La GrÚce archaïque : 700-480
2. La colonisation
Introduction
Causes
Processus
Type de colonisation
Rapports avec la métropole et les autochtones
Les premiÚres colonies
Les conséquences de la colonisation
2.6. Les premiÚres colonies
2.6.1. Syrie, Egypte et Libye
C’est au début du VIIIe siÚcle que les Grecs établissent des avant-postes commerciaux dans le sud des cÃŽtes d’Asie Mineure. Dans les époques antérieures, sous les Mycéniens, les Phéniciens étaient en relation commerciale avec les Grecs. Les marchands grecs d’Eubée, en retour, commercent avec la ville d’Al Mina, sur la cÃŽte syrienne àl’embouchure de l’Oronte, sans doute dÚs la fin du Xe siÚcle. Al Mina devient rapidement un comptoir grec de premiÚre importance. Ces échanges vont enrichir d’une influence orientale l’art, la religion et la civilisation et permettre l’apparition et le développement de l’alphabet grec, apparu sans doute au XIe siÚcle. Plus tard les Ioniens et les Cariens deviennent ensuite mercenaires en Lydie, mÚnent des razzias dans le delta du Nil et servent Babylone sous le rÚgne de Nabuchodonosor.
Plus au sud, dans le Delta du Nil, les Grecs de Milet fondent un comptoir commercial àTechnos. Ce comptoir perd peu àpeu son importance lorsque des commerçants grecs fédérés de Milet, Corinthe et Egine fondent vers 650 la colonie de Naucratis sur la branche canopique du Nil et obtiennent du Pharaon Amasis un statut particulier. Naucratis devient un port trÚs important, car de lui sont exportés vers la GrÚce du blé, du lin, du papyrus alors que les Grecs importent céramique, vin, huile et argent. Naucratis est le plus important port égyptien libre d’accÚs aux étrangers. Il est certain que ces contacts avec l’Egypte ont, conjugués avec ceux d’Anatolie, trÚs nettement influencé la culture grecque, particuliÚrement en matiÚre d’architecture religieuse et de sculpture de pierre. Ainsi le second hécatompédon de Samos dédié àHéra, où le premiÚre colonnes àchapiteaux floraux d’un temple de Smyrne.
Toujours vers le sud, les colons de Théra (Santorin), alors en proie àplusieurs années de sécheresse, menés par Aristote Battos I fondent vers 630 sur un plateau de la cÃŽte libyenne choisi pour ses riches terres, la colonie de CyrÚne (de « Kyra » signifiant « asphodÚle »), aprÚs deux échecs infructueux d’installation dans les régions proches. CyrÚne se dote rapidement d’un port, Apollonia. Plus tard, deux autres villes sont fondées àpartir de CyrÚne sur la cÃŽte : Taucheira, l'actuelle Tocra, et Euhespérides, la moderne Benghazi. Enfin, sous le rÚgne d'Arcésilas II dit « le Dur », un groupe de Cyrénéens chassé de la ville fonde vers 550 sur un plateau àl'ouest de CyrÚne la cité de Barca, l'actuelle El-Merj, et aménage un port sur la cÃŽte, la future Ptolémaïs. CyrÚne et sa région, la Cyrénaïque, deviennent rapidement trÚs riches et exportent céréales, chevaux, laine et bœufs.
2.6.2. Piérie, Macédoine, Chalcidique
ParallÚlement àl’installation dans le sud de la Méditerranée, d’autres Grecs, principalement d’Eubée, s’installent, aprÚs une période d'exploration, de contacts et d'échanges avec les populations locales, sur les cÃŽtes de la Piérie, de la Macédoine, de ce qui allait devenir la Chalcidique, jusque vers le fleuve Strymon.
Les fondateurs viennent principalement de deux cités de l’Eubée, Erétrie et surtout Chalcis : la premiÚre colonie est MéthonÚ en Piérie, fondée vers 750 par des Erétriens chassés de Corcyre par Corinthe. Suivent les fondations de MendÚ, SkionÚ, Néapolis, Aphytos (par Erétrie), Potidaea (vers 600 par Corinthe), ToronÚ (par Chalcis), SermylÚâ€Å
Venus des Cyclades, les Grecs de Paros s’établissent sur l’île de Thasos en 680, puis, àpartir de l’île, fondent sur la cÃŽte entre les fleuves Strymon et Nestos, en Pérée, les colonies de Galepsos, Apollonia, OisymÚ, Néapolis. Quant aux Cycladiens de l’île d’Andros, ils fondent toujours en Chalcidique SanÚ, Akanthos et Stageira (655) sur la cÃŽte orientale, et Argilos (655-653) non loin de l’embouchure du Strymon.
