Index de l'article
|
Rome : la chapelle Sixtine (Vatican)
2. Les fresques de Michel Ange Michelangelo Buonarotti La voûte de la Sixtine Le jugement dernier
2.2. La voûte de la Sixtine2.2.1. La partie centrale de la voûte2.2.1.1. Généralités | Disposition générale des fresques de la voûte de la chapelle Sixtine |
Long vaisseau grouillant de personnages peints, proches de la statuaire, la voûte de la chapelle Sixtine est décorée de neuf scènes centrales, neuf épisodes de la Genèse, groupés trois par trois e trois cycles : l'origine du monde, l'origine de l'homme et l'origine du péché. Michel Ange donne du rythme à l’ensemble : à un panneau plus petit, d’environ 170 x 260cm qu’encadrent chaque fois quatre « Ignudi », symboles de l'homme méditant ou ému par la grandeur de Dieu et la misère de l'homme succède un grand panneau rectangulaire d’imposantes dimensions (280 x 570 cm) Entre les nus des petits panneaux, des médaillons racontent de petites scènes bibliques.
| Chapelle Sixtine, Vatican : l’intérieur. 1475-1483 pour les fresques de murs ; 1508-1512 pour la voûte ; 1535-1541 pour le jugement dernier |
L'échelle des corps, plus de 300 est d'une prodigieuse variété, allant d'une taille modeste ou naturelle jusqu'au gigantisme. Certains personnages sont entièrement nus, d'autres exhibent une demi nudité discrète, d'autres encore sont vêtus d'habits qui, à défaut d'être riches, s'épanouissent dans les circonvolutions des drapés. L'âge des acteurs de cette scénographie biblique va de l'enfance insouciante à la vieillesse extrême, alors que leurs physionomies sont marquées par la beauté, le réalisme, l'idéalisation, ou la laideur caricaturale.
| Chapelle Sixtine, Vatican : section de la voûte relatant la création d’Eve |
L’androgynie est assez évidente dans plusieurs êtres composites. Elle était déjà présente dans la sculpture de l'artiste, de même qu'elle existait dans la tradition de la peinture du Quattrocento peuplée d'anges, de « pitti » et d'éphèbes divers. Mais cette tendance apparaît ici avec une telle opiniâtreté que cela a fait réfléchir plus d'un exégète de l'artiste, sans que l'on puisse trouver une réponse satisfaisante.
| La création d’Adam, détail. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.1.1. Les scènes bibliquesAinsi, en partant de l’entrée et progressant vers l’autel se succèdent :
- Le cycle de Noé, symbole de la chute de l’humanité et de sa renaissance : le sacrifice de Noé (Genèse VIII, 15-20), le déluge (Genèse VI, 5-8) et l’ivresse de Noé (Genèse IX, 20-27).
- Le cycle d’Adam et d’Eve avec la création d’Adam (Genèse I ,26-27), la création d’Eve (Genèse II, 18-25) et le Péché originel (Genèse III, 1-13) suivi de l’expulsion du Paradis Terrestre (Genèse III, 22-24).
- La création de l’univers en trois scènes : séparation de la lumière et des ténèbres: (Genèse I, 1-5), création des astres et des plantes (Genèse I, 11-19), séparation de la terre et des eaux (Genèse I ,9-10), trois scènes dominées par la présence du Dieu Créateur de l’univers.
| Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : Première section de la voûte : l’ivresse de Noé. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican. |
|
| Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : troisième section de la voûte : le sacrifice de Noé. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : huitième section de la voûte : la création des astres. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.1.2. Les « Ignudi » | Nu du coin gauche inférieur de l'ivresse de Noé (au-dessus du prophète Joel). 1509. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
Les vingt grands nus masculins, les « Ignudi » représentent des adolescents qui encadrent, deux à deux, les 5 panneaux plus petits du centre de la voûte. Les nus de Michel Ange (Domenico Ghirlandaio, le maître de Michel Ange, avaient créé des personnages très proches) dérivent des anges du Quattrocento ayant perdu leurs ailes et portant des emblèmes décoratifs. Parfois leur front est ceint du bandeau de la victoire à la manière antique ; parfois ils exhibent une nudité athlétique, expression dune pensée plastique significative.
Ils ont dès le XVIè siècle, été sujet à de nombreuses interprétations. On y a vu le symbole d'un âge d'or antiquisant, qui se serait ouvert avec le pontificat de Jules II Della Rovere…
| Nu du coin inférieur droit de la séparation du jour et de la nuit (au-dessus de la Sibylle de Libye). 1511. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
Selon les tenants d'une interprétation néo-platonicienne, les Grands Nus entrent dans la vision de l'homme telle que la conçoit la philosophie platonicienne : selon cette théorie, le microcosme humain est constitué de trois composantes fondamentales : le corps, l'âme rationnelle et l'intellect. Les « putti » qui soutiennent les entablements représenteraient le corps ; les « assistants » des sibylles et des prophètes symboliseraient l’âme rationnelle ; les Ignudi de la voûte figureraient l'intellect et cacheraient des intentions symboliques qui, comme tant d'autres visées, se dérobent à la compréhension du simple mortel. Ces nus offrent en tout cas une surprenante variété d'anatomies et d'états psychologiques mélancoliques, coléreux, dionysiaques...
| Nu du coin droit inférieur de l'ivresse de Noé (au-dessus de la Sibylle de Delphes). 1509. Détail. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin supérieur gauche du l'ivresse de Noé (au-dessus de la Sibylle d’Erythrée). 1509. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.2. Panneau 1 : L’ivresse de Noé
« Noé commença à cultiver la terre, et planta de la vigne.
Il but du vin, s'enivra, et se découvrit au milieu de sa tente.
Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors à ses deux frères.
Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père ; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père.
Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet.
Et il dit : Maudit soit Canaan ! Qu'il soit l'esclave des esclaves de ses frères !
Il dit encore : Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu'il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! »
(Genèse, IX, 20-27)
| L’ivresse de Noé. 1509. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
La neuvième et dernière scène dans l'ordre chronologique dépeint l'ivresse de Noé, interprétée par les docteurs de l’Eglise dès l’époque de saint Augustin comme la préfiguration de la raillerie et de l’outrage du Christ. L’humiliation du patriarche, provoqué par le fruit de la vigne, fait référence au Verbe qui se fait chair en acceptant de s’incarner dans la « vigne » d'Israël. On voit d’ailleurs dans un coin de la scène Noé travaillant la vigne.
| L’ivresse de Noé. 1509. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Dans cette composition, Cham, de dos au premier plan, se moque de Noé endormi, ivre et nu sous sa tente tandis que Japhet recouvre son père et que Sem réprimande son frère. Noé redevenu sobre, maudit Cham au travers de son fils le plus jeune, Canaan, ne pouvant nuire à Cham lui-même, car Dieu avait béni Noé et ses trois fils. Sem et Japheth seront récompensés pour avoir couvert la nudité de leur père.
Cette nudité, Michel Ange lui donne un sens : elle n’est pas une provocation indécente, mais plutôt, à l'instar du Tondo Doni, une vérité antique, naturelle, spontanée, antérieure à la honte du péché originel. Le réalisme des corps est surprenant et les échos des nudités dionysiaques semblent résonner dans cet épisode.
| L’ivresse de Noé (détail). 1509. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les quatre nus entourés de feuillages et de glands de chêne, symboles de la famille Della Rovere, sont d’une parfaite symétrie. De l’un des quatre n’apparaissent que la tête, une épaule et les pieds. Le reste du corps a été détruit lorsqu’une partie de la fresque s’est détachée lors de l’explosion du magasin de poudre du château Saint Ange en 1797. Cet « ignudo » est la réplique parfaite, mais inversée, de celui qui lui fait face.
Dans les médaillons sont représentées d’une part la scène de l’écuyer de Jéhu l’usurpateur, Bidqar, jette le corps du roi Joram dans la vigne de Naboth (II Rois, IX 25-26), et d’autre part le meurtre d'Abner (II Sam. III, 26).
| L’ivresse de Noé (détail). 1509. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| L’ivresse de Noé : détail : Noé plantant la vigne. Pour saint Augustin, Noé est le symbole du Christ outragé. 1509. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon de Bidqar jetant le corps du roi Joram dans la vigne de Naboth. Première section de la voûte au dessus du prophète Joël. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon du meurtre d’Abner. Première section de la voûte au dessus de la Sibylle de Delphes. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin supérieur droit de l'ivresse de Noé (au-dessus de la Sibylle de Delphes). 1509. Détail.Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.3. Panneau 2 : Le Déluge Universel
Dieu dit à Noé : « La fin de toute chair est arrivée, je l’ai décidé, car la terre est pleine de violence à cause des hommes et je vais les faire disparaître de la terre. Fais-toi une arche en bois résineux. »
(Genèse VI, 13-14)...
« Car encore sept jours et je ferai pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits et j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »
(Genèse VII, 4)…
« Au bout de sept jours, les eaux du déluge vinrent sur la terre. »
(Genèse VII, 10).
| Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : seconde section de la voûte : le déluge. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
Michel-Ange représente l’épisode du Déluge Universel de manière particulièrement dramatique : alors que dans l’iconographie traditionnelle les artistes représentaient habituellement le retrait des eaux et le retour le la colombe, l'espoir, Michel Ange choisit le moment le plus violent, celui où l'espoir se noie avec les personnages en détresse, où l’homme redevient un loup sans pitié pour son proche : soixante-deux êtres humains et un âne, animal lié à la figure du Christ, nagent, s'affrontent, s’échappent, s’entraident dans un vaste paysage inondé, où seul un îlot émerge des flots et au fond duquel domine l'arche. Le peintre présente une très large gamme de caractères humains, où les âges, les apparences, les gestes s'entrechoquent. Au premier plan une multitude de personnes gagnent la terre, courbées sous le poids de leurs effets personnels ou de ceux de leur famille, croyant ainsi échapper au châtiment de Dieu. De l’autre côté, d’autres personnes se pressent sur un îlot et tendent leurs mains pour prêter secours à ceux qui sont encore en danger. Au centre, une barque sur le point de couler et tout au fond, l’arche sur laquelle, par volonté de Dieu, Noé, sa famille et des couples d’animaux trouveront leur salut.
| Le déluge. 1508-1509. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
En 1797 l'explosion d'une poudrière au château Saint-Ange endommage la partie supérieure droite du Déluge, entraînant la disparition d'un grand arbre feuillu, pendant de l’autre arbre, dépouillé et sec, seul à avoir subsisté. Il symbolisait sans doute l'espoir, tandis que la composition dans son ensemble communique une vision désespérée de l'humanité. Ce pessimisme intrinsèque apparaît aussi dans la poésie du peintre, comme dans ce poème de 1524, où nous pouvons lire : « Mon âme, qui parle avec la mort, lui demande conseil, et à cause de nouveaux soupçons elle devient toujours plus triste, le corps chaque jour espère la quitter... » Michel-Ange désigne l'horreur du déluge, accentue la permanence du mal, la lutte fratricide pour la survie des seuls corps périssables, terrestres.
| Le déluge. 1508-1509. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Cependant, dans la doctrine chrétienne traitant des rapports entre l’ancien et le testament, le déluge est considéré comme la préfiguration du baptême, l’arche symbolisant l’Eglise du Christ. L'eau lustrale du baptême purifie du péché original, tout comme l'inondation nettoie le monde du mal. Noé est sauvé des eaux par le bois de l'arche, tout comme le bois de la croix offre le salut à ceux qui sont dans l'église.
| Le déluge. 1508-1509. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La composition, où se remarque une nette influence de Lucas Signorelli (les damnés de la chapelle saint Brice du dôme d’Orvieto) décrit clairement trois types de comportements face à la catastrophe : ainsi, au premier plan à gauche des rescapés s’agglutinent sur l’île rocheuse en tentant désespérément de sauver leurs biens ; plus loin, au fond, d’autres ont abordé la plateforme entourant l'arche de laquelle ils ont été exclus et tentent vainement d’y pénétrer de force, alors qu’un groupe, engagé dans une lutte féroce, tente de les rejoindre sur un frêle esquif visiblement surchargé et en train de couler ; une dernier groupe enfin, à droite, contrastant avec celui de la barque, ne cherche pas le salut aux dépens des autres, mais montre la compassion et un sens profond de la solidarité vers les individus les plus faibles qui accablés par la même calamité.
| Le déluge. 1508-1509. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Il y se dégage de cette composition un sentiment d’inachevé, de manque d’unité et de « brouillon ». C’est un effet peut-être voulu pas l’artiste en raison de la gravité catastrophique de l’évènement… Il compense par ailleurs ces manques par le traitement exceptionnel qu’il donne à certains personnages ou à certains groupes avec de claires réminiscences à l’antiquité et une manière toute nouvelle de traiter le mouvement.
