Nazisme : les Einsatzgruppen (2ième guerre mondiale)
8. Témoignages
Les rapports des EG
Babi Yar, par un officier allemand
Himmler : Extraits des discours de Poznan
Massacres à Minsk
L’Accord OKW-RSHA du 26 mars 1941
Un chef des EG témoigne
Le rapport Graebe
« Les camions de la mort »
Note pour l’entretien des camions à gaz
8.7. Le rapport Graebe
NCA V, pp.696-699. - N.D., 2992-PS. Dans Poliakov « Bréviaire de la haine », pages 143-145« Je soussigné Hermann Friedrich Graebe, déclare sous serment ce qui suit :
« De septembre 1941 à janvier 1944, j'exerçais les fonctions de directeur et d'ingénieur en chef de la succursale de Sdolbunow de l'entreprise de construction Josef Jung, à Solingen. En cette qualité, j'avais, entre autres, à visiter les chantiers de la maison. En vertu d'un contrat avec les services de construction de l'armée, celle-ci devait construire des entrepôts de céréales sur le terrain de l'ancien aérodrome de Dubno, en Ukraine. »
« Le 5 octobre 1942, lors de ma visite aux bureaux de construction de Dubno, mon chef d'équipe Hubert Moennikes, demeurant 21, Aussenmüelenweg à Hambourg-Haarbourg, me dit qu'à proximité des chantiers, des Juifs de Dubno avaient été fusillés dans trois grandes fosses d'une longueur d'environ 30 mètres et d'une profondeur de 3 mètres. Le nombre des personnes tuées par jour était d'environ 1.500. Les 5.000 Juifs qui avaient habité Dubno avant le pogrom étaient tous destinés à être liquidés. Les exécutions ayant eu lieu en présence de mon employé, il en restait péniblement impressionné. »
« Je me rendis alors sur les chantiers, accompagné de Moennikes, et je vis près de ceux-ci de grands remblais de terre, d'environ 30 mètres de long et 2 mètres de haut. Plusieurs camions stationnaient dans le voisinage immédiat. Des miliciens ukrainiens armés en faisaient descendre les gens sous la surveillance des soldats SS. Les mêmes miliciens étaient chargés de la garde et de la conduite des camions. Les gens dans les camions avaient sur le devant et dans le dos de leurs vêtements les pièces d'étoffe jaune réglementaires, qui permettaient de les identifier comme Juifs. »
« Moennikes et moi, nous nous dirigeâmes tout droit vers les fosses, sans en être empêchés. Quand nous nous approchâmes du remblai, j'entendis une série de coups de fusil se succédant de près. Les gens, descendus des camions - hommes, femmes et enfants - étaient forcés de se déshabiller sous la surveillance d'un soldat SS, cravache à la main. Ils étaient obligés de déposer les effets dans certains endroits : chaussures, vêtements et linge séparément. Je vis un tas de chaussures, environ 800 à 1 000 paires, de grandes piles de linge et de vêtements. Sans pleurer, ni gémir, ces gens se déshabillaient et se tenaient tout autour en se groupant par famille, en s'embrassant et en se faisant leurs adieux dans l'attente du signe d'un soldat SS qui se tenait debout au bord de la fosse, également une cravache à la main. Durant le quart d'heure que je restais là , je n'entendis pas une seule plainte ou une demande de grâce. J'observais une famille d'environ 8 membres : un homme et une femme âgés d'une cinquantaine d'années, entourés de leurs enfants d'environ 1, 8 et 10 ans, et de deux grandes filles d'environ 20 et 24 ans. Une vieille femme, aux cheveux tout blancs, tenait dans ses bras le bébé, le berçant et lui chantant une chanson. L'enfant, très satisfait, criait de joie. Les parents regardaient le groupe les larmes aux yeux. Le père tenait par la main le garçon de 10 ans, lui parlait doucement ; l'enfant luttait contre ses larmes. Puis le père leva le doigt vers le ciel et, caressant la tête du garçon, sembla lui expliquer quelque chose. A ce moment, le SS qui se tenait près de la fosse cria quelques mots à son camarade. Celui-ci compta une vingtaine de personnes et leur donna l'ordre d'aller derrière le remblai. La famille dont je viens de parler était parmi le groupe. Je me souviens encore de la jeune fille, mince et brune; qui en passant tout près de moi se désigna du doigt en faisant "23" ».
« Je fis le tour du remblai et me trouvai en face d'une fosse commune effroyable. Des corps étroitement serrés étaient empilés les uns sur les autres, de sorte que seules les têtes étaient visibles. La plupart étaient blessés à la tête, et le sang leur coulait sur les épaules. Quelques uns parmi les fusillés bougeaient encore. D'autres levaient les mains et tournaient la tête pour montrer qu'ils étaient encore vivants. La fosse était remplie aux deux tiers. J'évalue à un millier le nombre de corps qu'elle contenait. Je cherchai des yeux l'homme qui avait procédé à l'exécution. C'était un soldat SS, il était assis, les jambes ballantes, au bord de la fosse, un fusil-mitrailleur était posé sur ses genoux et il fumait une cigarette. Les gens, complètement nus, descendirent quelques marches qui étaient creusées dans la paroi argileuse, et se mirent à l'endroit indiqué par le SS. Étendus en face des morts ou des blessés, ils leur parlaient à mi-voix. Puis j'entendis une série de coups de fusil. Je regardai dans la fosse et vis des corps se contracter et des têtes déjà immobiles au-dessus des corps qui gisaient devant eux. Le sang coulait de leurs nuques. J'étais étonné de ne pas recevoir l'ordre de quitter les lieux, mais je remarquai à proximité des victimes deux ou trois postiers en uniforme. Une nouvelle fournée de victimes approchait de l'endroit. Elles descendirent dans la fosse, s'alignèrent en face des victimes précédentes et furent fusillées. »
« Sur le chemin du retour, en contournant le remblai, je vis un nouveau camion, rempli de gens qui venait d'arriver. Cette fois il ne contenait que des malades ou des infirmes. Des femmes déjà nues étaient en train de déshabiller une vieille femme, au corps décharné, aux jambes d'une maigreur effroyable. Elle était soutenue par deux personnes et semblait paralysée. Les gens nus la conduisirent derrière le remblai. Je quittai les lieux en compagnie de Moennikes et regagnais Dubno en voiture. »
« Le lendemain matin, en retournant au chantier, je vis une trentaine de corps nus gisant à trente ou cinquante mètres de la fosse. Quelques uns étaient encore vivants ; ils fixaient l'espace d'un regard figé, semblant ne pas réagir à la fraîcheur du matin et ne pas voir nos ouvriers qui se tenaient tout autour. Une jeune fille d'une vingtaine d'années m'adressa la parole, me demandant de lui apporter des vêtements et de l'aider à s'évader. A ce moment, nous entendîmes le bruit d'une voiture qui s'approchait à toute allure ; je vis que c'était un détachement de SS. Je regagnais mes chantiers. Dix minutes après, des coups de fusil retentirent à côté de la fosse. Les Juifs qui étaient encore vivants avaient reçu l'ordre de jeter les cadavres dans la fosse, puis ils durent s'y coucher eux-mêmes pour recevoir un coup de pistolet à la nuque. »
« Signé: GRAEBE
Wiesbaden, le 10 novembre 1945 »