie) de l'enfer dantesque.

Le jugement dernier, détail : ange à la trompette. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican
Le jugement dernier, détail : ange à la trompette. 1537-1541. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican

Finalement les opposants auront partiellement gain de cause : la Congrégation du concile de Trente décide le 21 janvier 1564, quelques jours avant la mort de Michel Ange, de faire voiler certains corps considérés comme « obscènes » : mais Michel Ange refuse ; Danièle Ricciarelli da Volterra, assistant et ami de Michel Ange, est alors chargé de la tâche, ce qui lui vaudra le sobriquet de « Braghettone », le « faiseur de caleçons ». Il y aura même des papes décidés à détruire totalement l'oeuvre de Michel-Ange !


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