De même, Michel Ange ne décrit pas l’action des forces destructrice de la nature et des éléments : pas de tempêtes, pas de flots tumultueux, pas même de pluie… comme c’est en général le cas dans l’iconographie classique (Doré, Turner, Girodet…) Mais il compense très largement en reportant toute la tension dramatique sur les humains : pour lui ce n'est pas l'événement lui-même qui est décisif, mais bien son effet sur ceux qui le subissent, effet qu’il exprime en mouvement et gestes.
| Le déluge. 1508-1509. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Enfin le peintre pose une question qui laisse perplexe et interroge : que le déluge engloutisse les « méchants », ceux qui s’accrochent à leur biens ou qui luttent férocement entre eux pour leur survie, c’est juste logique dans la perspective de l’histoire du salut ; mais pourquoi les personnes qui font preuve d’entre, de solidarité et de pitié doivent-elles aussi périr ? 2.2.1.4. Panneau 3 : Le sacrifice de Noé après le déluge | Le sacrifice de Noé. 1509 ; 170 x 260 cm. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Pour cette scène, Michel Ange a fait une entorse à la chronologie : en effet, le sacrifice d’action de grâce de Noé ne précède pas le déluge, mais le suit. Mais en raison de l’importance et le la monumentalité du déluge universel, et pour disposer d’une plus grande surface de travail, Michel Angle à inversé la disposition des deux tableaux.
Au centre en haut, Noé préside au sacrifice sur l’autel. Le patriarche porte la même tunique rouge sang que dans la scène où il laboure la vigne au fond de la composition décrivant son ivresse. A sa gauche se trouve son épouse, et à sa droite un aide allume le feu avec une torche tout en protégeant de sa main droite son visage des flammes.
| Le sacrifice de Noé. 1509 ; 170 x 260 cm. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les personnages maintenant le bouc et se passant les viscères de l’animal sacrifié ont été repeints par Domenico Carnevali vers 1568, après que les figures originales se soient détachées du plafond suite à un problème de stabilité de la structure de la voûte.
Le sacrifice de Noé a été fréquemment comparé, et avec justesse, aux scènes classiques des sacrifices rituels. Mais l’artiste y apporte une innovation : celle de la composition elliptique de la scène qui sera adoptée par de nombreux artistes. Ce procédé typiquement baroque a deux points focaux : l'unité est divisée entre deux pôles séparés, les deux fils de Noé tenant les boucs qui sont mis en évidence, alors que Noé, l’officiant principal, plié au dessus du foyer sacrificiel, passe presque inaperçu dans le fond.
| Le sacrifice de Noé. 1509 ; 170 x 260 cm. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Au demeurant, le sens de cette scène reste très mystérieux et échappe en grande partie à l’interprétation : si de nombreux critiques affirment qu'elle montre l'action de grâce de Noé après le déluge (Genèse VIII, 20); d'autres parlent du sacrifice d'Isaac ou de celui d'Abel et de Caïn. Quelques détails restent incompréhensibles : ainsi il n’est pas certain que l’objet que tient le jeune homme, debout sur le bélier égorgé, tend à un autre adolescent représente les entrailles de l'animal sacrifié ; de même on s’interroge sur la femme qui se tient à côté de Noé : est-ce sa femme ? Que murmure t-elle à l’oreille du patriarche ?
| Le sacrifice de Noé. 1509 ; 170 x 260 cm. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les quatre ignudi sont peints avec une plus grande maîtrise et le modelé est plus délicat que celui des nus que ceux du compartiment précédent. Les poses ne sont pas complètement symétriques. Les deux figures du côté gauche n’ont de symétrique que la partie basse du corps, les bustes et les têtes étant traités en contraposto et les bras droits sont prolongés vers le centre afin de tenir le ruban soutenant les médaillons. Chez les deux autres, la symétrie est rompue par la position de leurs bras droits.
| Nu du coin supérieur droit du sacrifice de Noé (au-dessus de la Sibylle d’Erythrée). 1509. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin inférieur gauche du sacrifice de Noé (au-dessus du prophète Isaïe). 1509. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
Dans les médaillons sont représentés la destruction de la statue de Dieu Baal et la mort d'Urie.
| Médaillon de la destruction de la statue du dieu Baal. Troisième section de la voûte au dessus de la Sibylle d’Erythrée. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon de la mort d’Urie. Troisième section de la voûte au dessus du prophète Isaïe. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.5. Panneau 4 : le péché originel et le renvoi du Paradis | Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : quatrième section de la voûte : la chute et l’expulsion du paradis. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
« Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu a dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? »
La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mort. »
Le serpent répliqua à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! …Vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal. » La femme…prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari… Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus… »
(Genèse III, 1-6)…
« Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d’Eden… Il bannit l’homme et il posta devant le jardin d’Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l’arbre de vie. »
(Genèse III, 23-24)
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Cette composition, qui renferme les plus beaux nus peints par Michel-Ange, marque le début de la maturité de son style qui adopte, notamment dans la tentation, des formes nettement plus monumentales. La complexité des premières fresques cède la place à la simplicité scénographique. L'espace est dépouillé, presque abstrait, muet, situé hors de l’histoire biblique. Les corps montrent des reliefs anatomiques de plus en plus apparents, tangibles, attirant l'attention sur quelque geste, sur l'éloquence des postures. C'est une peinture sculpturale, un jeu d’imbrications musculaires puissamment contrasté par les ombres.
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Michel-Ange représente simultanément le Péché originel et l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis terrestre, deux moments qui sont nettement séparés dans le récit biblique. Il montre ainsi en même temps la cause et l’effet engendré. Les deux épisodes sont séparés par l’arbre du bien et du mal, autour duquel est enroulé le serpent, qui tend le fruit interdit à Eve. Désobéissant à l'ordre de Dieu, Eve le prend pour le manger et l'offrir à son compagnon. De l’autre côté du panneau, Adam et Eve, l’air anéanti et le dos voûté par le poids du remords et du péché, s’éloignent du Paradis terrestre, chassés par un ange l’épée à la main. Le couple et l’arbre forment un « m » en onciale : est-ce la signature de Michel Ange ?
| La création d’Eve, détail. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Pour Buonarroti, le paradis n'est absolument pas ce lieu de délices cher au Moyen Âge, avec des prairies, des fleurs et des palmiers. Ici, pas de cohorte de bienheureux (Fra Angelico), pas de bonheur (Raphaël, les frères Limbourg), pas de « felix culpa ». Ici domine le terrible contraste de l’homme vivant près de Dieu dans la félicité édénique et l’homme, vaincu par sa propre faute, condamné au doute, à la souffrance, au mal : l’homme, anéanti par le péché, a perdu sa dignité athlétique ; quant à la femme, son visage est proche de l'expression de la sibylle de Cumes, repliée sur un corps brisé, honteux. Au corps sculptural, presque lascif de la gauche s'oppose une posture abandonnant toute velléité de beauté et de séduction. C'est une forme corporelle quasiment masculine, sans grâce, vieillie prématurément qui quitte la scène dans la malédiction divine.
| Le paradis terrestre et la chute, détail. 1509-1510. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
Le rythme de composition entière coule de gauche à droite. Vers la gauche, c’est la profusion du jardin d'Eden, indiquée par de nombreux détails, dont celui, prémonitoire, de l’arbre mort, alors qu’à droite la totale désolation entoure le couple maudit prématurément vieilli. Dualisme encore renforcé par l’ange, comme jaillit de l’arbre du bien et du mal, qui fait pendant à la figure féminine du tentateur enroulé autour du tronc… Bien et mal se sont divisés et deviennent une désormais des puissances opposées.
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La chute et l’expulsion du jardin d’Eden. 1509-1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.6. Panneau 5 : la création d’Eve | Michel Ange Buonarotti : chapelle Sixtine, Vatican : cinquième section de la voûte : la création d’Eve. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
« L'Éternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui.
Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place.
L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme. Et l'homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. »
(Genèse, II, 18-24)
La cinquième scène dans l'ordre chronologique du récit, la création d’Eve, se trouve au centre du plafond de la chapelle, et présente pour la première fois le Créateur au fidèle qui entre dans le sanctuaire.
| La création d’Eve. 1509-1510. Fresque, 170 x 2960 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
En réponse au geste créateur et au regard intense de Dieu, Eve semble surgir du rocher derrière Adam plutôt que de son corps, comme le décrit la scène de la Genèse. Les corps du couple semblent être ceux d’adolescents, contrairement à ceux qui sont représentés dans la scène de la chute et de l'expulsion du Paradis. La figure du Créateur, enveloppée dans un volumineux manteau violet laissant à peine entrapercevoir la tunique rouge qu’il porte dans les autres scènes de la création, rappelle une tradition iconographique remontant à Giotto et à Masaccio, desquels elle diffère cependant par les cheveux et la barbe blonde encadrant le visage.
| La création d’Eve. 1509-1510. Fresque, 170 x 2960 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Cette création d’Eve renvoie à la conception médiévale du Dieu démiurge au geste incantatoire et au visage surnaturel. Il s’agit ici plus que d’une création purement physique, mais celle d’une création de la femme tirée de l’homme sommeillant, couché contre un arbre format une croix, croix tau égyptienne ou préfiguration de la croix du salut. La composition forme un triangle rectangle dont Eve, dans l’attitude de l’adorante, forme l’hypoténuse… Symbole de l’harmonie pythagoricienne avant la chute ?
Dans cette composition, les quatre « Ignudi » jouant avec les rubans jaunes entrelaçant les deux médaillons, sont positionnés de manière symétrique et les mouvements sont beaucoup plus retenus. Ils se correspondent l’un à l’autre par paires, et leur mouvements sont eux aussi basés sur la symétrie, ne s’en éloignant que fort peu.