2.6.3. Les colonies de Sicile et de Grande GrÚce
2.6.3.1. Le pays
La « Grande GrÚce », ainsi que la désigne l’historien Polybe (202-126) englobe l’Italie méridionale et la Sicile et se présente comme une région au relief assez tourmenté, mais dont les nombreuses plaines alluviales sableuses et argileuses sont propices aux cultures céréaliÚres et arbustives. Les populations italiennes autochtones qui occupent la région avant l’arrivée des Grecs sont avant tout pasteurs et agriculteurs, les premiers pratiquant la transhumance, les seconds cultivant les plaines les plus fertiles. Aucun de ces peuples n’est véritablement un peuple marinâ€Å
Lorsque les Grecs arrivent, il s’installent sur les cÃŽtes pour garder un lien maritime avec leur métropole : ils ne cherchent donc par àconquérir les terres àl’intérieur, se contentant de cultiver les plaines littorales sous leur contrÃŽle en installant vers l’intérieur des postes de surveillance militaire pour contenir les éventuelles velléités d’incursions indigÚnes.
La colonisation de la Grande GrÚce débute dans les années 770 avant JC. Elle est principalement due aux villes de Chalcis et de Corinthe, entraînant àleur suite les autres cités.
2.6.3.2. La Sicile
2.6.3.2.1. Les colonies chalcidiennes
Vers 757, la citée eubéenne de Chalcis fonde la premiÚre colonie agricole en Sicile de l’est, àNaxos, sur les collines de l’Etna favorables àla culture du blé et de la vigne. Le site se révélant assez étroit, les Naxiens fondent àleur tour en 752 Leontinoi, afin d’exploiter la « plaine blonde » de l’arriÚre-pays. La même année Chalcis créé Catane, sur les terres les plus fertiles de l’île, et deux ans plus tard Zancle, la future Messine. Avec ces trois colonies c'est toute la région de la plaine de Catane qui est occupée par Chalcis. Les indigÚnes, le Sicules continuent àvivre dans la région, semble t-il en bonne intelligence avec les colons, ce qui n’empêche par ces derniers de fortifier leurs cités de muraillesâ€Å
En 716, venant de Zancle, les colons chalcidiens fondent Mylai (Milazzo) au nord-est de l’île, et plus tard, en 648, HimÚre au nord, où ils vont au VÚ se heurter aux ambitions carthaginoises.
2.6.3.2.2. Les colonies corinthiennes
En concurrence avec Chalcis, Corinthe se lance dans l’aventure : conduits par Archias, les Corinthiens, aprÚs avoir fondé Corcyre (Corfou), s’établissent en 733 sur l’île d’Ortygie, prÚs des marais de Syraco, et fondent la colonie qui deviendra Syracuse, sur un site particuliÚrement favorable, car on peut y aménager deux ports de part et d’autre d’un chenal, on y trouve une source d’eau pure, Aréthuse ; et la basse vallée de l’Anapos est trÚs fertile. Les rapports avec les Sicules sont plus tendus, et rapidement les colons, qui sont doriens, les chassent de la région.
Entre 663 et 598, les Syracusains contrÃŽlent la majeure partie de l’espace agricole du sud-est de la Sicile, en fondant en 663 Acrai, dans l’arriÚre pays, puis Casmenai en 643 et Camarina en 598 sur la cÃŽte sud.
