Dès la fin du XIè siècle et au début du suivant, les efforts des premiers Capétiens pour organiser leur royaume, encore peu étendu mais qui s'agrandira rapidement, et y ramener la prospérité, commencent à porter leurs fruits. L'union intime de la royauté capétienne et du clergé régénéré permet au magnifique mouvement religieux réformé de se manifester dans la construction de grandes et belles églises, non seulement dans les villes, mais aussi dans les campagnes.
L’âge roman « classique » se caractérise essentiellement par ses voûtes appareillées et par le choix de solutions internes à l'édifice pour absorber et dévier les poussées engendrées par ces voûtes. Elle se distingue selon des variétés régionales (Demi berceaux sur tribunes en Auvergne et Bourgogne, berceaux brisés en Provence, absence de voûtement en Normandie…) mais aussi en fonction des routes de pèlerinages (Saint Sernin et Saint-Jacques de Compostelle sont construites sur le même modèle) et parfois en fonction des ordres auxquels elles sont affiliées (Cluny, Cîteaux…)
Puissant et hardi, l'art roman de Normandie se signale du milieu du XIè siècle jusqu'au milieu du XIè, par des édifices considérables, tant dans leurs dimensions que par l'habileté de leur construction. Cet art est sui puissant qu’il rayonne en Ile-de-France, en Vexin, en Picardie et dans le nord de la France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Sicile et dans le sud de l'Italie, terres normandes conquises par les Guillaume ou Roger...
| Caen, abbaye saint Etienne ou « abbaye aux Hommes ». Croisée du transept |
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La Normandie adopte d’une manière générale le plan basilical à collatéraux, un large transept débordant, et au fond des croisillons des tribunes découvertes portées par une colonne centrale (Jumièges, Saint-Georges de Boscherville, Saint Nicolas et Saint Etienne de Caen). Le chœur, profond, couvert d'arêtes ou en berceau, peut être flanqué de collatéraux de profondeur décroissante communiquant entre eux et avec le chœur, suivant le plan bénédictin le plus fréquent. Le déambulatoire est présent à la cathédrale de Rouen, Jumièges, Saint Wandrille, Saint-Martin de Verneuil, Fécamp, Broglie, Vernon, cathédrale d'Avranches, Bonport et dans un grand nombre d'abbatiales et de cathédrales anglaises. Les églises rurales sont souvent terminées par un chevet plat.
| Saint Martin de Boscherville : l’abbatiale Saint Georges. La croisée du transept |
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La nef, large, bien éclairée, n'est pas voûtée. La voûte d'arêtes est réservée aux collatéraux, parfois aux tribunes et aux travées droites du chœur.
De très bonne heure, les Normands sauront utiliser la voûte d'ogives, d'un type assez rudimentaire, mais qui permet, dès le premier quart du XIIè siècle peut-être, de couvrir les nefs et les grands vaisseaux qu'ils n'avaient jamais osé voûter d'arêtes ou de berceaux, les églises à chœur voûté et nef plafonnée étant de règle avant la croisée d'ogives. Au carré du transept se dresse une tour lanterne suivant une tradition déjà centenaire à Jumièges et dont les architectes gothiques tireront un magnifique parti.
| Caen, abbaye de la Trinité ou « abbaye aux Dames ». La nef centrale |
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Deux tours flanquent la façade. Le massif central abrite le narthex et sa tribune et les tours renferment les escaliers montant aux clochers ainsi que des salles. L'évolution est achevée à la façade de Saint Etienne de Caen où le massif central est complètement intégré dans la construction, tandis que les tourelles d'escalier carolingiennes, devenues deux fortes tours, complètent l'admirable composition dont elles renforcent les angles.
Les clochers de façade sont généralement carrés, percés à leur étage supérieur de deux baies élancées sur chaque face, surmontés, à partir du XIIè siècle, de flèches de pierre et, dès le début du XIIIè siècle, de flèches à huit pans, hautes et fines, montées sur un étage octogone ; un toit en pavillon coiffe la tour centrale.
| Saint Martin de Boscherville : l’abbatiale Saint Georges. Pilier de la salle capitulaire avec statues colonnes |
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Au XIIè siècle, la façade s'orne parfois d'une arcature en plein cintre dont les arceaux se recoupent, dessinant des sortes d'arcs brisés, motif de décoration spécifiquement normand que l'on peut noter à Graville Sainte Honorine, Lillers (Pas-de-Calais), Bristol, Lincoln, Durham en Angleterre, et dans le réfectoire de Saint Wandrille.
| Jumièges (Seine Maritime) : abbatiale Notre Dame. Elévation de la croisée |
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Le tympan du portail, lorsqu'il existe, est généralement nu, ou simplement décoré de dessins géométriques gravés au trait. Les voussures sont décorées de bâtons brisés, frettes crénelées, dents de scie et autres motifs de l'art abstrait des Celtes. La décoration est pauvre, tant sur les façades que sur les chapiteaux. L'esprit géométrique des peuples du Nord et de l'Est domine.