Quant aux sujets peints dans les médaillons, ils restent sujets à interprétation : le médaillon surmontant la figure du prophète Ezéchiel pourrait représenter la destruction de la tribu d'Ahab, sectateurs de Baal, ou, selon une version différente, la mort de Nicanor ; celui placé au-dessus de la Sibylle de Cumes dépeint soit David devant le prophète Nathan, soit Alexandre devant le grand prêtre de Jérusalem.
| La création d’Eve. 1509-1510. Fresque, 170 x 2960 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La création d’Eve. 1509-1510. Fresque, 170 x 2960 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon de la destruction de la tribu d’Ahab, ou de la mort de Nicanor. Cinquième section de la voûte au dessus du prophète Ezéchiel. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon de David devant le prophète Nathan ou d’Alexandre devant le grand prêtre de Jérusalem. Cinquième section de la voûte au dessus de la Sibylle de Cumes. 1511, 135 cm de diamètre. L’exécution du médaillon est attribuée à Aristotile da Sangallo (1475-1564). Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin supérieur droit de la création d’Eve (au-dessus du prophète Ezéchiel). 1509-1510. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin inférieur gauche de la création d’Eve (au-dessus de la Sibylle de Cumes). 1509-1510. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.7. Panneau 6 : la création d'Adam : (Genèse I, 26-27) | La création d’Adam, détail. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
« Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa. »
(Genèse 1, 27).
La quatrième scène dans l'ordre chronologique du récit, la création d'Adam, est dépeinte dans le grand panneau du sixième compartiment. Il est à peine possible de décrire avec des mots que les impressions que dégage ce véritable chef d’oeuvre de la peinture.
| Chapelle Sixtine, Vatican : section de la voûte relatant la création d’Adam |
Adam est déjà achevé, vivant, physiquement complet, et repose allongé, indolent, appuyé sur un coude. Sa constitution est singulière; autour de son cou apparaissent de profonds enfoncements, le bras tendu vers le Créateur est disproportionné, « géométrisé. Sur un fond naturel encore peu défini rappelant que la scène se passe à l’aube indistincte du monde, il tend son bras vers celui du Créateur, un vieillard vigoureux, presque courroucé, dans la lignée de Moïse. Soutenu par un vol d’anges, il semble jaillir de son manteau d’ombre et de pourpre. Le mouvement des bras et des index sur le point de se toucher deviennent le symbole universel de cette énergie créatrice que le Créateur transmet à la créature façonnée à son image, lui conférant sa vigueur héroïque.
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La création d'Adam, traitée d'une manière large, utilise des raccourcis et des proportions gigantesques qui font apparaître la figure de Dieu sous l'aspect d'un fleuve antique. Elle s'oppose à la Création d'Ève, plus classique dans sa composition. Michel-Ange innove en représentant ainsi le moment de la transmission de l'Esprit de vie à travers le geste du Créateur.
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican. Détail : le visage d’Adam |
L’artiste multiplie ici courbes et ellipses. Ainsi l'éternel est enveloppé par l'ellipse de son manteau céleste (symbole de l’« œuf cosmique » ?) et l’ovale parfaite formée par les anges, alors que la figure d'Adam, dont la visage juvénile contraste avec celui de Dieu, forme seulement une ovale inachevée ; ainsi l’harmonieuse courbe du bras créateur à laquelle répond celle du bras du créé… ou encore la courbe du second bras de Dieu qui entoure un personnage presque androgyne, si fréquent dans l'art de Michel-Ange, qui a immédiatement intrigué les critiques : certains y voient l’« Eve incréée », la personnification de la Sagesse divine…
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La création d’Adam. 1510. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.8. Panneau 7 : Dieu sépare la terre des eaux | Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : septième section de la voûte : la séparation des terres et des eaux. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
« Dieu dit: Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse.
Et il en fut ainsi
Dieu appela le sec « terre », et il appela l'amas des eaux « mers ». Dieu vit que cela était bon. »
Genèse, I, 9-10
Cette scène ne respecte pas l’ordre chronologique de la Création relaté par la Genèse : en effet la séparation de la terre et des eaux est antérieure à la création des astres et des plantes. Ce manque de respect de l'ordre chronologique a été dicté par la nécessité de réserver le champ du plus grand panneau pour la scène plus importante de la création du soleil et de la lune…
| Dieu sépare la terre et les eaux. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
La scène représente Dieu en mouvement planant de la gauche ver la droite au dessus des eaux gris-bleu dans son grand manteau gonflé par le vent et que retiennent des anges, et séparant d’un geste ample l’élément solide de l’élément liquide. Derrière le créateur, le ciel est clair et lumineux, alors que de l’autre côté il tourne au gris-blanc.
Les poses des quatre « ignudi » deviennent graduellement plus dynamiques et agitées. Les deux au-dessus de la Sibylle de Perse (à la gauche) s’écartent vers l'arrière dans des directions opposées ; celui à droite au-dessus du prophète Daniel se plie vers avant avec un regard plein d’appréhension, alors que l’autre semble esquisser une danse, rappelant les sculptures hellénistiques de faunes dansant ou réminiscence du « torse du Belvédère »...
Un des deux médaillons ne porte aucune décoration, alors que le second représente la mort d'Absalon.
| Dieu sépare la terre et les eaux. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Dieu sépare la terre et les eaux. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican.les tours et change la direction pendant que vous marchez par la chapelle. |
|
| Nu du coin supérieur droit de la séparation de la terre et des eaux (au-dessus de la Sibylle de Perse). 1511. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin inférieur gauche de la séparation de la terre et des eaux (au-dessus du prophète Daniel). 1511. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon de la mort d’Absalon. Septième section de la voûte au dessus du prophète Daniel. 1511, 135 cm de diamètre. La réalisation du médaillon est attribuée à Aristotile da Sangallo (1475-1564). Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.9. Panneau 8 : la création des astres et des plantes | Création du soleil, de la lune et des plantes. 1511. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
« Dieu dit : que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et il en fut ainsi.
La terre produisit de la verdure, de l'herbe portant de la semence selon son espèce et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce.
Et Dieu vit que cela était bon.
Il eut un soir, il y eut un matin : ce fut le troisième jour. »
« Dieu dit : qu'il y ait des luminaires dans l'étendue du ciel, pour séparer le jour d'avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ; et qu'ils servent de luminaires dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre !
Et il en fut ainsi.
Dieu créa les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour et le plus petit pour présider à la nuit ; il créa aussi les étoiles.
Dieu les plaça dans l'étendue du ciel, pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres.
Et Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le quatrième jour. »
(Genèse, I, 11-19)
La deuxième scène de création, celle du soleil, de la lune, et des plantes, est dépeinte dans un grand panneau où Michel-Ange a rassemblé le troisième et le quatrième jour de la Création. Dans cette scène la figure du Créateur apparaît deux fois : côté droit, il façonne le disque incandescent du soleil de sa dextre et celui, plus froid, de la lune de sa senestre ; côté gauche, d’un geste presque impérieux, il créé les premières touffes d’herbe et les premiers buissons de la terre nue.
| Création du soleil, de la lune et des plantes. 1511. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La scène est divisée de façon inégale : le grand disque solaire - seul élément dont la couleur éclatante tranche avec les tonalités plus vaporeuses et pastel des vêtements, de la chair, et du fond blanc gris du ciel - est à la gauche de l'axe central du champ, dominé par la figure du Créateur dans un mouvement impétueux, entouré de quatre enfants, …
Côté gauche, dans un champ beaucoup plus restreint et dans un second plan, le Créateur, vu de dos « plonge » en quelque sorte vers la terre…
| Création du soleil, de la lune et des plantes. 1511. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Il y a dans cette scène une tension dynamique très forte, amplifiée par le contraste des couleurs, les jeux d’ombre et de lumière, la gestuelle du Créateur et les mouvements créateurs dans des directions opposées… Il s’en dégage presque une situation d’urgence. Ce n’est pas une scène très « classique », le créateur apparaissant en effet deux fois : Michel Ange s’éloigne très clairement des « canons » du XVè voulant notamment que le personnage principal se tienne toujours à droite de la composition…
| Création du soleil, de la lune et des plantes. 1511. Fresque, 280 x 570 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.1.10. Panneau 9 : Dieu sépare la lumière des ténèbres | Michel Ange Buonarroti : chapelle Sixtine, Vatican : neuvième section de la voûte : la séparation des lumières et des ténèbres. 1508-1512. Fresque, Chapelle Sixtine, Vatican |
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
Or la terre était vague et vide : les ténèbres couvraient l'abîme, l'esprit de Dieu planait sur les eaux.
Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière et les ténèbres.
Dieu appela la lumière « jour », et les ténèbres « nuit ».
Il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut le premier jour. »
(Genèse, I, 1-5)
| Dieu sépare la lumière des ténèbres. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
La première scène dans l'ordre chronologique de la narration est celle de la séparation de la lumière et des ténèbres. Cette scène, petite dans la taille, est sublime dans la conception où le colossal ne le cède en rien au mouvement tourbillonnant d’où jaillit la lumière… Le thème est celui d'une union cosmique établie entre le corps de Dieu et les espaces sidéraux, dans un élan délivré de toute contingence, de tout poids terrestre. Occupant pratiquement tout l’espace, la figure de Dieu, vue d'en bas, lance dans un geste ample ses bras dans l'espace infini provoquant des spirales de lumière qui balaient les ténèbres. Scène absolument majestueuse dans laquelle Dieu apparaît lui-même comme la lumière : « Que la lumière soit ! »… On se trouve ici loin des artistes de la Renaissance et de leurs canons inspirés du paganisme : Michel Ange apparaît ici comme un artiste encore « médiéval », ébloui par l’ardeur religieuse mais aussi par la transcendance divine…
| Dieu sépare la lumière des ténèbres. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les poses des quatre nus sont très différentes les unes des autres, sans recherche de symétrie. Ainsi, celui assis à gauche au dessus du prophète Jérémie, avec son profil classique et son attitude méditative, contraste nettement avec celui de droite, en plein mouvement, chargé de feuillage et de glands, et dont le visage sort à peine de l’ombre…
Leur faisant face les deux autres nus se penchent vers le centre, mais avec les mouvements clairement distincts, leur torse en rotation dans des directions opposées, effet magnifique de l’artiste rendu grâce au je de perspective…
Entourés par les nus, les deux médaillons au dessus de la corniche représentent l’un Elisée montant au ciel sur le chariot de feu, l’autre le sacrifice d'Isaac.
| Dieu sépare la lumière des ténèbres. 1511. Fresque. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon d’Elisée sur le chariot de feu. Neuvième section de la voûte au dessus du prophète Jérémie. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin supérieur droit de la séparation du jour et de la nuit (au-dessus du prophète Jérémie). 1511. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Nu du coin inférieur gauche de la séparation du jour et de la nuit (au-dessus de la Sibylle de Libye). 1511. Fresque, chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Médaillon du sacrifice d’Isaac. Neuvième section de la voûte au dessus de la Sibylle de Libye. 1511, 135 cm de diamètre. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2. Les voyants : Prophètes et Sibylles2.2.2.1. Généralités | Michel Ange : étude pour l’un des prophètes de la chapelle Sixtine. Plume. Chantilly, Musée Condé |
Les figures des Prophètes et des Sibylles alternent sur les longs côtés, assis sur des trônes, alors que sur les côtés plus courts figurent uniquement deux prophètes : Zacharie au dessus de l’entrée et Jonas au-dessus de l'autel (Jonas I, 2). Zacharie, au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle que le pape passe solennellement le dimanche des Rameaux pour inaugurer la Semaine Sainte, est considéré comme le prophète principal de la passion du Christ. Jonas occupe une position centrale car il préfigure le Christ ressuscité (Matthieu XII, 38-40 ; XVI, 1-4 ; Luc XI, 29-30).