2.6.3.2.3. Les colonies mégariennes
En 728, des Doriens de Mégare, d’abord installés àTrÃŽtilon, Leontinoi et Thapsos, s’installent àMégara Hyblaia, au nord de Syracuse, aprÚs que leur oikistê Lamis eut négocié la possession d’un terrain avec le roi sicule Hyblon. Mais la colonie, « coincée » entre les territoires de ses puissants voisins, Leontinoi et Syracuse sur un territoire étriqué, cherche bientÃŽt d’autres débouchés : en 650, partant de Mégara Hyblaea, l’oikistê Pamylos va fonder àl’est de l’île la colonie de Sélinonte àl’embouchure de l’Hypsas et coloniser des terres trÚs fertiles. Plus tard, avant la fin du siÚcle, les Grecs de Sélinonte vont àleur tour fonder la colonie d’Heracleia Minoa àl’embouchure du fleuve Halycus
2.6.3.2.4. Les colonies rhodiennes
En 689, des colons de Rhodes et des colons Crétois, tous doriens, sous le commandement des oikistês AntiphÚme (Rhodes) et Entimo (CrÚte) s’installent sur la cÃŽte sud de la Sicile et fondent Géla, àl’embouchure du fleuve « Gélas » : il se heurtent aux indigÚnes, mais parviennent àles soumettre et àles refouler dans les montagnes. En 582, partis de Géla, des colons sous les ordres de Pistilo et Aristomo s’emparent le la plaine du fleuve Akragas et fondent Agrigente, à120 km àl’ouest de Géla.
2.6.3.2.5. Le coup d’arrêt
La poussée grecque est cependant contenue dans l’ouest de l’île d’une part par la résistance des Elymes, les indigÚnes qui habitent cette partie de l’île, et surtout par la puissance des colonies phéniciennes fondées sur la cÃŽte ouest et auxquelles Carthage va imposer sa domination. Toute l'histoire de la Sicile hellénisée se résume en un affrontement entre les colonies grecques et Carthage pour s'assurer le contrÃŽle de l’île. Au IVÚ, AthÚnes et Sparte entreront dans le conflit, avant que les Romains ne s’imposent un siÚcle plus tard.
Mais dans un premier temps, ce sont les Elymes qui contiennent les Grecs : au début du VÚ, la cité élyme d’Égeste (Ségeste) limite l’expansion du territoire de Sélinonte. A la même époque, entre 580 et 576, avec l’aide de Carthage, elle met fin àune tentative de colons de Cnide et de leur oikistê Pentathlos de fonder une colonie àLilybée (Marsala) : leur chef tué au combat, les cnidiens refluent et gagnent finalement l’île Lipari dans les Eoliennes. Plus tard encore, en 510 une tentative spartiate échoue : battue par les Elymes alliées aux Carthaginois, le Spartiate Dorieus finit par s’installer àHeracleia Minoa, àl’embouchure de l’Halycos, aux frontiÚres du territoire d’Agrigente.
2.6.3.3. L'Italie du sud
2.6.3.3.1. Les colonies chalcidiennes
Ce sont encore les cités de l'île d'Eubée, Erétrie et surtout Chalcis qui s’installent en premier en Italie du sud : vers 770 avant JC, les colons d’Erétrie fondent une colonie sur l’île de Pithécusses (l’actuelle Ischia) dans le nord-ouest de l’île, sur le promontoire de Monte di Vico. Trente ans plus tard, de nouveaux colons étant venus de Chalcis, une nouvelle colonie est fondée àCumes sur le continent, qui bientÃŽt va éclipser Pithécusses. Ces colonies sont d’abord des comptoirs commerciaux et de contrÃŽle des routes maritimes vers l’Etrurie, par où transitent céréales et métaux (mines de l'île d'Elbe, détenues alors par les Etrusques). En effet, dans le même temps, Chalcis fonde Zancle en Sicile et Rhégion (Reggio) en Calabre (720), ce qui permet un contrÃŽle total du détroit de Messine.
A Cumes cependant, située àl’entrée de la riche plaine campanienne, la colonisation se poursuit rapidement vers l’intérieur pour la conquête et l’exploitation des riches terres volcaniques de la « chÃŽra » (Territoire agricole, par opposition àla « polis »). Cumes devient rapidement une importante colonie agricole qui àson tour fonde en 478 Neapolis, la future Naples.
2.6.3.3.2. Les colonies achéennes de Milet
Vers 720, les Achéens de Milet fondent sur le golfe de Tarente la colonie de Sybaris et s’installent sur un riche territoire, entre les fleuves Crathis et Sybaris, territoire dont ils massacrent les populations indigÚnes. Rapidement, Sybaris devient la ville la plus puissante de la région et fonde plusieurs colonies : Laos et Skydros en Calabre, puis Métaponte en 680 et Paestum en Campanie en 675. La puissance de la ville àl’époque archaïque est fondée sur ses ressources agricoles, son rÃŽle stratégique pour le contrÃŽle des voies commerciales et ses liens trÚs étroits qu’elle maintient avec sa métropole, la puissante cité de Milet. Sybaris contrÃŽle en Grande GrÚce jusqu’à25 cités. Vers 550 elle prend la tête d’une coalition dont font partie Crotone et Métaponte pour détruire une cité voisine rivale, Siris, colonie ionienne fondée par Colophon et qui lui fait concurrence. Quelques décennies plus tard, elle entre en conflit avec Crotone, qui, àla tête d’une coalition, la vainc et la détruit en 510 : les sybarites rescapés se réfugient alors àLaÃŒs et Poseidonia –Paestum, cité qui connaîtra son âge d’or aux VÚ et IVÚ siÚcles.