Les noms des personnages sont inscrits sur une plaque, en dessous de leur siège : ils furent les premiers à pressentir la venue du Rédempteur et témoignent que l'humanité attend continuellement la Rédemption. En effet les Prophètes annoncèrent la venue du Christ au peuple d'Israël et les Sibylles, bien qu'appartenant au monde païen, sont ici représentées pour leurs dons de divinatrices, élargissant ainsi l'attente de la Rédemption du peuple élu à toute l'humanité. Cette association de prophètes de l'Ancien 'Testament et de sibylles gréco-romaines, était habituelle depuis le Moyen Âge : ainsi le cycle peint a la fin du XIIIè siècle par Giovanni Pisano sur la façade de la cathédrale de Sienne. Ou encore le retable d l’Agneau Mystique de Saint Bavon de Gand, peint par Jan Van Eyck, où figurent la sibylle de Cumes et celle d’Erythrée…
| Michel Ange : section longitudinale de la voûte de la chapelle Sixtine avec la sibylle de Delphes et le prophète Isaïe |
Depuis le Moyen Âge il était courant de réunir dans un même cycle peint les prophètes de l'Ancien Testament, qui pressentent l'arrivée d'un .Messie, et les sibylles qui, bien que païennes, frémissent dans l'attente d'un possible « sauveur », prémonition obscure chargée de force spirituelle.
| Michel Ange : étude pour la Sibylle de Libye. 1511. Sanguine. 28,5 x 20,5cm. New York, Metropolitan Museum |
Mais il reste difficile de saisir les motivations profondes qui ont poussé Michel Ange au choix des sept prophètes et des cinq sibylles, chacun muni du Livre prophétique et accompagné de deux assistants, aux poses expressives et très variées, ordonnés autour des scènes centrales. Leur taille est gigantesque ; de plus, les dimensions des prophètes vont croissant, de l'entrée vers l'autel.
Bien qu'étant encore humains, ces personnages, doués de facultés de prémonition, pourraient entrevoir la réalité de l'Esprit divin, qui est juste au-dessus de leurs trônes. Voyants aux corps parfois monstrueux, femmes aux anatomies ambiguës, ces êtres possèdent la perception des choses divines grâce à une aptitude particulière de leur esprit ; en même temps, ils réalisent l'union entre le monde païen et celui des Écritures.
Le Cabinet des Dessins du Louvre conserve huit grands dessins qui sont des copies de six des prophètes et de deux des sibylles peints au plafond de la Chapelle Sixtine. Ils portent au verso le paraphe du banquier Jabach (ami de Rubens), dont la collection sera acquise par Louis XIV en 1671. L'artiste a probablement travaillé in situ. Les historiens s'accordent pour dater les dessins du séjour de Rubens à Rome, vers 1601.
| Pierre Paul Rubens : Aman. Copie d’après la voûte de la chapelle Sixtine. Plume avec rehauts à l’huile. 42x21,5cm. Paris, musée du Louvre, cabinet des dessins |
|
| Michel Ange : section longitudinale de la voûte de la chapelle Sixtine : détail de la sibylle de Delphes avant restauration |
|
2.2.2.2. Le prophète Jonas | Le prophète Jonas. 1511. Fresque entre les pendentifs surmontant l’autel, 400 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le prophète Jonas occupe le triangle central situé entre les deux pendentifs ornés des compositions consacrées au Serpent d'Airain et au Châtiment d'Aman. La figure monumentale est une préfiguration du Christ et du symbole de la Foi.
Jonas, sauvé après trois jours et trois nuits –le temps entre la mort et la résurrection du Christ - du ventre de la baleine est décrit ici comme un « Prométhée de l’Ancien Testament » touché par la grâce de Dieu et comme un exemple du bien et du mal : le prophète a en effet été puni dans un premier temps pour avoir refusé de « convertir » Ninive… Prophète « rebelle » et repenti qui tourne son visage vers le Créateur, un peu à l’image de Michel Ange lui-même, désormais empli de joie, à l'amour et à la réponse filiale, voire à la contemplation extatique de Dieu…
Le monstre de la mer, l'arbre de calebasse des textes et les génies turbulents forment un fond très animé, scène exceptionnellement bucolique et idyllique chez Michel Ange.
| Le prophète Jonas. 1511. Fresque entre les pendentifs surmontant l’autel, 400 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Jonas. 1511. Fresque entre les pendentifs surmontant l’autel, 400 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Jonas. 1511. Fresque entre les pendentifs surmontant l’autel, 400 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.3. Le prophète Jérémie | Le prophète Jérémie. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 390 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Plongé profondément dans une anxieuse méditation et étreint par l'angoisse de ses sinistres prévisions, Jérémie, penché en avant, repose son visage sur sa main gauche que soutient son genou.
De tous les prophètes, Jérémie semble le plus tourmenté, replié dans une attitude de méditation intense, qui se traduit par ses membres et sa posture. Voici un portrait qui, plus que nul autre dans l’oeuvre de l’artiste, personnifie, par delà le personnage de Jérémie, la mélancolie : portrait moral de l’individu hanté par la mort, le poids et les difficultés de l’existence terrestre. Prématurément vieilli et plongé dans l’angoisse, Jérémie semble à lui tout seul porter tous le poids de la vie et de ses interrogations…
| Le prophète Jérémie. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 390 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les personnages entourant le prophète sont les plus étranges de toute la série des voyants : celui de gauche, figure féminine, symbolise l’âme tourmentée et affligée du prophète, consciente de la contingence terrestre et de l’absence de la « beauté pure » dans cette vie, peut-être symbole de ce platonisme qui avait bercé la jeunesse de Michel Ange, mais que Savonarole avait anéanti… Celui de droite, qui a l’aspect d’un moine encapuchonné, renvoie indubitablement à Savonarole, au devoir, à la conscience de ne pas s’adonner à l’excès – serait-ce même dans le domaine de l’art… Il est à cet égard significatif que le nu au-dessus du génie féminin est une superbe réminiscence de l’idéal grec de la beauté, alors que celui au dessus du personnage monacal renvoie directement à la figure d’Atlas, portant tout le poids de la contingence terrestre sur ses épaules…
Vasari parle de « l'amaritudine », l'amertume évoquée par le peintre à travers ce personnage. La présence de la lettre « M » à la base du trône pourrait suggérer un autoportrait dans cette sorte de Moïse déchu sans espoir de salut. Le thème se rattache au panneau en bronze de Saint Jean de la première porte du baptistère de Florence réalisé par Ghiberti vers 1424. Plus tard, Auguste Rodin s'inspirera en partie de cette figure pour son Penseur.
| Le prophète Jérémie. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 390 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Jérémie. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 390 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.4. La Sibylle de Perse | La Sibylle de Perse. 1511. Fresque de la troisième section de la voûte, 400 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
En regard de Daniel se découpe la silhouette de la sibylle de Perse. D'un âge légendaire, montrée en profil perdu, repliée sur elle-même, retournée vers la partie interne du trône, myope et voûtée jusqu'à paraître bossue, elle semble avoir du mal à déchiffrer le texte, de petite taille. Elle est dépeinte comme une figure totalement détachée de ce monde, totalement solitaire, personnification même du mystère. Son immobilité s'étend aussi aux assistants, curieusement drapés, et aux putti - caryatides du trône.
Elle rayonne cependant d’une présence beaucoup plus puissante et réservée, plus magique et abstraite que celle de la Sibylle de Cumes…
Dans le traitement de la lumière et du jeu des ombres, cette figure rappelle un peu la manière de Léonard de traiter le clair-obscur. 2.2.2.5. Le prophète Ezéchiel | Le prophète Ezéchiel. 1510. Fresque de la cinquième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
« La trentième année, au quatrième mois, le cinq du mois, … le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines...
Je regardai : c'était un vent de tempête soufflant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant, avec une lueur autour, et au centre comme l'éclat du vermeil au milieu du feu. Au centre, je discernai quelque chose qui ressemblait à quatre animaux dont voici l'aspect : ils avaient une forme humaine. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes...
Au-dessus de la voûte qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose qui avait l'aspect d'une pierre de saphir en forme de trône, et sur cette forme de trône, dessus, tout en haut, un être ayant apparence humaine… je vis quelque chose comme du feu et une lueur tout autour ; l'aspect de cette lueur, tout autour, était comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les nuages, les jours de pluie. C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire de Yahvé.
Je regardai, et je tombai la face contre terre ; et j'entendis la voix de quelqu'un qui me parlait.
Il me dit : « Fils d'homme, tiens-toi debout, je vais te parler. » L'esprit entra en moi comme il m'avait été dit, il me fit tenir debout et j'entendis celui qui me parlait. »
(Ezéchiel I, 1-28; 2,1)
| Le prophète Ezéchiel. 1510. Fresque de la cinquième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Ezéchiel est le premier prophète d'Israël déporté en exil à Babylone (vers 593 av. J.-C.) : il tente de rappeler les Israélites à leur responsabilité morale vis-à -vis de la déportation en Mésopotamie et de la destruction de Jérusalem, causée par l'infidélité à leur alliance avec Dieu. Sa mission se termine par l’annonce de la vision d'une nouvelle Jérusalem, de la fondation d'un nouveau culte et d'une nouvelle terre sous le guide d'un nouveau pasteur, David.
| Le prophète Ezéchiel. 1510. Fresque de la cinquième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Ezéchiel est représenté sous les traits d’un vieil homme dynamique et véhément s’adressant à un jeune homme sur sa gauche. En proie à un curieux mélange de colère et d'interrogation, il se retourne vers la gauche, un parchemin serré dans la main. La figure vigoureuse du prophète est peinte avec des traits et contrastée. Son profil est magnifiquement représenté de manière très sculpturale, comme le cou, les mains, et des pieds.
L'un des assistants est représenté sous forme de simple masque plat, alors que le deuxième est plus visible et d'aspect tout à fait inattendu. En effet, on retrouve ici une nette influence des anges de léonard de Vinci, un retour au modèle de l’ange - éphèbe du Quattrocento. Son geste pourrait être interprété comme indiquant la transcendance divine. 2.2.2.6. La Sibylle d'Erythrée | La Sibylle d’Erythrée.1509. Fresque de la septième section de la voûte, 360 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Faisant dace à Isaïe, du côté opposé, la sibylle d’Erythrée aux bras virilement musclés, tourne la page d'un livre où apparaît la lettre « Q ». Elle tourne vers le livre ouvert son visage plein de sérénité, loin des tourments qu’elle est généralement censée augurer… Se retournerait-elle vers le prophète Ezéchiel, qui, plus loin, semble l'interpeller ? Le petit assistant allume une lampe votive dont la symbolique chrétienne semble assez évidente : elle évoque l'immortalité de l'âme au-delà des corps. L'autre petit être se frotte les yeux, comme ébloui par la puissance prémonitoire...
| La Sibylle d’Erythrée.1509. Fresque de la septième section de la voûte, 360 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.7. Le prophète Joël | Le prophète Joël. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Face à la Sibylle de Delphes, sur l'autre versant de la voûte, la superbe figure du prophète Joël : plongé dans la consultation d'un parchemin, il s'impose comme le prophète de la Pentecôte, rituel alors très important que l'on célébrait dans la chapelle durant les conclaves par une messe du Saint Esprit. Son visage évoque peut-être celui du grand architecte Bramante ou, plus simplement, celui d'un patricien romain ou mieux encore celui d’un humaniste tel que l'on peut se le représenter.
| Le prophète Joël. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le corps du prophète est mis en valeur par le décalage de son axe vers la gauche ; mouvement diagonal qui se retrouve encore dans les autres géants de l’Ancienne Alliance : Ezéchiel, Daniel, et bien plus prononcé, chez Jonas.
Deux anges en conversation entourent la tête du prophète, alors que deux paires de Putti, au dessus du trône, soutiennent l’avancée de la corniche, dans des poses gracieuses, presque des pas de danses : référence directe au répertoire typique de la sculpture florentine en Renaissance, notamment aux terres cuites ou aux cantorias de Della Robbia…
| Le prophète Joël. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Joël. Détail : putti entourant le prophète. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 355 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.8. Le prophète Zacharie
« La deuxième année de Darius, au huitième mois, la parole de Yahvé fut adressée au prophète Zacharie, fils de Iddo... »
(Zacharie 1, 1-2).
| Le prophète Zacharie. 1509. Fresque entre les deux pendentifs surmontant l’entrée de la chapelle, 360 x 390 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Zacharie, qui a vécu vers 500 avant J.-C. est le premier prophète d’Israël après le retour du peuple de l’exil de Babylone. Les paroles de Zacharie annonçant la venue du Messie sont rapportées dans l'Evangile selon Saint Matthieu (Matthieu XXI, 4-7).
Le prophète est représenté sur le mur d'entrée, de profil, sous les traits d'un vieil homme barbu plongé dans sa lecture.
| Le prophète Zacharie. 1509. Fresque entre les deux pendentifs surmontant l’entrée de la chapelle, 360 x 390 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le prophète occupe le triangle central situé entre les deux panaches ornés des compositions consacrées à Judith et Holopherne et à David et Goliath. Il ouvre la voie vers l'autel. Drapé dans son ample manteau, il a les yeux rivés sur le livre ouvert, le front plissé, et ne semble pas percevoir la présence des deux assistants dont les regards guident vers le volume. Symbole de la Loi, du pontificat, des entreprises édificatoires de Jules II, Zacharie incarne la réflexion, la recherche de la vérité.
L’imposante figure du prophète a été fréquemment copiée et imitée, particulièrement au dix-huitième siècle par Alessandro Mazzuoli.
En dessous de son siège et sous la plaque qui l’identifie, l’artiste a peint l’emblème de la famille Della Rovere surmonté de la tiare papale et des clefs de Saint Pierre : un chêne avec douze glands d’or, commémorant le créateur de la chapelle, Sixte IV.
| Le prophète Zacharie. 1509. Fresque entre les deux pendentifs surmontant l’entrée de la chapelle, 360 x 390 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Zacharie. 1509. Fresque entre les deux pendentifs surmontant l’entrée de la chapelle, 360 x 390 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Zacharie. 1509. Fresque entre les deux pendentifs surmontant l’entrée de la chapelle, 360 x 390 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.9. La Sibylle de Delphes | La Sibylle de Delphes. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 350 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Parmi les sibylles, celle de Delphes est d'une beauté séduisante, féminine, élégante et forte : déterminée, elle tient dans une main un tissu et dans l'autre un parchemin, déplié devant elle. Comme distraite de la lecture du rouleau par un fait externe, peut-être une vision, la Sibylle porte son regard dans la direction opposée à la rotation de son corps. Ses yeux et sa bouche entrouverte semblent manifester une émotion soudaine face à un nouvel événement. Le reste du corps résiste encore, bloqué dans l'état de calme précédent. Proche de l’univers antique, son image rappelle la Vierge du Tondo Doni, alors que ses deux assistants semblent pris dans une autre dimension. Ils se font face autour d'un livre ouvert, soutenu par celui dont l'effigie est la plus proche du monde païen et animal, référence à la figure de Dionysos…
La Sibylle de Delphes, considérée comme un idéal de beauté, fut l’une des plus admirées, particulièrement dans la manière de traiter le visage : un axe vertical le partage en deux, la partie droite étant maintenue dans un ombre légèrement croissante (hormis la pommette mise en relief par un jeu de lumière), alors que la gauche est traitée dans la lumière…
| La Sibylle de Delphes. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 350 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| La Sibylle de Delphes. 1509. Fresque de la neuvième section de la voûte, 350 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.10. Le prophète Isaïe | Le prophète Isaïe. 1509. Fresque de la septième section de la voûte, 365 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le prophète Isaïe, traité dans l’esprit d'une beauté virile classique, semble, quant à lui, habité par le doute. Il a interrompu sa lecture, garde son doigt entre les pages du Grand Livre et, Le visage tourné vers un assistant plein de vie et que l’on devine dans un état d’excitation, il semble écouter, inquiet, les propos de ce dernier. Le mouvement qui anime le drapé vert de ce petit aide conduit le regard vers le centre de la voûte, où est représenté le Sacrifice de Noé.
| Le prophète Isaïe. 1509. Fresque de la septième section de la voûte, 365 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Isaïe. 1509. Fresque de la septième section de la voûte, 365 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.11. La Sibylle de Cumes | La Sibylle de Cumes. 1510. Fresque de la cinquième section de la voûte, 375 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La sibylle de Cumes est, assurément, le personnage féminin le plus déroutant de tout le cycle, et sans aucun doute la plus proche de l’image traditionnelle des prêtresses – prophétesses du monde grec. Elle correspond à l'image d’une voyante dont le pouvoir est non seulement illimité, mais terriblement inquiétant. Elle consulte avec un rictus de méfiance le Livre de la Sagesse et ne semble pas y trouver la moindre vérité.
Marquée par l’âge, elle est dépeinte par une tête inquiétante et minuscule, qui ne s'accorde nullement avec un corps viril, sur lequel deux seins musclés constituent une interrogation anatomique majeure. Les pieds monumentaux s'ajoutent à ce montage de parties anatomiques non complémentaires, qui fait osciller le personnage entre la bizarrerie naturelle et la caricature menaçante. Cet être tient à la fois du géant et de la sorcière, faisant écho à un texte d’Ovide qui raconte qu'Apollon courroucé, le grand inspirateur de l'oracle, condamne la sibylle à vivre mille ans… Chez Michel Ange, elle est la sibylle qui correspond le mieux à l’image inquiétante des devineresses du monde païen, les autres se rapprochant beaucoup plus de l’idéal féminin de la Renaissance…
| La Sibylle de Cumes. 1510. Fresque de la cinquième section de la voûte, 375 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.12. Le prophète Daniel | Le prophète Daniel. 1511. Fresque de la troisième section de la voûte, 395 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le prophète Daniel, plongé sans doute dans la lecture les textes du jugement dernier, non sans quelqu’inquiétude qu’exprime son visage, incarne à merveille une belle figure de penseur humaniste dont l'attitude est proche de celle de Joël. Un des assistants se trouve derrière lui, caché par un curieux voile, alors que le deuxième joue le rôle de putto – caryatide soutenant le Grand Livre ouvert.
Une note de joie, de sensualité est introduite par les putti soutenant l’entablement qui exécutent une danse effrénée rompant avec l'ambiance méditative qui domine la scène.
Cette figure a été l’une de celles qui a le plus souffert des infiltrations d’eau et a du être restaurée avec d’infinies précautions.
| Le prophète Daniel. 1511. Fresque de la troisième section de la voûte, 395 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le prophète Daniel. 1511. Fresque de la troisième section de la voûte, 395 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.2.13. La Sibylle de Libye | La Sibylle de Libye. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 395 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La Sibylle, dans un mouvement de torsion, pose ou prend le livre qui est derrière elle. Comme c’est la Voyante la plus proche de l'autel, de nombreux critiques ont ce interprété ce geste comme l'acte de déposer le livre des prophéties à l'approche de la venue du Messie… D’autres pensent qu’elle ne dépose pas le livre, mais qu’elle le consulte…
La sibylle de Libye s'impose par sa prestance physique, par la complexité de son anatomie. Si Vasari lui attribue une « attitude féminine », la musculature de son dos semble plutôt le démentir…Son profil coupant, sa coiffure serrée et compliquée rendent cette figure à la fois élégante (la position de la jambe et du pied) et intimidante. Son geste achève une nerveuse spirale montante : on y devine les signes avant-coureurs du maniérisme, renforcé encore pas le magnifique jeu de couleurs de ses vêtements ou le jaune profond alterne avec le gris-bleu, le saumon, l’ocre rouge ou le violet clair….
| La Sibylle de Libye. 1511. Fresque de la première section de la voûte, 395 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.3. Les pendentifs2.2.3.1. Généralités | Michel Ange : pendentif de Judith et Holopherne : vue générale. Chapelle Sixtine, Vatican |
La partie centrale de la voûte est conçue comme un mouvement longitudinal amenant le croyant de l'entrée (la Genèse) où sont mis en scène les premiers rapports entre Dieu et sa créature à travers les premiers épisodes qui ont plongé l’humanité dans le drame (déluge, tentation, expulsion du jardin d’Eden) à l’autel où domine la figure transcendante de Dieu, le créateur solitaire, d’où vient toute chose.
Cette histoire est raccordée aux scènes inférieures (les lunettes et les fresques du Quattrocento) grâce aux prophètes et aux sibylles, qui articulent et ponctuent les parties centrales de la voûte comme des échos significatifs et mystérieux. Mais cette jonction est aussi fortement soulignée par les quatre histoires racontées aux quatre pendentifs de la voûte. L'artiste y a représenté des épisodes violents, prémonitoires, en choisissant cette fois une sorte de réalisme « quotidien » et en abandonnant les accents héroïques, graves et nobles de la partie centrale.
Les grands pendentifs aux coins de la voûte narrent quatre épisodes du salut miraculeux du peuple d'Israël. On peut les interpréter comme des préfigurations du Messie car ils témoignent de la présence et de l’action constantes de Dieu dans la vie de son peuple et du renouvellement perpétuel de la promesse de la Rédemption. Ils constituent donc le trait d'union entre les épisodes de la voûte et ceux des murs.
| Michel Ange : pendentif de David et Goliath : vue générale. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le serpent d’airain. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.3.2. Le châtiment d’Aman | Le châtiment d’Aman. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le supplice d’Aman, à droite de l'entrée, s'inspire du récit biblique d'Esther, une esclave juive, nièce de Mardochée et épouse du roi Assuérus. Après une suite de complots et de persécutions contre le peuple hébreu, Assuérus condamne à mort Aman. « En ce qui me concerne, j'ai donné à Esther la maison d'Aman après l’avoir fait pendre pour avoir voulu perdre les juifs » (Esther VIII, 7). Dans la scène représentée, Assuérus, allongé dans la partie droite, appelle Mardochée. Le roi, qui se tient à gauche, réunit son conseil pour décider de la condamnation d'Aman. Le condamné, au centre, est crucifié.
| Le châtiment d’Aman. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Michel-Ange ne suit pas le récit biblique et imagine une extraordinaire crucifixion. Le corps est saisi en très fort raccourci, techniquement compliqué par le mur creux et l'espace en triangle irrégulier. Le thorax d'Aman et sa puissante musculature rappellent le Laocoon, le célèbre groupe sculptural antique dont la découverte à Rome, en 1506, avait profondément ému Michel Ange. Rarement un corps aura exprimé avec une telle puissance la lutte contre l'adversité, l'effort libérateur, traduit dans la sculpture de Michel Ange, notamment dans les Esclaves.