2.6.3.3.3. Les colonies achéennes de Rhypes
En 710 avant JC, l’oikistê Myscelos, venue de Rhypes, sa métropole d’Achaïe et secondé par quelques colons de Sparte, fonde sur un promontoire ouest du golfe de Tarente la colonie de Crotone. Rapidement la cité prospÚre au point àson tour de fonder Caulonia sur la mer tyrrhénienne. C’est àCrotone l’austÚre que le célÚbre Pythagore de Samos se réfugie, qu’il fonde en 530 son école de sagesse et qu’il donne àla cité une constitution aristocratique. Rapidement Crotone s’oppose àsa grande rivale Sybaris, et en 510 la détruit de fond en comble. Elle sera elle-même ravagée par Pyrrhus d’Epire vers 275â€Å
2.6.3.3.4. Les colonies spartiates
Sparte, suite aux troubles internes provoqués par la premiÚre guerre de Messénie, envoie les Parthénides vaincus fonder la colonie de Taras (Tarente) en 706, menés par leur oikistê Phalantos. Il semble que les colons se soient d’abord établis pour quelques années àSatyrion, àquelques kilomÚtres du site définitif pour l’abandonner, car Taras occupe une position unique, offrant une rade bien protégée, un territoire quasi insulaire étendu sur environ seize hectares et de bonnes communications terrestres. DÚs l’origine, la cité est confrontée àla résistance des autochtones, les Iapages, avec lesquels les conflits vont être quasi permanents. Tarente atteint son apogée au IVÚ siÚcle, dominant toute la région et développant une intense activité commerciale et artisanale (pêche), avant d’être occupée en 212 par Hannibal puis d’être mise àsac par les Romains.
Les Tarentais fondent àleur tour dans le golfe de Tarente la colonie de Kallipolis puis beaucoup plus tard (435) celle d’Héraclea non loin des ruines de la colonie de Siris.
Tarente sera la seule fondation coloniale de Sparte, sans doute parce que les Lacédémoniens, suite àla conquête de la Messénie, disposent d’assez de territoires agricoles.
2.6.3.3.5. Locres, Thourioi et les autres colonies
L’implantation des Grecs dans l'ensemble de cette zone est trÚs rapide. En quelques décennies naissent des quantités d’autres colonies plus petites. Parmi elles, Locres Epizéphyréenne, fondée par les Locriens de GrÚce Centrale (entre le les golfes de Corinthe et d’Eubée) en 673. TrÚs prospÚre aux VIÚme et VÚ siÚcle avant JC, la Locres Epizéphyréenne sort trÚs affaiblie par un long conflit qui l’oppose àsa voisine Crotone.
Thourioi (Thurii), autre colonie du golfe de Tarente, est fondée en 452 prÚs des ruines de l’ancienne Sybaris par des anciens exilés de la cité. Détruite ànouveau par Crotone, elle est refondée entre 446 et 443 sur la volonté de PériclÚs qui veut en faire une colonie « panhellénique » alors qu’AthÚnes est àl’apogée de sa puissance. Sparte et Corinthe refusent de collaborer et ce sont principalement des membres de la ligue de Délos qui créent la cité sur des plans d’Hippodamos (l’architecte du Pirée). Hérodote, Lysias et Protagoras participent àla création de Thourioi.
Capri aurait été fondée par des Grecs venus des îles ioniennes ; au sud de Paestum, les Phocéens d’Asie Mineure, fuyant l’invasion perse, fondent Velia ou Elée, d’où surgira la célÚbre école philosophique et ses maîtres Parménide, Xénophane et Zénon. Les Doriens fondent enfin Hydruntum (Otrante) sur la cÃŽte calabraise d’Adriatique, les Athéniens Scylletium entre Crotone et Locres ; Locres fonde Medma au nord de Rhégion ainsi que Hipponium et Tempsa ; Terina est fondée par Crotone : ces trois colonies se situent toutes dans le golfe de Sainte Euphémie.