La figure crucifiée d’Aman a fait l’objet de nombreuses interprétations. La plus probante est celle qui voit en Aman une image annonçant le martyre du Christ. Elle reste cependant gênante dans la mesure où le personnage d’Aman joue dans la Bible un rôle négatif de persécuteur du peuple hébreu.
| Le châtiment d’Aman. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Le châtiment d’Aman. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.3.3. Le serpent d’airain | Le serpent d’airain. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
L'esprit d'indépendance de Michel Ange se manifeste clairement dans le thème du pendentif relatant l’épisode du Serpent d'airain, scène dans laquelle la figure de Moïse doit en principe jouer un rôle central : le livre des Nombres raconte que le peuple hébreu, en chemin vers la Transjordanie, perd patience et se révolte contre Dieu et Moïse. Yahvé dans sa colère envoie des .serpents brûlants, serpents ailés ou dragons dont la morsure tue un grand nombre de fils d’Israël. Le peuple, repenti et apeuré implore Moïse de le libérer des reptiles maléfiques. Moïse intercède pour le peuple et Yahvé lui répond : « Façonne-toi un brûlant que tu placeras sur un étendard. Quiconque aura été mordu et le regardera restera en vie ! » (Nombres XXI, 8).
| Le serpent d’airain. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La composition de Michel-Ange joue sur des effets spectaculaires de compression, d'étirement, de transformation des corps, tordus, déformés par la pluie de serpents, mais déjà sauvés par un reptile qui se dresse sur une hampe, préfiguration paradoxale du Christ Sauveur sur la croix. Mais Moïse n’est nullement mis en relief dans la scène, et on a même du mal à le trouver : est-ce le jeune homme soutenant une femme sur la gauche ? Ou est-ce la figure de droite, aux mains levées en signe d'effroi ? Ou est-il tout simplement absent de la composition, comme pourrait le suggérer le pessimisme foncier de Michel Ange, indiquant ainsi que le sauveur est absent, l'espoir disparu, le peuple livré à la vengeance divine, sans intercesseur ? Le raccourci du corps du personnage se trouvant à l'extrême droite, contre la corniche, annonce à lui seul les peintres maniéristes, comme Rosso, Beccafumi, Pontormo, le Parmesan.
| Le serpent d’airain. Pendentif côté autel. 1511. Fresque, 585 x 985 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.3.4. David et Goliath | David et Goliath. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
« Les Philistins se tenaient sur la montagne d'un côté, les Hébreux de l'autre côté, et la vallée était entre eux. Alors sortit du rang des Philistins un champion qui s'appelait Goliath… Il s'avança et cria :
« Choisissez-vous un homme et qu'il descende vers moi. S'il l'emporte au combat et m'abat, nous deviendrons vos esclaves. Mais si c'est moi qui l'emporte, c'est vous qui nous servirez ».
Quand Saül et les Hébreux entendirent ces paroles, ils eurent très peur…
David, fronde en main, s'avança vers le Philistin. Le Philistin regarda David et le méprisa, car il était jeune. David dit au Philistin : « Tu viens vers moi avec des armes, mais moi je viens vers toi au nom de Dieu. Aujourd'hui même, Dieu te livrera à moi. »
David prit une pierre qu'il lança avec la fronde, et la pierre s'enfonça dans le front du Philistin qui tomba la face contre terre. David courut, et debout sur le Philistin, il prit son glaive et lui coupa la tête. »
(Samuel I, XVII, 3-51)
| David et Goliath. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Le pendentif de David et Goliath, à droite de l'entrée, offre une version du héros hébreu diamétralement opposée à celle qui apparaît dans la célèbre sculpture de l’artiste réalisée en 1504. Toute l’iconographie est transformés : David paraît frêle, adolescent presque maladroit, avec un cimeterre trop lourd pour lui. Goliath gît au sol, mais n'est pas définitivement anéanti car il tente de se relever en s'appuyant sur ses bras puissants. Le géant philistin pourrait encore vaincre David. La position d'un jeune homme chevauchant et écrasant un homme plus âgé sera d’ailleurs reprise et modifiée dans le groupe sculptural intitulé « Victoire », exécuté vers 1532 pour le tombeau de Jules II.
| David et Goliath. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.3.5. Judith et Holopherne (Judith XIII, 1-10) | Judith et Holopherne. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
L’histoire de Judith et Holopherne occupe le pendentif d'angle à gauche de l'entrée : elle raconte un épisode « miraculeux » de l’histoire d’Israël : Judith sauvant sa ville de Béthulie du siège de Holopherne, le général du roi assyrien Nabuchodonosor. « ...et Judith fut laissée seule dans la tente avec Holopherne effondré sur son lit, noyé dans le vin... Elle avança alors vers la traverse du lit proche de la tête d'Holopherne, en détacha son cimeterre... Par deux fois elle frappa au cou, de toute sa force, et détacha sa tête... Peu après, elle sortit et donna la tête d’Holopherne à sa servante, qui la mit dans la besace à vivres... » (Judith XIII, 6-10).
Trois scènes viennent illustrer cet épisode : à gauche les gardes endormis ; au centre Judith et sa servante en train de couvrir d'un linge la tête d'Holopherne, dont les traits rappellent ceux de Michel-Ange ; à droite le corps mutilé d'Holopherne. Judith couvre la tête du mort - autoportrait supposé de Michel-Ange - tandis que le corps décapité gît sur la droite.
Dans sa fresque. Michel Ange ne souligne pas le triomphe de Judith, car, si elle s éloigne de la tente avec la servante, le danger n'est pas écarté pour autant : il faudra éviter la sentinelle, traverser le camp ennemi... Les gestes élégants des deux femmes contrastent avec l'atroce torsion du corps décapité.
| Judith et Holopherne. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Judith et Holopherne. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Judith et Holopherne. Détail : nus de bronze. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4. Les lunettes et les voûtains2.2.4.1. Généralités | Voûtain des ancêtres du Christ : Reboam et ses parents, détail. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les lunettes sont la partie la plus élevée des murs de la chapelle. Elles sont situées au-dessus de la corniche supérieure, sous laquelle ont été réalisées les figures des papes sous Sixte IV. Leurs vastes surfaces semi-circulaires (environ 6,5 x 3,4 mètres) sont délimitées par les sommets des voûtes des fenêtres et sur les côtés par les courbes des voûtains liant les murs à la voûte, ou celles des pendentifs aux quatre coins de la voûte. Il y a dont à l’origine 16 lunettes et 8 voûtains décorés par Michel Ange. Mais lorsqu’il réalisera la fresque du Jugement dernier, il supprimera les deux fresques des lunettes au dessus de l’autel.
Dans les lunettes et les voûtains, Michel-Ange a représenté les Ancêtres du Christ, précurseurs de sa venue et donc de la Rédemption. Saint Matthieu en dresse la liste au début de son Evangile (Matthieu I, 1-17) reportant à partir de Abraham quarante noms d'ancêtres du Christ (Alors que Luc, dans sa généalogie, partant de Adam, cite 75 familles). Cette œuvre ne vise pas à présenter des images historiques mais est plutôt une illustration symbolique de l'humanité saisie dans diverses attitudes et surtout son édification en familles. Malgré de nombreuses tentatives de relier les noms des plaques aux personnages représentés, il est encore difficile à ce jour de les identifier avec une totale certitude.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Aminadab. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
« Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham.
Abraham engendra Isaac; Isaac engendra Jacob; Jacob engendra Juda et ses frères ;
Juda engendra de Thamar Pharès et Zara ; Pharès engendra Esrom; Esrom engendra Aram ;
Aram engendra Aminadab; Aminadab engendra Naasson; Naasson engendra Salmon ;
Salmon engendra Booz de Rahab; Booz engendra Obed de Ruth ;
Obed engendra Jessé ; Jessé engendra David. Le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie ;
Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abia ; Abia engendra Asa ;
Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Ozias ;
Ozias engendra Joatham ; Joatham engendra Achaz ; Achaz engendra Ézéchias ;
Ézéchias engendra Manassé; Manassé engendra Amon; Amon engendra Josias;
Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la déportation à Babylone.
Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel; Salathiel engendra Zorobabel ;
Zorobabel engendra Abiud ; Abiud engendra Éliakim ; Éliakim engendra Azor ;
Azor engendra Sadok ; Sadok engendra Achim ; Achim engendra Éliud ;
Éliud engendra Éléazar ; Éléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob ;
Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ. »
(Matthieu, I, 4-16)
| Lunette : les ancêtres du Christ : Ezéchias, Manassé, Amon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.2. Abraham, Isaac, Jacob, Juda | Lunette perdue : les ancêtres du Christ : Abraham, Isaac, Jacob, Juda. 1511-1512. D’après une gravure. Chapelle Sixtine, Vatican |
Dans les lunettes situés au dessus du mur d'autel, Michel Angelo a peint les deux premiers groupes des ancêtres du Christ selon l'ordre donné par l’Evangile de Matthieu : le groupe Abraham-Isaac-Jacob-Juda et le groupe Pharès-Esrom-Aram. Les deux Fresques ont été détruites lorsque l'artiste a décidé d’étendre la fresque du Jugement dernier à toute la surface du mur. On conserve cependant deux dessins représentant l’ensemble des fresques de la chapelle (l’un de la collection de château de Windsor et l’autre du musée Ashmolean d'Oxford), ainsi que deux gravures des lunettes réalisées par Adamo Ghisi (1530-1585). 2.2.4.3. Pharès, Esrom, Aram | Lunette perdue : les ancêtres du Christ : Pharès, Esrom, Aram. 1511-1512. Gravure. Chapelle Sixtine, Vatican |
Dans les lunettes situés au dessus du mur d'autel, Michel Angelo a peint les deux premiers groupes des ancêtres du Christ selon l'ordre donné par l’Evangile de Matthieu : le groupe Abraham-Isaac-Jacob-Juda et le groupe Pérès-Hesrom-Aram. Les deux fresques ont été détruites lorsque l'artiste a décidé d’étendre la fresque du Jugement dernier à toute la surface du mur. On conserve cependant deux dessins représentant l’ensemble des fresques de la chapelle (l’un de la collection de château de Windsor et l’autre du musée Ashmolean d'Oxford), ainsi que deux gravures des lunettes réalisées par Adamo Ghisi (1530-1585). 2.2.4.4. Aminadab | Lunette : les ancêtres du Christ : Aminadab . 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Il y a seulement deux figures, toutes les deux jeunes, dans la lunette d'Amminadab, prince des Lévites, qui fait face à la figure de Naasson. L’homme est dépeint assis très droit, de front, les pieds rassemblés et les bras reposant sur ses genoux. Son attitude et son visage semblent trahir une grande tension intérieure. Sa tête chevelue est ceinte d’un bandeau blanc, et il porte des boucles d’oreilles.
La position de la femme et peu commune et semble un instantané très vivant et très naturel, comme saisi au vif : penchée en avant sur quelqu’invisible miroir, les jambes croisées, elle coiffe ses amples cheveux blonds avec un peigne probablement en ivoire. Les effets de lumière jouent magnifiquement sur son visage préoccupé par sa beauté…
| Lunette : les ancêtres du Christ : Aminadab. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.5. Naasson | Lunette : les ancêtres du Christ : Naasson. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Il y a seulement deux figures, toutes les deux jeunes, dans la lunette de Naasson, un homme et une femme se positionnent dans la même direction, sans souci de symétrie par rapport à la lunette. La même orientation a été utilisée pour les principales figures dans la lunette perdue d'Abraham-Jacob-Isaac-Judas.