2.6.3.4. La prospérité de la Grande GrÚce
L’époque archaïque constitue l’âge d’or de s cités de la Grande GrÚce. La fécondité de la terre sicilienne et des plaines fertiles de Campanie, du Bruttium et du golfe de Tarente sont àl’origine d’une prospérité éclatante, essentiellement fondée sur l’agriculture : les premiÚres monnaies qui apparaissent en Grande-GrÚce dans la premiÚre moitié du VIe siÚcle, portent des symboles agraires (l’épi de Métaponte) alors que les cultes de divinités étroitement liées àla culture des céréales (Déméter et Coré-Perséphone) revêtent une importance considérable.
Cette opulence repose aussi sur le commerce dont la Grande GrÚce devient la plaque tournante : le détroit de Messine est un passage obligé entre les régions de l’ouest de la Méditerranée (Catalogne, Gaule méridionale), l’Etrurie et le bassin égéen, de même que les voies de communication intérieure traversant la péninsule calabraise. Toutes ces voies sont contrÃŽlées par les Grecs qui supplantent les Phéniciens, cantonnés àl’ouest de la Sicile.
Cette opulence entraîne progressivement au sein des colonies de violents antagonismes sociaux, car rapidement, l’égalitarisme qui rÚgne au départ dans la répartition des sols fait place àla montée d’une classe minoritaire vite riche et puissante au sein de laquelle dominent commerçants, artisans et militaires, générant une situation propice àl’agitation sociale
Ainsi apparaît le « temps des législateurs » qui introduisent des gouvernements basés sur le systÚme des « Aristoï », l’aristocratie, comme Zaleucos de Locres ou Pythagore àCrotone : àCrotone, Locres, Sybaris comme àTarente, la cité est dominée par une oligarchie de riches propriétaires fonciers, la masse du « dÚmos » demeurant, jusqu’àune époque assez tardive, tenue àl’écart des affaires politiques de la cité.
Par contre, sur la cÃŽte tyrrhénienne et sur le détroit de Messine s’imposent plutÃŽt au cours du VIÚ des tyrannies portées par des mouvements populaires : c’est le cas de Rhégion avec Anaxilas, de Cumes avec Aristodémos, de Leontinoi avec Painaitos (dÚs 608), de Phalaris àAgrigente (570-554), de Cléandros (505-498) et HippocratÚs (498-491) àGéla, de Peithagoras et Euryléon àSélinonteâ€Å
A cÃŽte de la prospérité économique et de l’évolution politique, la Grande GrÚce est surtout le centre d’une civilisation d’un éclat incomparable àl’époque archaïque, reléguant les métropoles au second plan, avant qu’AthÚnes ne brille de son éclat. Le pythagorisme trouve dans ce pays sa terre d’élection ; d’Elée surgira la grande école de philosophie du VÚ ; àRhégion se développe autour de Pythagoras de Rhégion une école originale de sculpture qui s’épanouit au début de l’époque classique ; au IVÚ siÚcle, les ateliers de céramique de Grande GrÚce vont supplanter dans tout l’Occident la céramique attique ; chaque cité se construit sanctuaires et temples qui témoignent aujourd’hui encore du savoir faire des architectes et décorateurs de l’époque archaïque (temple d’Apollon àSyracuse en 565, temples C et F de Sélinonte entre 550 et 500, temple de CérÚs àPaestum vers 510
) ; enfin, c’est de Grande GrÚce que la culture hellénique sera transmise àla Rome républicaine et impériale et c’est de Grande GrÚce que sont originaire les premiers grands écrivains latins comme Livius Andronicus (285-204) ou Ennius (239-169).
2.6.4. Les colonies dans l’est
2.6.4.1. L'Hellespont et le Bosphore : Le contrÎle des détroits
En direction du nord et de la mer Noire, les cités les plus actives sont Mégare et Milet. La Propontide, mer intérieure limitée par le Bosphore et l'Hellespont (Dardanelles) se prête bien àla colonisation, d'autant plus qu'elle est proche du monde grec. DÚs 687, Mégare créé Chalcédoine. Mais le site est médiocre au point de vue agricole. Les Mégariens s’implantent donc en 660 en face, àByzance, aprÚs avoir écarté les Thraces, maîtres du pays jusqu’alors. L’arriÚre pays de Byzance est en effet trÚs fertile et les eaux de la Propontide trÚs poissonneuses. Ainsi Mégare contrÃŽle l’accÚs àla Mer Noire et au Pont, et complÚte le dispositif en fondant d’autres colonies sur la Propontide comme Chrysopolis, Selymbria, Astachosâ€Å
Mais rapidement Mégare subit la concurrence de Milet et de l’Ionie : les milésiens bloquent le débouché sud de la Propontide en investissant massivement l’Hellespont où ils fondent Abydos, Marmara (Ile ProconnÚse), Artace, Parium, puis Cius et surtout Cyzique (676). Phocée, quant àelle, fonde Lampsaque sur l’Hellespont et Samos fonde Perinthus (600).
2.6.4.2. Le Pont
Une fois la Propontide contrÃŽlée, les colons visent le Pont Euxin (Mer Noire). L’affaire est autrement plus complexe. La mer Noire est peu propice àl’implantation de bons ports au sud ; les meilleures terres et les possibilités d’implantation de ports (estuaires fermés ou « limans » par ailleurs trÚs poissonneux) se trouvent au nord et àl’ouest, mais le climat y est beaucoup plus rigoureux qu’en Méditerranée. Enfin, les population indigÚnes sont bien moins favorables àl'implantation des Grecs qu’àl’ouest du bassin méditerranéen : Thraces àl’ouest et Scythes au nord n’entendent pas se laisser dominer aussi facilement que les Siculesâ€Å
C’est encore Milet qui se lance dans l’aventure : aprÚs accord avec les fondations mégariennes de Chalcédoine et de Byzance, Milet s’emploie àfaire de la Mer Noire un « Lac milésien » et les fondations se succÚdent : les plus importantes sont Istros (650), Olbia sur le Bug (646), Panticapée (vers 550), Odessos (600-560) ; plus petites sont Tyras sur le Dniestr (vers 600), Théodosia, Hermonassa, Kimmerokon, Appolonia (600-560), Kerkinnitis-Eupatoria vers 500
Kallatis et Tomi dans la région d’Odessa ainsi que Tanaïs àl’embouchure du Don sont des fondations beaucoup plus tardives et de moindre importance. Sur la cÃŽte sud et est Milet fonde de même Sinope en 630, s’implante àAmisos (connue depuis l’âge du cuivre), créé Cotyora, Dioscurias, Phasys, Pitius
Les colons de Sinope quant àeux fondent leur propre colonie àTrapézonte.
Olbia est la fondation la plus importante de Milet. Créée àla jonction des deux estuaires du Bug oriental et du Dniestr, elle se trouve ainsi àun carrefour de voies de communications, à40km de la pleine mer et 45km du départ des deux « limans ». La cité est répartie sur deux niveaux : une acropole et une ville basse, dotées d'habitations sommaires àmoitié enterrée pour se protéger du froid. Les Milésiens entretiennent des rapports amicaux avec les Scythes dont on a retrouvé des tombes àproximité de la fondation. Les Grecs commercent sur les fleuves, vendant des produits comme le vin, les armes, la céramique et achetant blé, morues, esclaves et peauxâ€Å
Milet n’est pas la seule cité fondatrice : ainsi Théos, cité d’Ionie, fonde en 543 Phanagoria en Crimée ; L’Athénien Miltiade l’Ancien fonde vers 600 Chersonesos prÚs de l’actuelle Sébastopol, et Mégare est àl’origine de la création d’Héraclée du Pont (558) et de Mesembria (510) au sud d’Odessos.
2.6.5. L'extrême occident
Les colonies d’extrême occident sont l'œuvre des Ioniens de Phocée, grands commerçants et voyageurs, qui plus entretiennent avec les populations indigÚnes de trÚs bonnes relations. Au départ, l’objectif premier des Phocéens est de se procurer des métaux, et plus précisément de l’étain, ce qui implique l’établissement de relations pacifiques avec la population autochtone, qui ne peut alors que favoriser la pénétration des influences helléniques, encore que ces influences restent relativement limitées, du moins jusqu’au IVÚ siÚcle où les comptoirs s’enracinent plus solidement dans le territoire, en en modifiant alors et le peuplement et la structure socioculturelle.