La femme est représentée longue vêtue, debout, la jambe gauche posée sur le siège de pierre sur laquelle elle appuie son bras. De sa main gauche elle tient un miroir dans lequel elle s’admire. Elle est penchée vers l’avant, la courbe de son corps parallèle avec celle de la lunette. Elle porte une chemise jaune que couvre une ample tunique verte échancrée sur les côtés. Sa longue chevelure blonde est nouée sur sa tête ; le profil, net, est bien souligné par un jeu d’ombre et de lumière. La pose de la femme est probablement dérivée d'un relief représentant la muse Melpomène sur un sarcophage romain.
De l'autre côté de la lunette, le jeune Naasson est assis négligemment sur le siège, penché vers l’arrière. Devant lui un lutrin sur lequel est ouvert un livre qu’il lit distraitement, la jambe droite étendue et posée sur un repose pied en bois… Il est enveloppé dans un ample manteau rouge aux reflets ombrés gris-bleus. Il se dégage de la figure du prince une attitude d’élégante nonchalance…
| Lunette : les ancêtres du Christ : Naasson. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Naasson. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.6. Salmon, Booz, Jobed | Lunette : les ancêtres du Christ : Salmon, Booz, Jobed. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Du côté gauche de la lunette, Jobed, fils de Booz, est représenté endormi sur les genoux de sa mère, Ruth. La femme est représentée avec ses yeux fermés, berçant tendrement l'enfant qu’elle a juste fini de nourrir : son sein droit dépasse toujours de son vêtement. Caché sous une couche de peinture, sans doute par Volterra, il sera redécouvert lors de la restauration de la fin du XXè siècle. Ruth porte une longue tunique rose avec des tâches blanchâtres et orange constituées par les jeux de lumière. Un manteau violet enveloppe ses genoux, contrastant avec le vert qui emmaillote l’enfant. La sérénité et la douceur de la femme, légèrement tournée vers le centre de la lunette, contraste très nettement avec le personnage du vieil homme représenté du côté droit de la lunette.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Salmon, Booz, Jobed. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
De nombreux critique ont vu dans ce personnage le vieux Booz, encore tout « secoué » par la naissance de Jobed…
Le personnage est assis, son bras droit placé sur le siège, peut-être parce qu'il se retient. Sa tête se tend en avant, sa bouche est ouverte et sa longue barbe darde devant lui. Son visage exprime un sentiment de colère qu’il semble cracher à la petite figure sculptée que forme le pommeau de la canne qu’il tient dans sa main… et qui d’ailleurs lui ressemble étrangement.
Il porte une courte tunique verte serrée à la taille, un chapeau à oreillettes, un chapeau à large bord sur son dos, et une gourde à la ceinture. En fait, tout semble indiquer qu’il ne s’agisse pas de Booz, mais bien d’un pèlerin.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Salmon, Booz, Jobed. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Salmon, Booz, Jobed. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.7. Voûtain de Salmon et de ses parents | Voûtain des ancêtres du Christ : Salmon et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les personnages du voûtain situé entre la sibylle de Perse et Jérémie et au dessus de la lunette de Booz, Salmon et Obed sont sans doute Naasson, son épouse et leur fils Salmon, le père de Booz. Le groupe familial s'inscrit parfaitement dans le triangle du voûtain et semble, pour une fois, étroitement uni par l'interaction des gestes et des regards, concentré sur l’activité de la femme.
Les bronzes nus dans les champs au-dessus de la corniche sont pliés vers l'avant dans une position inconfortable, comme s'ils tentaient de regarder vers le haut.
| Voûtain des ancêtres du Christ : Salmon et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Voûtain des ancêtres du Christ : Salmon et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.8. Voûtain de Jessé et de ses parentsLes figures du voûtain situé entre la sibylle de Libye et le prophète Daniel au-dessus de la lunette de Jessé, David et Salomon contrastent absolument avec celles du voûtain opposé : l'immobilité absolue de la figure énigmatique représentée de front emplit pratiquement tout l’espace, reléguant à l’arrière plan celle du père et de l’enfant… La femme semble plongée dans une profonde méditation et totalement étrangère aux deux autres figures. Ces personnages représentent sans doute Jessé et ses parents.
| Voûtain des ancêtres du Christ : Jessé et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Voûtain des ancêtres du Christ : Jessé et ses Parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.9. Jessé, David, Salomon | Lunette : les ancêtres du Christ : Jessé, David, Salomon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La lunette de Jessé, David et Salomon se trouve entre la sibylle de Libye et le prophète Daniel. D’après la critique, David est le personnage assis à gauche alors que Salomon est l’enfant qui, tête recouverte d’un voile (coiffe rituelle ?), tenant sur un plateau ce qui pourrait être une offrande votive. A droite, Bethsabée est assise de profil.
La pose de David, tête et torse de face, bassin et jambes tournés légèrement vers la gauche, trahit une tension physique intense et une présence dominante, contrastant avec le visage de l’enfant et l’attitude presque effacée de la femme.
Il porte des vêtements à l’orientale : un couvre chef retombant sur les épaules qui n’est pas sans rappeler le keffieh arabe ; une ample tunique rose et jaune ; ses bras sont repliés sur sa poitrine et de la main gauche il tient un fin tissu blanc dont la fonction est sans doute rituelle ; sa main, remarquablement modelée et les plis de la partie plus inférieure de la tunique ressortent avec force au premier plan. Son visage, en partie dans l'ombre, exprime une grande concentration, que quelque chose sur la gauche vient sans tout juste d’interrompre…
La femme assise est penchée sur son métier à bobiner la laine et toute absorbée par son travail. Elle porte une longue robe violette serrée à la taille par une ceinture verte et une chemise blanche aux ombres gris - bleu. Les seules couleurs vives sont ses chaussures rouges et le tissu ocre jaune couvrant son siège.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jessé, David, Salomon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jessé, David, Salomon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.10. Roboam et Abia | Lunette : les ancêtres du Christ : Roboam, Abia. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Un étonnant naturalisme et une grande variété de poses caractérisent les figures dans cette lunette et les suivantes, qui ont été peintes avec grande rapidité.
Sur la gauche est représentée une femme, assise de profil : penchée vers l'arrière, le coude sur le dos du siège, elle dirige son regard vers l’intérieur de la chapelle. Son bras droit repose sur sa jambe relevée, et sa main gauche sur son ventre semble caresser l’enfant qu’elle porte dans son ventre…
Le jeune homme à droite est assis, le corps replié sur sa jambe droite, son bras droit ballant, dans une attitude de total abandon, donnant l’impression de dormir. Derrière lui, un jeune garçon semble absorbé dans ses pensées…
| Lunette : les ancêtres du Christ : Roboam, Abia. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Roboam, Abia. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.11. Voûtain de Roboam et de ses parents | Voûtain des ancêtres du Christ : Roboam et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Dans le voûtain situé entre la sibylle de Perse et Ezéchiel, au dessus de la lunette de Roboam et Abia, Michel Ange a semble t-il représenté un autre groupe familial. La femme au premier plan occupe les deux tiers de l’espace : courbée en avant, le menton posé sur le creux de sa main gauche alors que de son bras droit elle entoure son enfant, elle est absorbée dans ses pensées. Derrière elle, la tête grise d’un homme émerge de l’ombre… Le group représenté est sans doute celui de Roboam et de ses parents. 2.2.4.12. Voûtain d’Asa et de ses parents | Voûtain des ancêtres du Christ : Asa et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Dans le voûtain situé entre Daniel et la sibylle de Cumes, au dessus de la lunette de Asa, Josaphat et Joram, Michel Ange représente un groupe familial dont la mère occupe pratiquement tout l’espace, plongée dans un sommeil profond. Les couleurs de sa robe rouge et du baluchon blanc contrastent nettement ave le fond sombre, dont émergent à peine les figures de l’enfant et du père de famille. Il s’agit sans doute d’Asa, le futur roi, et de ses parents. 2.2.4.13. Asa, Josaphat, Joram | Lunette : les ancêtres du Christ : Asa, Joshaphat, Joram. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La lunette d’Asa, Josaphat et Joram est située entre les figures du prophète Daniel et la sibylle de Cumes.
Côté gauche, un vieil homme émacié, traditionnellement reconnu comme Josaphat, est assis de profil dans une pose peu commune : une jambe est étendue, l'autre repliée, le pied reposant sur le siège : l’homme écrit sur un parchemin posé sur son genou droit. Il porte un ample manteau jaune aux reflets rouges, un pantalon blanc serré autour des chevilles, des chaussures roses et un chapeau gris. Sa tête est presque taillée à la hache, avec de grandes oreilles, un profil aquilin et une pomme d’Adam bien proéminente.
De l’autre côté un scène naturaliste très expressive : trois bambins prennent littéralement d’assaut leur mère, allégorie de la charité : elle en étreint un, tout en se tournant vers le second qui, grimpé sur son dos, l'embrasse sur sa joue, alors que le petit troisième tête son sein dénudé.
La robe jaune de la femme, avec des reflets dorés fait écho au rouge du manteau de l’homme écrivant.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Asa, Joshaphat, Joram. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Asa, Joshaphat, Joram. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.14. Ozias, Joatham, Achaz | Lunette : les ancêtres du Christ : Ozias, Joatham, Achaz. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La lunette d’Ozias, Joatham et Achaz est située entre les figures du prophète Ezéchiel et la sibylle d’Erythrée.
La symétrie des poses des principales figures est particulièrement étudiée : torses vues de face, visages de profil, direction similaire des regards… Le garçon au premier plan, devant la femme, renforce l'équilibre plastique de la scène ; il se dégage une emphase sculpturale et monumentale de ces deux groupes qui semblent comprimés dans l'espace limité de la lunette. Sous un manteau vert, l'homme du côté gauche, sans doute Jotham, est accompagné de son fils Achaz. Il porte une tunique jaune avec les ombres lilas sur l'épaule et le bras ; dans une attitude détendue, il se penche en avant et regarde un point que lui montre le garçon derrière lui.
La grande partie de la lunette est dominée par la tonalité du lourd manteau rouge - orange aux ombres jaune foncé que la femme serre sur son sein. Elle est assise dans une attitude protectrice de ses enfants… La tête voilée, son attitude assez pesante, l’expression de son visage, le modelé du drapé semble indiqué que l’artiste s’est inspiré d’un modèle classique. Ce même modèle qui a sans doute inspiré l’enfant debout appuyé sur le siège, dont la pose ressemble à celle des statues funéraires antiques des génies, et est proche d'une des figures des nus occupant l’arrière plan du Doni Tondo.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Ozias, Joatham, Achaz. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Ozias, Joatham, Achaz. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.15. Voûtain d’Ozias et de ses parents | Voûtain des ancêtres du Christ : Ozias et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les figures du voûtain entre la sibylle d’Erythrée et Ezéchiel se situent au dessus de la lunette d’Ozias, Joatham et Achaz. Elles représentent sans doute Ozias, le futur roi de Juda, sa mère, son père Joatham et l’un de ses frères.