La colonisation phocéenne débute àl’aube du VIe siÚcle par la fondation de Massalia prÚs de l’embouchure du RhÃŽne (vers 600). Peu propice àla culture des céréales, l’arriÚre pays se révÚle excellent pour la vigne et l’olivier. Rapidement, la ville s’affirme surtout comme un comptoir commercial : dÚs le Ve siÚcle, les produits grecs sont diffusés en Gaule : produits de luxe, vaisselle, céramique, amphores àvin
Le témoignage le plus important de cette activité d’échanges est sans conteste la découverte de la tombe de Vix en CÃŽte d’Or renfermant, outre le célÚbre cratÚre, des coupes attiques.
Suivent les fondations d’Aegitna (Cannes), Antipolis (Antibes) et Nikaïa (Nice). Puis dans la seconde moitié du VIÚ d’autres comptoirs sont établis sur la cÃŽte ligure àl’est, sur la cÃŽte ibérique àl’ouest avec Emporion-Ampurias, Hereoskopeion-Dianium, Mainake (Malaga) ; en Italie du Sud et enfin en Corse, avec Alalia, fondée vers 565. En 546, Phocée est prise par les Perses et détruite. La plus grande partie de la population de la ville vient alors s’installer àAlalia. La ville tente d’étendre son territoire mais se heurte àla résistance des autochtones : aussi les Etrusques et les Carthaginois, maîtres de toute la région, s’unissent contre les Grecs. Les Phocéens emportent la bataille navale d’Alalia, mais la flotte subit de tels dommages que les colons décident d’abandonner la Corse et partent s’installer àElée (540), un site élevé dominant la mer. Ils s'y enrichissent rapidement grâce au commerce et àla pêche.
Quant àl’Ibérie, des Grecs originaires de Marseille fondent au VIÚ Palaiapolis, « la vieille ville ». Rapidement trop àl’étroit, ils créent peu aprÚs sur le littoral une nouvelle colonie, la « Néapolis », qu’ils baptisent Emporion (« marché ») et qu’ils partagent avec les autochtones, la cité étant divisée en deux par un mur. Il en reste un ensemble important de vestiges (remparts, habitations, plusieurs temples, dont un consacré àEsculape, l’agora
)
Tableau récapitulatif des principales colonies de la GrÚce antique
Colonie | Métropole | Date | Région |
Sanè | Andros | 655 | Chalcidique |
Akanthos | Andros | 655 | Chalcidique |
Stageira | Andros | 655 | Chalcidique |
Argilos | Andros | 655 | Chalcidique |
Scylletium | Athènes | 550? | Italie du Sud |
Chersonesos | Athènes | 600 | Pont Euxin |
Lipari | Cnide | 576 | Sicile |
Siris | Colophon | 650 | Italie du Sud |
Corcyre | Corinthe | 740 | Grèce |
Syracuse | Corinthe | 733 | Sicile |
Potidaea | Corinthe | 600 | Macédoine-Chalcidique |
Acrai | Corinthe par Syracuse | 733 | Sicile |
Casmenai | Corinthe par Syracuse | 733 | Sicile |
Camarina | Corinthe par Syracuse | 733 | Sicile |
Pithécusses | Eubée | 770 | Italie du Sud |
Al Mina (Syrie ) | Eubée | 900 | Syrie |
Zancle | Eubée | 755 | Sicile |
Naxos | Eubée | 757 | Sicile |
Rhégion | Eubée | 720 | Italie du Sud |
Catane | Eubée | 752 | Sicile |
Méthonè | Eubée | 750 | Macédoine-Chalcidique |
Mendè | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Skionè | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Néapolis/Chalcidique | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Aphytos | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Toronè | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Sermylè | Eubée | 730? | Macédoine-Chalcidique |
Neapolis Parthénopée | Eubée par Cumes | 478 | Italie du Sud |
Leontinoi | Eubée par Naxos | 752 | Sicile |
Cumes | Eubée par Pythécusses | 740 | Italie du Sud |
Himère | Eubée par Zancle | 648 | Sicile |
Mylaï | Eubée par Zancle | 716 | Sicile |
Capri | Ionie | ? | Italie du Sud |
Thourioï | Ligue de Délos | 446 | Italie du Sud |
Locres Epizéphyréenne | Locres | 673 | Italie du Sud |
Medma | Locres Epizéphyrienne | Italie du Sud | |
Hipponium | Locres Epizéphyrienne | 630? | Italie du Sud |
Tempsa | Locres Epizéphyrienne | Italie du Sud | |
Megara Hyblaea | Mégare | 728 | Sicile |
Chalcédoine | Mégare | 687 | Hellespont |
Byzance | Mégare | 660 | Hellespont |
Chrysopolis | Mégare | VIè | Hellespont |
Selymbria | Mégare | 670 ? | Hellespont |
Astachos | Mégare | VIè? | Hellespont |
Héraclée du Pont | Mégare | 558 | Pont Euxin |
Mesembria | Mégare par Chalcédoine | 510 | Pont Euxin |
Sélinonte | Mégare par Sélinonte | 650 | Sicile |
Heracleia Minoa | Mégare par Sélinonte | 630 | Sicile |
Technos | Milet | 700 | Egypte |
Naucratis | Milet | 650 | Egypte |
Sybaris | Milet | 720 | Italie du Sud |
Abydos | Milet | VIIè? | Hellespont |
Marmara (Ile Proconnèse), | Milet | VIIè ? | Hellespont |
Artace | Milet | VIIè ? | Hellespont |
Parium | Milet | VIIè ? | Hellespont |
Cius | Milet | VIIè ? | Hellespont |
Cyzique | Milet | 676 | Hellespont |
Istros | Milet | 630 | Pont Euxin |
Olbia | Milet | 600 | Pont Euxin |
Panticapée | Milet | 600 | Pont Euxin |
Kerkinnitis-Eupatoria | Milet | 500 | Pont Euxin |
Kallatis | Milet | Vè | Pont Euxin |
Tomi | Milet | Vè | Pont Euxin |
Tanais | Milet | Vè | Pont Euxin |
Sinope | Milet | 630 | Pont Euxin |
Amisos | Milet | VIIè | Pont Euxin |
Coyora | Milet | VIè | Pont Euxin |
Dioscurias | Milet | VIè | Pont Euxin |
Phasys | Milet | VIè | Pont Euxin |
Pitius | Milet | VIè | Pont Euxin |
Trapezonte | Milet par Sinope | Vè | Pont Euxin |
Laos | Milet par Sybaris | 700? | Italie du Sud |
Skydros | Milet par Sybaris | 700? | Italie du Sud |
Métaponte | Milet par Sybaris | 680 | Italie du Sud |
Poseidonia Paestum | Milet par Sybaris | 675 | Italie du Sud |
Thasos | Paros | 680 | Pérée/Thrace |
Galepsos | Paros par Thasos | 670? | Pérée/Thrace |
Apollonia | Paros par Thasos | 660? | Pérée/Thrace |
Oisymè | Paros par Thasos | 660? | Pérée/Thrace |
Néapolis (Kavala) | Paros par Thasos | 650 | Pérée/Thrace |
Elée | Phocée | 540? | Italie du Sud |
Lampsaque | Phocée | VIIè | Hellespont |
Massalia | Phocée | 600 | Gaule |
Aegitna (Cannes) | Phocée | 550 | Gaule |
Antipolis (Antibes) | Phocée | 550? | Gaule |
Nikaïa (Nice) | Phocée | 540 | Gaule |
Emporion-Ampurias | Phocée | 590 | Espagne |
Hereoskopeion-Dianium | Phocée | 540? | Espagne |
Mainake (Malaga) | Phocée | 540? | Espagne |
Alalia | Phocée | 565 | Corse |
Géla | Rhodes | 689 | Sicile |
Agrigente | Rhodes par Géla | 582 | Sicile |
Crotone | Rhypes (Achaïe) | 710 | Italie du Sud |
Caulonia | Rhypes par Crotone | 690? | Italie du Sud |
Terina | Rhypes par Crotone | VIè | Italie du Sud |
Perinthus | Samos | 600 | Hellespont |
Taras Tarente | Sparte | 706 | Italie du Sud |
Kallipolis | Sparte par Taras | 650? | Italie du Sud |
Héraclea | Sparte par Taras | 435 | Italie du Sud |
Phanagoria | Théos (Ionie) | 543 | Pont Euxin |
Cyrène | Théra | 630 | Libye |
Taucheira | Théra par Cyrène | 625 | Libye |
Apollonia | Théra par Cyrène | 630 | Libye |
Euhespérides | Théra par Cyrène | 550? | Libye |
Barca | Théra par Cyrène | 550 | Libye |