Avec l'enfant penchée sur sa poitrine, la femme agenouillée à l'avant forme un groupe pyramidal dont l’axe se situe légèrement sur la droite du voûtain. L'espace sur la gauche est occupé au second plan par un second triangle formé par le père et le second enfant
| Voûtain des ancêtres du Christ : Ozias et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.16. Voûtain d’Ezéchias et de ses parents | Voûtain des ancêtres du Christ : Ezéchias et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les figures du voûtain entre la sibylle de Cumes et Isaïe se situent au dessus de la lunette d’Ezéchias, Manassé et Amon : elles représentent sans doute Ezéchias enfant avec sa mère et son père Achaz.
Tout l'espace au premier plan est occupé par la figure de profil de la femme assise sur le sol. Derrière elle, la figure d'un enfant et la tête d'un vieil homme sortent de l'ombre. Une lumière vive, donne la prééminence à la femme au manteau vert irisé de jaune, à chemise blanche, et au foulard tombant de son épaule le long de son bras droit très , ce qui accroît le contraste avec les figures à l’arrière.
| Voûtain des ancêtres du Christ : Ezéchias et ses parents. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.17. Ezéchias, Manassé, Amon | Lunette : les ancêtres du Christ : Ezéchias, Manassé, Amon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les deux figures principales, assises et vues de profil, se tournent le dos. L'homme seul assis du côté droit, semble effondré, penché en avant et le visage dans l'ombre, plongé dans une profonde méditation. Il s’agit sans doute de Manassé, en plein remord avoir favorisé des cultes idolâtres et avoir persécuté des fidèles de Yahvé
La jeune femme côté gauche est sans doute Meshullémèt, la mère d'Amon : ses lèvres à moitié fermées, une expression de tendresse infinie sur son visage, elle est totalement absorbée par le bébé qu'elle tient dans ses bras, alors que ses pieds bercent le berceau en bois et en osier où un dort autre enfant.
Bien que les deux figures semblent éloignées l'une de l'autre, il y a un rapport complémentaire dû au contraste émotif. Ainsi, l'attitude d'abandon désolé de Manassé est contrebalancée par la grâce, la vitalité et la tendresse de la femme.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Ezéchias, Manassé, Amon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Ezéchias, Manassé, Amon. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.18. Josias, Jéchonias, Salathiel | Lunette : les ancêtres du Christ : Josias, Jéchonias, Salathiel. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Josias, le fils d'Amon, est habituellement considéré comme l'homme représenté du côté droit, alors que l'enfant qu'il tient sur ses genoux est Jéchonias ; du côté opposé, la mère tient des bras un autre des fils de Josias engendré pendant la captivité babylonienne. En principe, cette scène devrait se trouver dans la lunette opposée : Michel Ange a en effet interrompu l’ordre chronologique des ancêtres du Christ, en plaçant ce groupe à la place du groupe Zorobabel, Abiud, Elyaqim. Il ait possible que l’artiste ait voulu regrouper côte à côte le groupe Ezéchias – Manassé - Amon et le groupe Josias - Jéchonias - Salathiel pour attirer l’attention sur la période de l’exil à Babylone.
Le visage de l'homme est fortement caractérisé par une expression de forte tension ; il tourne la tête vers la femme qui elle, tournée vers l’arrière comme pour reculer devant un danger, étreigne son fils pour mieux le protéger avec une expression de peur sur son visage…
La manière vigoureuse qu’à l'homme de tourner la tête, le rapport entre son cou et le manteau couvrant ses épaules, et le rendu sculptural des plis de son manteau ne sont pas sans rappeler les modèles classiques et les portraits romains.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Josias, Jéchonias, Salathiel. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Josias, Jéchonias, Salathiel. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.19. Voûtain de Jéchonias et de sa famille | Voûtain des ancêtres du Christ : Jéchonias et sa famille. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Les figures du voûtain entre Isaïe et la sibylle de Delphes se situent au dessus de la lunette de Josias, Jéchonias et Salathiel. Elles représentent sans doute Jéchonias, son épouse et leur fils Salathiel.
La famille est visiblement en train de se reposer dans une atmosphère nocturne et rappellent ce que l’apôtre Paul disait au sujet des ancêtres du Christ : ce sont des étrangers sur la terre, des pèlerins en route vers la terre promise…
| Voûtain des ancêtres du Christ : Jéchonias et sa famille. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.20. Voûtain de Zorobabel et de sa familleLes figures du voûtain entre Joël et la sibylle d’Erythrée se situent au dessus de la lunette de Zorobabel, Abiud et Eliakim. Elles représentent sans doute Zorobabel en compagnie de ses parents et d’un de ses frères.
Elle est à rapprocher dans son interprétation de la famille de Jéchonias du voûtain qui lui fait face.
| Voûtain des ancêtres du Christ : Zorobabel et sa famille. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Voûtain des ancêtres du Christ : Zorobabel et sa famille. 1510. Fresque, 245 x 340 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.21. Zorobabel, Abiud, Eliakim | Lunette : les ancêtres du Christ : Zorobabel, Abiud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
La composition des figures de cette lunette semble dicté par la recherche de symétrique. Un homme et une femme, toutes les deux accompagnées d'un enfant sont assis de profil, se tournant le dos, mais tournant la tête vers le spectateur, leurs regards fixés sur le même point.
Nu-tête, les jambes couvertes par un manteau jaune, la femme étreint un enfant enveloppé dans un châle rouge avec les raies blanches. L'intensité des couleurs dans le groupe de gauche est équilibrée du côté droit par des tonalités plus foncées : enveloppé un manteau violet et en portant un large chapeau vert orné d’un ruban jaune, l’homme adopte une attitude d’étonnement curieux, alors que l’enfant s'accroche à lui, comme s’il souhaitait attirer son attention, avec une expression de légère inquiétude sur son visage.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Zorobabel, Abioud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Zorobabel, Abioud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.22. Azor et Zadok | Lunette : les ancêtres du Christ : Azor, Sadok. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Voici la première lunette du mur nord. L'absence d'information concernant les figures représentées a contrecarré toute tentative d’identification. Du côté gauche une femme assise, dans une pose très naturelle, indique quelque chose en dehors de la lunette à un garçon (ou à une fille ?) qui semble dessiner ou écrite et se tourne avec quelque hésitation…
De l'autre côté est assis un homme d’âge mûr, tournant son visage marque de profonde rides vers le spectateur. Étroitement enveloppé dans un manteau ocre jaune, duquel émergent seulement sa tête et un bras, solitaire, il semble en proie à de sombres pensées. Le corps, modelé avec concision par le jeu de la lumière et de l'ombre et des plis du manteau, dégage une grande puissance plastique. Son isolement intensifie sa puissance expressive, et certains ont interprété cette figure comme un autoportrait imaginaire de l'artiste.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Azor, Sadok. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Azor, Sadok. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.23. Akhim et Eliud | Lunette : les ancêtres du Christ : Akhim, Eliud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
L'identité des figures n'est pas sûre, et il n'est pas possible d'établir lesquels des deux, Achim ou Eliud, est le vieil homme avec un enfant à côté de lui du côté gauche, et qui l'enfant nourri par sa mère du côté droit. La pose raffinée du vieil homme est très soigneusement construite avec la spirale vigoureuse de ses membres. L'effet sculptural de la figure est en grande partie dû à la proéminence des genoux et des bras croisés, ainsi que le coude droit et la main pliée vars l’intérieur. L’effet est encore intensifié par l'arrangement magnifique du drapé, particulièrement sur gauche du siège.
L'attitude méditative du vieil homme est équilibrée de l'autre côté de la lunette par la spontanéité des gestes de la femme. Tournée vers son enfant, elle tend son bras pour prendre de la nourriture d'un plat placé sur un tabouret au premier plan et nourrir son enfant.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Akhim, Eliud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Akhim, Eliud. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.24. Eléazar et Mathan | Lunette : les ancêtres du Christ : Eléazar, Mathan. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Au dessus du mur d'entrée de la chapelle, à la gauche du spectateur se trouve la lunette d'Eléazar - Mathan, les ancêtres, les plus proches, avec Jacob le père de Joseph, de la famille du Christ.
Eléazar, le père de Mathan est sans doute le jeune homme assis au premier plan du côté droit. Sa tête est de profil, et il semble plongé dans ses pensées. Derrière lui, les têtes d'une femme et d'un enfant. Dans la partie gauche, Mathan, dans le fond, semble se tourner avec une expression d'étonnement ou d'appréhension vers son épouse, qui, assise de profil, joue avec son Jacob, qui dans sur ses genou.
Cette lunette est probablement la première qu’a réalisée Michel Ange.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Eléazar, Mathan. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Eléazar, Mathan. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Eléazar, Mathan. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.4.25. Jacob et Joseph | Lunette : les ancêtres du Christ : Jacob, Joseph. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
Au dessus du mur d'entrée de la chapelle, à la droite du spectateur et à côté de la lunette d'Eléazar - Mathan, les figures de Jacob et de Joseph achèvent le cycle des ancêtres du Christ.
A gauche, maussade et perplexe, enveloppé dans un grand manteau ocre jaune énorme et apparemment retiré, un vieil homme, - dont on pense généralement que c’est Jacob – est assis au milieu d’un groupe familial. Du côté droit, au premier plan est assise une femme qui passe pour être la vierge Marie. Devant elle, un enfant tient un miroir, et derrière elle, dans l'ombre, Joseph tient l'enfant Jésus, qui tend un bras vers le miroir rond que lui tend l’enfant nu, probablement une allégorie de l’Eglise.
Les compositions des deux lunettes voisines se correspondent : figure féminine dans le premier plan tournée vers l’extérieur, figure masculine avec torse vue de front et bassin en demi profil, tournée vers l’intérieur…
La figue de Marie est mise en avant par un traitement très exotique ; très doux, il est animé par une expression de surprise.
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jacob, Joseph. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jacob, Joseph. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jacob, Joseph. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| Lunette : les ancêtres du Christ : Jacob, Joseph. 1511-1512. Fresque, 215 x 430 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
2.2.5. Le cadre architecturalChaque scène représentée dans la voûte de la chapelle Sixtine est cantonné dans un espace que Michel Ange traite à la manière d’un cadre architectural en trompe l’oeil, en créant notamment des corniches, des entablements, des avancées d’entablement, des encadrements. Ces espaces, il les orne de diverses figures qui jouent un rôle symbolique. Il délimite ainsi trois types d’espaces architecturaux « animés » qui vont rythmer l’ensemble de la composition monumentale :
- les avancées d’entablements, sur lesquels sont assis les « Ignudi » et qui sont soutenus par des couples de putti jouant le rôle d’atlantes, et entre lesquels sont assis prophètes et sibylles ; ces putti imitent les sculptures en pierre.
- couples imitant les bronzes nus et dominant les pendentifs et voûtains, dans diverses positions et encadrant un crâne e bélier ;
- personnage (atlante) nu entre les lunettes soutenant la plaque de marbre identifiant prophètes et sibylles. Ce personnage imite aussi les statues de bronze.
| Putti de la Sibylle d’Erythrée.1509. Fresque de la septième section de la voûte, 360 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
| David et Goliath. Détail : nus de bronze. Pendentif coté entrée. 1509. Fresque, 570 x 970 cm. Chapelle Sixtine, Vatica |
|
| Personnage soutenant la plaque de la Sibylle d’Erythrée.1509. Fresque de la septième section de la voûte, 360 x 380 cm. Chapelle Sixtine, Vatican |
|
Articles connexes
|
|